vendredi 22 juillet 2011

Le 5e BCP dans la bataille de Colmar

Unité d’origine FFI, le 5e bataillon de chasseurs à pied (BCP) n’a été affecté que durant deux mois à la 1ère Armée française. Ce qui ne l’a pas empêché de prendre sa part dans les opérations de la réduction de la Poche de Colmar, et de la payer de son sang. La brève évocation qui va suivre repose sur un récit, semble-t-il inédit, que nous a communiqué il y a 20 ans Maurice Vincent, président des anciens du 5e BCP.
C’est le 7 janvier 1945 que le 5e BCP, formé au Blanc (Indre) avec des volontaires du 68e régiment d’infanterie dissous (mis sur pied avec les anciens FFI du Groupe Indre-Est), s’embarque par voie ferrée en direction de l’Est de la France. Il est aux ordres du commandant Stabler, assisté du commandant Olivier Dupleix. Ses unités sont placées sous les ordres respectifs des capitaines Olivier (compagnie d’accompagnement), Pretet (compagnie de commandement), Gaubert (1ère compagnie), Raffaldi (2e) et Affret (3e).
Le 10 janvier, le bataillon arrive à Saint-Nabord (Vosges). «… Un paysage féerique. La montagne vosgienne aux innombrables sapins chargés de blanc s’offre aux yeux émerveillés des petits gars du Berry. » Trente kilomètres de marche sont à affronter pour rejoindre Le Thillot. Le 5e BCP fait alors partie de la 4e demi-brigade de chasseurs du commandant Petit, comprenant également le 1er BCP (autre unité formée de FFI berrichons) du commandant Paoli et rattachée au Ier corps, plus particulièrement à la 4e division marocaine de montagne.
Les chasseurs gagnent rapidement l’Alsace, et c’est dans la nuit du 16 au 17 janvier qu’ils montent en ligne : ils relèvent en effet le 2e bataillon du 8e régiment de tirailleurs marocains autour de Willer-sur-Thur (Haut-Rhin), notamment sur l’Oberfeld. Le 5e BCP est en liaison au nord avec le 1er régiment du Morvan (à Moosch), à l’est avec le 1er BCP.
Le 18, il déplore son premier mort en opération : le chasseur Rechel, tué à son poste. Dans la nuit du 18 au 19, la 1ère compagnie du capitaine Gaubert vient remplacer les tirailleurs sur une position.

Le 20, c’est la grande offensive contre la Poche de Colmar. La 4e DMM a pour objectifs Vieux-Thann et Cernay. Le 5e BCP n’est pas directement engagé, mais mène une action de reconnaissance en direction de la cote 681, le 1er BCP faisant de même vers la cote 581. La journée se solde par trois blessés sur l’Oberfeld, en raison des mines.
Le 24, un coup de main est décidé sur les crêtes de l’Oberfeld. « Confection de capuches en mousseline blanche recouvrant le haut du corps afin de suppléer l’absence de cagoules », précise le récit communiqué par M. Vincent. De nombreuses difficultés se présentent devant les Berrichons : les Allemands veillent et ouvrent le feu, n’hésitant pas à contre-attaquer, les armes automatiques des chasseurs s’enrayent... Le bataillon déplore une perte : celle du chasseur Virolle, semble-t-il exécuté par l’ennemi (selon le site Mémoire des hommes, Roger Virolle, né à Vierzon en 1925, a plutôt trouvé la mort le 8 février).
Dans la nuit du 24 au 25, la 1ère compagnie relève la 3e sur l’Oberfeld, et le 25, le bataillon reçoit l’ordre de s’établir dans les faubourgs de Vieux-Thann, où il relèvera le II/1er RTA, lui-même étant remplacé sur ses positions par le 24e RI (FFI parisiens). Il faudra toutefois attendre la nuit du 26 au 27 pour que cette opération de relève soit entièrement réalisée.
Sur la route de Cernay
C’est alors que le bataillon se porte en avant. « A 4 h du matin dans la nuit du 27 au 28, peut-on lire dans le récit de Maurice Vincent, l’observatoire du PC signale un grand incendie à l’extrémité de Vieux-Thann, près de l’église, ainsi que de nombreuses fumées. De son côté, le capitaine Gaubert, commandant la compagnie avancée, téléphone et prévient que tout indique un repli allemand. Le commandant Dupleix, qui assure à ce moment le service de quart du bataillon, lui donne l’ordre de poursuivre le « boche » et de maintenir le contact à tout prix. La section du sous-lieutenant Degura commence aussitôt à progresser dans Vieux-Thann parmi les jardins et les ruines.» La progression est ralentie par les mines, mais à 10 h, les éléments de tête du bataillon atteignent l’église et signalent que le pont sur la Thur est détruit. Cette journée a été éprouvante pour le bataillon, dont la 2e compagnie Raffaldi a reçu l’ordre de poursuivre la progression par la route de Cernay : ainsi, le groupe du sergent Dognoton est-il porté disparu. A cette date, le site « Mémoire des hommes » recense la mort de Roger Penneroux et d’Alphonse Perrin (tué par balle).

Dans la nuit du 28 au 29, malgré les mines, le 5e BCP atteint les premières maisons des faubourgs de Cernay. Au vu de la réaction ennemie, qui lui cause des pertes, il s’avère que la commune est bel et bien défendue. Les éléments avancés sont contraints de se replier.
Le 29 janvier, une patrouille de la compagnie Gaubert est envoyée vers la cote 425, mais son chef, l’adjudant-chef Robert Latin, est pris et tué d’une balle dans la tête. Parmi les pertes enregistrées ce jour, figurent celles de Marcel Hamann, né en 1920 en Moselle, de Pierre Maubert, né en 1920 à Paris, de Roger Pion, tous tués par balle.
Le 30, c’est l’attaque de Cernay par des actions convergentes, le 5e BCP faisant partie du groupement Bondis. L’action commence par une préparation d’artillerie (mortiers, canons de 105, chars). Les conditions d’exécution sont très difficiles : les FM et PM s’enrayent, les lignes téléphoniques sont constamment coupées, l’ennemi défend solidement la cote 425 attaquée par le 1er RTA. A 10 h 30, le capitaine Gaubert signale l’occupation de la cote 356 par la section du lieutenant Kayser, une mitrailleuse allemande est prise. A 11 h, le général de Hesdin, commandant la 4e DMM, est blessé. A 11 h 45, la 3e compagnie est à 100 m du sommet de 425, subissant de violents tirs. Le sergent Joseph Bernard (né en 1924 dans le Finistère) est tué. A 13 h 45, une action du 1er RTA est lancée pour soulager le 5e BCP. Enfin, à 19 h, ordre est donné à la 2e compagnie de relever la 3e, « harassée », qui descend se reposer près de l’hôpital de Vieux-Thann.
Au matin du 31, le 5e BCP tient toute la ligne de crête, sauf le point 424.9 qui est occupé par le 1er RTA. En fin de soirée, le bataillon est relevé par 1er RTA. Il a « perdu durant ces deux jours de combat près de 20 % de son effectif dont un adjudant, deux sergents-chefs et dix sergents sans compter les pieds gelés ». Parmi les victimes de ces combats : Henri Esteves, né en 1924 dans l’Indre, tué par balles sur la cote 425, Joseph Lavenu, né en 1925 dans l’Indre, Jean Lozinski, Raymond Mery, né en 1926 dans l’Indre.
La fin de la bataille de Colmar
Le 2 février, le 5e BCP remonte en ligne, relevant le II/1er RTA sur les hauteurs du nord de Thann. Des tirs de mortier lui causent trois blessés dans la journée. Puis cinq le lendemain, dont l’aspirant Ramon, chef de section dans la 2e compagnie. Dans la nuit du 3 au 4, la CA s’en vient occuper l’Erzenbachkopf (791 m), tandis que l’aspirant Josse, de la 3, s’établit sur le Becherkopf (922 m). La liaison sera prise avec le 24e RI à l’auberge Ostein et avec le 1er BCP au Molentrain ( ?).
Le 5, le bataillon prend ses cantonnements à Bitschwiller-lès-Thann, perdant toutefois encore trois blessés. Une section accompagnée par le commandant Stabler profite de cette journée pour aller découvrir l’Hartmannwillerkopf, où tant de chasseurs ont péri durant la Première Guerre mondiale. Pour le bataillon, la bataille de Colmar est terminée. Selon le Service historique de la Défense, elle lui aura coûté douze tués, quinze disparus et 56 blessés. A signaler, le 3 février, le décès, à Héricourt (Haute-Saône), de Marcel Rebodeau, né en 1923 dans l’Indre, des suites de blessures.
Le 3 mars, le 5e BCP quitte Rupt-sur-Moselle pour l’Ille-et-Vilaine, afin de prendre part aux opérations d’une autre poche : celle de Saint-Nazaire. Mais ceci est une autre histoire.

PS : en 2010, Maurice Vincent est venu officiellement confier le fanion des anciens du 5e BCP à la commune de Vieux-Thann, dont le cimetière accueille les sépultures d’Alphonse Perrin, de l’adjudant Latin et de Roger Bourbon, né en 1925 à Boulogne-Billancourt, mort le 30 janvier à Thann.