jeudi 23 avril 2020

Le 81e régiment d'infanterie


Le 6 décembre 1944, un ordre de l'état-major général de la Guerre prescrit la mise sur pied «sans délai» du 81e régiment d'infanterie avec les volontaires de l'Aude, afin d'être prêt à rejoindre la 1ère armée française à partir du 12 décembre. Un ordre que le colonel «Carrel», de son vrai nom Gilbert de Chambrun, chef des FFI de la Région 3 (Montpellier), accueille avec «joie», ainsi qu'il l'exprime deux jours plus tard au général Malleret-Joinville.

C'est le 16 décembre que le régiment sera officiellement créé. Selon des renseignements communiqués à la 1ère armée française par le commandant Georges et le capitaine Arribaut, de l'état-major du régiment, le 1er bataillon, à Narbonne, est commandé par le capitaine «Franck», 29 ans (Lucien Maury, chef du maquis de Picaussel), le 2e, à Carcassonne, par le commandant Maurice Allaux (issu de Picaussel, lui aussi), et le 3e (bataillon Myriel), à Castelnaudary, par le commandant «Jean-Louis» (le jeune officier FTP Victor Meyer, 25 ans, chef du maquis Jean-Robert). Chambrun n'ayant que 35 ans, le régiment est donc encadré par de jeunes officiers supérieurs,



Pour renaître, le régiment a incorporé initialement les volontaires du bataillon Minervois du capitaine René Piquemal (II/81e), créé le 1er septembre 1944, du maquis de Picaussel (I/81e, complété par le maquis Aulnat et le Corps-franc Lorraine) et du bataillon Myriel (III/81e).

Au total, le 81e RI compte 102 officiers et 2 428 sous-officiers et hommes de troupe, dotés de 1 000 casques français «complets» et 1 000 autres «sans coiffe».



Prêt à être enlevé le 20 décembre 1944 au matin, le 81e part le 23 de Carcassonne et arrive à Bouclans (Doubs) dans la zone de la 1ère armée. Déception chez les militaires : il manque environ 700 hommes, écrit le ministre de la Guerre au général commandant la 16e région militaire.

Le 81e RI sera d'abord renforcé par 17 officiers et 400 hommes du «Bataillon de volontaires de l'Hérault», en attendant d'autres incorporations en février et mars 1945 : des éléments de la 4e compagnie du 5e bataillon de l'Aveyron dans la 11e compagnie, des éléments du 5e bataillon de l'Aveyron dans la 10e, des éléments des 4307e et 4309e compagnies FTP dans la 9e, des éléments de la CCB du 2e bataillon de l'Aude dans la CB 3, de la 4e compagnie Minervois (sic) dans la 8e...



L'encadrement du régiment sera le suivant.

Chef de corps : colonel Gilbert de Chambrun («Carrel») puis lieutenant-colonel Pierre Gauvin (à compter du 1er mars 1945)

Adjoint : lieutenant-colonel Henri Bousquet, 41 ans

Chef d'état-major : commandant Georges Bonfils

Chef d'état-major adjoint : capitaine David

Compagnie hors rang, lieutenant Thomas Urgelles


1er bataillon : capitaine Lucien Maury puis commandant Christian Ducrest de Villeneuve

. CB, lieutenant Georges Armengaud

. 1ère compagnie, lieutenant Jean Argence

. 2e compagnie, capitaine (puis lieutenant) Jean Girves (chef du maquis La Tourette)

. 3e compagnie, lieutenant Pierre Gruson

. 4e compagnie, lieutenant Denis Pacouil


2e bataillon : commandant Maurice Allaux

. CB, capitaine René Gayraud

. 5e compagnie, capitaine René Piquemal

. 6e compagnie, lieutenant Jean Trilles

. 7e compagnie, lieutenant Michel Barraza

. 8e compagnie, capitaine Azalbert


3e bataillon, commandant Victor Meyer puis commandant Raymond Fournier («Charles») puis commandant Louis Lemagny.

. CB, lieutenant Jean Hippolyte puis capitaine François

. 9e compagnie, capitaine Henri Chadal

. 10e compagnie, capitaine Maurice Landeau

. 11e compagnie, capitaine Joseph Mach (tué le 11 mars 1945) puis capitaine V. Meyer (14 mars).

. 12e compagnie, lieutenant Adolphe Gomez.



Le régiment assure d'abord la garde du Rhin entre Niffer et Huningue, éprouvant déjà plusieurs pertes :

. René Pasquetto (Aude), 17 ans, ancien du maquis de Picaussel, meurt à Magstatt-le-Haut, en service commandé, le 15 janvier 1945,

. Edmond Eychenne (Aude), 27 ans et issu du même maquis, décède le 25 janvier à l'usine de Kembs.

. Charles Nozières (Aude), 22 ans, est tué le 4 février 1945 (par balle) ;

. Jean-Baptiste Assens (ancien de Picaussel), 39 ans, originaire de l'Aude, meurt le 12 février à Niffer (par éclats de mortier) ;

. Antonin Arnaud (à priori lieutenant FFI au maquis de Picaussel), 21 ans, de Lunel, le 16 février, à Niffer ;

. Roger Lacroix (maquis de Picaussel), Carcassonnais de 21 ans, le 17 à Mulhouse...
 

Le 20 février, on confie au régiment la garde du sous-secteur d'Erstein, au sud de Strasbourg, et dès sa première nuit de position, il repousse un coup de main allemand le long du Rhin. Le 1er mars, il passe sous le commandement du lieutenant-colonel Gauvin, venu du 6e régiment d'infanterie coloniale. Il enregistre encore plusieurs pertes :

. à Gerstheim, le Tonkinois Ngo Su (maquis de Picaussel), est tué le 10 mars (par balle), et Jean-Louis Bourdel (maquis de Picaussel), 29 ans, de l'Aude, le 30 mars (éclat de mortier) ;

. René Verdier, 18 ans, de l'Aude, le 5 avril à Fort-Louis.



Rattaché à la 9e DIC, le régiment participe rapidement à la Campagne d'Allemagne. Le 5 avril 1945, ayant été relevé par les Auvergnats du 152e RI, le I/81e RI, passant le Rhin à Leimersheim, entre en Allemagne. Le 7, Jean Mollier (maquis de Picaussel), 24 ans, du Doubs, est tué à Karlsruhe (par balle), où le régiment s'est porté.

Les 11 et 12 avril, il participe aux opérations conduisant à la conquête de Rastatt. Le lieutenant-colonel Gauvin est à la tête d'un groupement, qui comprend également le I/126e RI (volontaires de Dordogne et Corrèze) et le I/6e RIC. Un autre régiment de la 9e DIC, le 21e RIC, est engagé. Les combats sont âpres. Un compte-rendu d'opérations, à la date du 11 avril, rapporte : «Le groupement (…) s'est heurté aux défenses extérieures de Rastatt bien défendu. Le I/81e RI au centre est fixé par des résistances ennemies nombreuses et actives dans les faubourgs Est... Au sud par contre, utilisant le pont sauté de Niederbuhl, le I/126e RI a pris pied sur la rive gauche de la Murg et à Niederbuhl». Le I/81e (commandant du Crest de Villeneuve) déplore deux tués et 18 blessés (dont un officier), le I/126e (commandant Poumarède), un tué, huit blessés dont un officier. Le lendemain, le I/126e, qui a débordé la ville par Niederbuhl et par le sud, tient la partie Sud de Rastatt, le I/81e qui a attaqué frontalement, occupe la gare, la fabrique et les faubourgs Est. Le bataillon a perdu cinq tués et 22 blessés, le I/126e deux tués et 23 blessés, le I/6e RIC deux tués et onze blessés.

C'est à Gauvin que le colonel von Vriesberg, commandant la garnison de Rastatt, se rend. Le groupement revendiquera la capture d'un colonel, un commandant, sept officiers subalternes, 816 soldats et Volksturm, ainsi que 74 civils «ayant fait le coup de feu».

Parmi les victimes de ces deux jours de combat, tous anciens du maquis de Picaussel, citons le soldat Dominique Perez, 23 ans, né en Espagne, tué le 12 avril à Ruental, Aubin Bouissière, 21 ans, natif de l'Hérault, André Llana, Audois de 22 ans, mort le même jour à Rastatt, André Courrieu, 17 ans, le 11 avril à Ruental. Citons encore le caporal-chef Antonin Taurant, tué devant la fabrique. L'Italien d'origine Thomas Rossi, 22 ans (à Karlsruhe), et le Roumain Alexandre London (maquis de Picaussel), 23 ans, meurent le 12 avril des suites de leurs blessures.

Seront cités, pour leur conduite, l'aspirant Antoine Berges, le sous-lieutenant Gabriel Garcia, le sous-lieutenant Juste Tatin, chefs de section, et le capitaine Maury.



Le 18 avril, deux bataillons pénètrent dans la vallée de la Kinzig. Le régiment va alors enregistrer d'autres pertes. Issus du maquis de Picaussel, le sergent Roger Salacruch, 21 ans, de Gruissan, et le sergent-chef Pierre Hequet, chef de section, sont mortellement blessés le 20 avril à Hofstetten. Les 21 et 22, il déplore deux tués et huit blessés, contre une soixantaine de prisonniers. Toujours le 21, Albert Tisseyre (maquis de Picaussel), Audois de 20 ans, décède à Strasbourg...



Au 27 avril, le PC est à Fribourg, avec le I/81e RI, le III/81e RI assure la sécurité dans la haute vallée du Rhin et la surveillance de la frontière suisse, le II/81e est chargé de la sécurité de l'axe Fribourg-Neustadt. Le lieutenant-colonel Bousquet est commandant d'armes de Lorrach. De nouvelles pertes sont enregistrées avant et même après la capitulation nazie :

. Vincent Ortuno, du Gard, 30 ans, le 29 avril, à Waldau ;

. Louis Barrot (maquis de Picaussel), 24 ans, le 2 mai à Colmar (maladie) ;

. Camille Bouche, 19 ans, de l'Ariège, le 3 mai, en Allemagne (des suites de blessures de guerre) ;

. Daniel Bonnaure (maquis de Picaussel), de l'Aude, du I/81e, le 9 mai à Mulheim (par rafale de mitraillette).

Sources principales : dossier du 81e RI, Service historique de la Défense, Vincennes ; site Mémoire des hommes ; bulletins de l'association Rhin-et-Danube.