vendredi 10 mai 2013

Chefs de corps à moins de 30 ans

En 1944-45, jamais, depuis la Révolution, autant d'unités de l'armée française n'avaient été confiées à des officiers aussi jeunes. Des hommes dont certains ne bénéficiaient d'aucune formation militaire ont été amenés à prendre d'importantes responsabilités, non seulement dans la Résistance, mais aussi dans les unités issues des maquis, puis dans celles qui ont été intégrées dans l'armée « régulière ». Ainsi, au moins trois régiments d'infanterie métropolitaine étaient commandés, au moment de la capitulation nazie, par de jeunes chefs de corps venus de la Résistance. C'est le cas du 50e régiment d'infanterie (RI), engagé dans les combats de Royan et de l'île d'Oléron, dont le lieutenant-colonel, Rodolphe Cézard, alias « Rac », n'était âgé que de 28 ans, et n'était, quatre ans plus tôt, que lieutenant d'artillerie. C'est le cas aussi du 126e RI du colonel Louis Godefroy, Compagnon de la Libération de 33 ans, qui n'était même pas sous-officier en 1940 ! C'est le cas encore du 8e RI (ex-2e régiment d'infanterie du Lot puis 154e régiment du génie), qui avait pour lieutenant-colonel Robert Noireau, dit « Georges », 32 ans, lui aussi futur Compagnon de la Libération, et seulement travailleur militaire en 1940. Dans les unités FFI, il y eut des officiers supérieurs particulièrement jeunes. Qu'il suffise de citer l'exemple du 1er régiment du Morvan dont deux des quatre chefs de bataillons avaient tout juste 20 ans : Jean Chapelle, alias « Verneuil », et Roland Champenier (tué sur le front en novembre 1944) ! Et au sein de la 6e brigade (FTP) de Dordogne, un régiment était confié à un commandant de 24 ans, René Coustellier, alias « Soleil », qui, à la fin de la guerre, sera à la tête du 3e bataillon du 108e RI, et dont un bataillon avait pour chef un capitaine de 17 ans, son beau-frère René Dessalien, alias « Rase-Motte » ! Il va sans dire qu'aucun de ces officiers ne justifiait d'une expérience militaire ! Ce qui n'est pas le cas du commandant Roland Clée, alias « Roland », 24 ans, chef d'un bataillon FFI de Dordogne puis du 2e bataillon du 50e RI, qui paraît avoir été officier d'active. D'un autre officier supérieur de ce régiment, le commandant René Tallet, dit « Violette », 25 ans, qui était pilote dans l'armée de l'air. Du commandant Raymond Belmont, dit « Martin », 26 ans, sous-lieutenant en 1940, chef du 2e bataillon du 13e RI. Ou du lieutenant-colonel Jean-Pierre de Lassus-Saint-Geniès, 30 ans, Saint-Cyrien, officier en 1940, chef de la 2e demi-brigade alpine puis, semble-t-il, devenu chef de bataillon au 159e RIA. Toutefois, d'autres officiers supérieurs ne resteront pas longtemps à la tête d'une unité, notamment au sein de la 1ère armée française. Ainsi, lui-même successeur de l'illustre colonel « Fabien » (Pierre Georges), tué à l'âge de 25 ans en Alsace, le colonel Claude Jaeger, dit « Michelin », 27 ans, ne restera que quelques semaines chef de corps du 151e RI issu de la 1ère brigade de Paris, avant de céder le commandement à un officier d'active, le lieutenant-colonel Paul Gandoët. Officier de 35 ans, le colonel Gilbert de Chambrun, alias « Carel », ne conservera pas non plus le commandement du 81e RI, confié au lieutenant-colonel Gauvin venu de la 9e DIC. Même dans l'intérieur, le chef de bataillon Frédéric Remélius, dit « Noël », 32 ans, laissera, en janvier 1945, le 3e bataillon du 26e RI (futur I/150e RI) à un officier d'active, le commandant Blangenois. A noter que la 27e division alpine paraît être la grande unité issue de la Résistance dont les chefs de corps étaient les plus jeunes. Parmi ses six bataillons de chasseurs alpins (BCA), le chef de bataillon Roland Costa de Beauregard, dit « Durieu », commandant le bataillon Vercors puis le 6e BCA, futur général, n'avait que 31 ans ; le chef de bataillon Yves Godard, du 27e BCA, 32 ans ; les chefs de bataillon Georges Héritier, commandant le bataillon Savoie puis le 13e BCA, futur général lui aussi, et Lecoanet (15e BCA), 34 ans... Parmi d'autres jeunes officiers supérieurs, signalons, parmi les volontaires de l'ex-Région 3, les commandants Bernard Bonnafous, dit « Richard », 26 ans, adjoint au chef de corps de la Brigade légère du Languedoc, et Michel Bruguier, dit « Audibert », 23 ans, chef du Bataillon du Gard.

dimanche 27 janvier 2013

Le 146e régiment d'infanterie, l'un des premiers en Allemagne

Avant le passage de la Lauter à Scheibenhard par la 3e division d'infanterie algérienne, le 19 mars 1945, avant le franchissement du Rhin par la 1ère armée française à partir du 31 mars, c'est une unité d'origine FFI qui a fait son entrée en Allemagne : le 2e bataillon du 146e régiment d'infanterie.
Ce bataillon a été officiellement créé le 1er février 1945 à Metz par changement de dénomination d'un bataillon de meurthe-et-mosellans : le 2e bataillon du 151e RI (ex-bataillon de marche II/20). Ce dernier était aux ordres d'un jeune chef de bataillon FTP, Stenger, alias « Richard », et il réunissait des hommes des compagnies Savoie, Bretagne, Franche-Comté, Moselle et Bataille-de-Paris, unités FTP de la région nancéenne. Mis à disposition du commandant Marque, vétéran de la Campagne de France, le II/146e, confié au commandant Martin, a été amené à appuyer l'armée américaine lors des opérations de libération de Forbach (le 5 mars).
Selon le Service historique de la Défense, le bataillon, mis à la disposition de la 70e DIUS, opère dans le bassin charbonnier de Lorraine, occupant Stiring-Wendel, Glushutte et Petite-Rosselle. Entre le 26 février et le 9 mars 1945, le II/146e a déploré la mort de six fantassins et la blessure de 25 autres (dont le lieutenant Robert Schneider et le sous-lieutenant Raymond Christ), tandis qu'un homme est porté disparu. Le 14 mars, une patrouille de la 8e compagnie (capitaine Lascombe) entre en Allemagne, puis le bataillon se porte sur Sarrebrück. Le 26 mars, un détachement fait flotter le drapeau français sur les bords du Rhin, à Mayence. Quelques semaines plus tard, le régiment, commandé par le lieutenant-colonel Barthelet, franchira le fleuve. A la capitulation allemande, il sera dans la région de Bad Durkheim.
Le ministère de la Défense conserve la trace de dix victimes du régiment, dont huit âgés de moins de 22 ans : Assel Adolphe, né en 1922 à Algrange, tué à Maizières-lès-Metz le 6 mars par une mine allemande ; Baudoin Roger (6e compagnie du capitaine Gigleux), né en 1927 à Nancy, tué à Forbach le 26 février ; Bodey Bernard, né en 1927 à Nancy, et Bontemps Raymond, né en 1926 à Nancy, tués à la verrerie Sainte-Sophie à Forbach le 3 mars par obus ; Hopfner François, né en 1923 en Moselle, et Pierrot Albert, né en 1923 en Moselle, tués le 1er mars à Fleury par mine ; Malaise Aimé, né en 1928 dans les Vosges, tué le 9 avril à Furstenhausen (Allemagne) par balle ; Mellet René, né en 1921 à La Roche-sur-Yon, mort le 5 mars à Stiring-Wendel par obus ; Schmitjes Jean, né en 1923 à Turcquegnieux, mort le même jour par obus ; et Zorzi Edmond (5e compagnie du capitaine Mathieu), né en 1923 en Moselle, tué par balle le 4 mars à Stiring-Wendel.