14 novembre 1944
C'est l'offensive dans la boucle du Doubs. Le 6e RIC
est soutenu par les 2e et 3e bataillons du Régiment d'Auvergne. Le III/6e RIC (commandant Communal) est chargé de
libérer Vermondans, le I/6e RIC (commandant de Saint-Germain) a pour objectif Ecot. Celui-ci est couvert sur sa droite par le III/Auvergne (commandant
Paul Cosson). L'assaut est donné à 14 h. « Le III/Auvergne est bloqué en plein
déplacement, ainsi, avant même le démarrage de l'attaque, le bataillon est
diminué d'excellents éléments », note l'historique du 152e RI. Ecot
est pris à 17 h, mais fera l'objet, tout au long de la nuit du 14 au
15, de trois contre-attaques de la part d'éléments de l'Infanterie-Regiment 757, toutes repoussées, notamment avec l'aide de
l'artillerie française qui a reçu l'ordre de tirer sur le village.
15 novembre 1944
Le
III/6e RIC reprend l'attaque de Vermondans. En début d'après-midi, le village est libre, mais le bataillon a perdu en deux jours 50
tués et blessés, 60 évacués pour pieds gelés. Dans les environs
d'Ecot, le III/Auvergne a enlevé, le 14 novembre 1944, deux hauteurs,
dont la croupe de la chapelle Sainte-Blaise. Au matin du 15, il
s'empare du PC de l'Infanterie-Regiment 759 à Lucelans. Le journal
de marche du régiment FFI indique : « Une équipe de ravitaillement
de six hommes […] descend sur les Grands-Bois par les ravins Sud de
Lucelans. Elle est capturée en cours de retour. Les FFI, reconnaissables à
leurs vêtements en loques, sont fusillés dans le dos comme "terroristes". » Ce
crime de guerre a coûté la vie au sergent-chef Sotero Martin, aux
soldats François Boulon, Jean Coton, Faivre, Georges
Meyer et Jan Wysocki. Au total, 24 soldats du
Régiment d'Auvergne, dont les sergents-chefs Jean Schneider et
Léon Moury, 33 ans, sont tombés les 14 et 15 novembre 1944, que ce
soit à Ecot, à Dambelin et à Villars-sous-Ecot. Six des tués des
FFI d'Auvergne étaient issus de la 3e compagnie du groupe
Didier* (Gilbert Cluzel, Charles Dozières, Maurice Jans, Joseph
Paris, Paul Philippe, Robert Pinaud).
16 novembre 1944
Le bataillon Cosson parvient au
Bois Brûlé, d'où il voit Mathay. Il nettoie ce bois, puis enlève celui
des Bochets, dont il atteint les lisières Nord. Un peu avant la
tombée de la nuit, note l'historique du régiment, la 9e compagnie
surprend une compagnie allemande dans le bois, « se rue sur elle et
la défait complètement ».
17 novembre 1944Puis le
III/Auvergne nettoie le bois de Mathay, arrive vers midi sur la
route Mathay-Voujeaucourt et atteint en fin de journée le bois de
Bambe et le pont de Mandeure, au sud de l'agglomération de
Montbéliard.
18 novembre 1944
C'est au tour du 2e bataillon du Régiment d'Auvergne, qui
a pris l'avant-veille le bois des Quatre-Villes, d'entrer dans
Voujeaucourt, tandis que le 3e, « d'un seul trait parvient à Valentigney qu'il
libère totalement de l'occupant », recevant un « accueil enthousiaste ». Au total, selon l'historique du régiment, le 15-2 a perdu 30 tués entre le
14 et le 18 novembre 1944.
21 novembre 1944
Le général de Lattre accède à une requête du
lieutenant-colonel Colliou et autorise le régiment à porter
l'appellation de 152e régiment d'infanterie** (Colliou était officier au 15-2 jusqu'en 1942). Après ces opérations, le régiment verra ses 2e et 4e
bataillons fusionner, « à la suite de l'obligation faite aux volontaires du
maquis de signer des engagements pour la durée de la guerre » qui a fait
diminuer « fortement » les effectifs. Le commandant Kauffmann,
adjoint au commandant de Warenghien, met plutôt en avant
« l'attaque d'Ecot par suite des morts et blessés ayant mené une scission dans
notre bataillon », d'où une fusion dans un nouveau 2e bataillon dont
Biarez, « officier d'active », conserve le commandement. Sa 7e
compagnie (capitaines Cauvin et Paul Ruel) résulte de la fusion
des compagnies Y1 et Y2 du bataillon Kauffmann.
24 novembre 1944
Le 152e RI reprend le chemin du combat. C'est à midi qu'il arrive à la centrale électrique entre Courtelevant et Seppois-le-Bas, aux confins du Territoire de Belfort et du Haut-Rhin. Le secteur n'est pas nettoyé, et le lieutenant-colonel Anselme
Erulin, chef du 1er bataillon, est blessé. Il sera remplacé par le
commandant Emile Mairal. Le capitaine Thébaut est également
touché, le lieutenant Antoine Ravel lui succède à la tête de la 3e
compagnie. Au soir, le régiment tient la ligne Etang Chatelin –
centrale électrique (I/152e RI), une position le long de la RN 463
en direction de Seppois (III/152e RI), tandis que le II/152e RI est
en réserve. Ce dispositif sera renforcé par les deux bataillons de
chasseurs à pied (BCP) du Groupe mobile d'Alsace.
26 novembre 1944
Le matin du 26 novembre est le moment choisi par le général allemand Wiese pour, à
nouveau, lancer une contre-attaque. C'est à la centrale électrique entre Courtelevant
et Seppois-le-Bas que la journée va être rude.
Après la blessure du capitaine Thébaut, le lieutenant
André Ravel vient de prendre le commandement de la 3e
compagnie du I/152e RI, dont un infirmier, Chambon, est porté
disparu depuis la veille - il voulait rechercher le corps d'un
volontaire tué, Robert Galmiche.
Il est 7 h lorsque trois
Allemands se présentent devant les volontaires auvergnats pour
se constituer prisonniers. Ils révèlent que dans trois-quarts
d'heure, l'ennemi va lancer une attaque, « appuyée par trois chars
Tiger et plusieurs pièces d'artillerie », précise le journal de marche de
l'unité.
Pour les I et III/152e RI, il n'est plus question de dégager
l'axe Courtelevant – Seppois, comme ils en avaient reçu l'ordre.
Mais de se placer en position défensive. Les premières pertes du
régiment sont dues à des obus amis, à l'heure où est attendue
l'attaque allemande : deux blessés à cause d'un tir trop court.
A 8 h, c'est l'ennemi qui ouvre le feu, d'abord sur la 9e
compagnie et sur l'aile droite du I/152e, puis aux abords de la
centrale électrique. La préparation durera jusqu'à 9 h 15, et il y a
déjà des pertes. Le commandant de la 2e compagnie, le capitaine
Lucien Chainas, trouve la mort, à l'âge de 37 ans, le capitaine
Henri Tardivat est sérieusement blessé. Bientôt, c'est l'assaut,
exécuté par deux bataillons de la 198. Infanterie-Division, trois
blindés Ferdinand, appuyés par douze pièces d'artillerie de 88 et
150.
Avec les feux de quatre mitrailleuses de la CA 1, la 3e
section de la 3e compagnie empêche les Allemands de franchir la Suarcine. Ces derniers s'abritent derrière le fossé Est de la route
d'Ueberstrass et, par leurs tirs, rendent inutilisable une
mitrailleuse et blessent grièvement le soldat Splett dit Joseph.
A 9 h 45, les Allemands atteignent la route de Seppois et
s'élancent à l'attaque du transformateur, qui est le PC de la 3e
compagnie. Ses hommes se replient le long de la route de Seppois – Courtelevant, mais leur chef, le lieutenant Ravel, est
mortellement blessé, à 100 m de l'installation. Le lieutenant
Chastel le remplace à la tête de la «3», qui perd aussi le caporal
chef Pierre Chaillet.
Au III/152e RI (commandant Cosson), rend compte le
lieutenant-colonel Colliou, « la 9e compagnie [...] dont la gauche est à
200 m environ de la centrale électrique est violemment accrochée. Un très dur
combat s'engage. Une section de la compagnie est presque anéantie ». Avant
midi, le bataillon et la CAC auront déjà déploré la mort de treize
soldats. Il y a également 61 blessés, ainsi que sept disparus.
La 2e compagnie du I/152e est dite « compagnie nord
africaine » - elle est en effet issue du bataillon Chouan -, et c'est
une de ses sections, assurant la liaison entre le I/152 du
commandant Mairal et le III/152, qui est prise à partie par un
char Ferdinand débouchant de la route d'Ueberstrass. Les hommes
de feu le capitaine Chainas épuisent presque toutes leurs
munitions, se replient et s'installent défensivement à la lisière des
bois, à 400 m au sud de la centrale. Quant au blindé ennemi, il
sera détruit par un tank destroyer du 2e régiment de dragons, en
appui sur la route de Courtelevant.
L'axe est donc à nouveau coupé, la centrale perdue.
Tandis
que la 1ère compagnie du 1er BCP (Groupe mobile d'Alsace),
nouveau venu dans le secteur, est poussée de Seppois en renfort du III/152e RI, le colonel Voillemin, commandant le 23e RIC,
décide, à 11 h 45, de lancer une attaque, avec le 2e bataillon du 9e
régiment de zouaves. Préparation d'artillerie à 14 h,
déclenchement de l'action à 15 h 30. L'affaire est rondement
menée. « A 17 h 10, précise le lieutenant-colonel Colliou, la centrale électrique est enlevée. Le 3e bataillon réoccupe la route Courtelevant -
Seppois et établit son contact avec le 1er bataillon. »
Poursuivant l'ennemi
en repli le long de la Suarcine, la 3e compagnie « va prendre position
au nord du bois Saint-Jean à la limite de la route Lepuix - Friesen »,
indique le journal de marche de cette unité.
Les pertes sont lourdes, notamment au 1er bataillon qui
déplore 18 tués, dont deux officiers et l'adjudant-chef Eugène
Sarron (3e compagnie), cinq disparus (Murat, Barbat,
Chambon, Marchal et Graspet) et 51 blessés, dont le capitaine
Tardivat, le médecin-lieutenant Victor Chardon (CB) et le sous
lieutenant Fauconnier (CA). Parmi les morts du bataillon,
Mohamed ben Djelloul a été exécuté, Julien Chrzanowsky avait
18 ans, Marcel Marchand, 17 ans, Claude Berçot, de Valentigney
(Doubs), 16 ans et demi.... L'adjudant-chef Saunier, les adjudants Lissandre, Roux et Forestier, les sergents-chefs Hadj Klouf ben Mohamed, Lange et Renard, les sergents Mohamed ben
Mohamed, Boussetta, Hockeim et Deret figurent parmi les blessés du I/152e RI.
De son côté, la compagnie anti-chars (CAC) du régiment,
qui est l'ancienne compagnie "Lulu" ou 1ère compagnie du groupe
Lafayette, commandée par les capitaines Lucien Volle et Jean
Krest, a subi également des pertes sensibles, dont Louis Argiolas
(Marius), un des évadés de la prison du Puy, et Marcel
Fourneyron. D'autres anciens du groupe Lafayette sont tombés ce jour-là : le sergent-chef Jean
Peyron et Alfred Rochette, tués, le sergent-chef Jean Vignel,
Aimé Reynaud, Antoine Zolle, Roger Surrel, Jacques Gillet, Pierre Loubier,
Alphonse Nicolas, blessés...
De son côté, le II/152e RI du commandant Biarez est douloureusement éprouvé lors de combats dans le bois de l'
Oberwald. Issue de la fusion de la 33e compagnie (capitaine Etienne Gues dit
Ety) du bataillon Warenghien et de la compagnie John (capitaine Jean Fraisse), la 6e compagnie déplore onze tués et 22 blessés.
Au total, ce jour-là, le 15-2 déplore 44 tués, dont l'aspirant
André Monticone, 170 blessés, douze disparus. Résumons ensuite les opérations du 152e RI, déjà évoquées sur ce blog. En décembre 1944, tandis que le régiment s’installe à Hombourg (en forêt de la Hardt), le groupement France d’abord du capitaine Laplace (FFI de Lyon) devient 2e compagnie du I/152e RI. Le 20 janvier 1945, le lieutenant Collomb (2e compagnie) est tué. Le 21, lors de l’attaque de la Poche de Colmar, le I/15-2 passe la Doller, perdant le sous-lieutenant Gayant (2e compagnie) devant la fabrique de Lutterbach qui ne tombe qu’à 17 h. Le lendemain matin, la sous-station électrique de Reiningue est conquise. Durant ces deux jours, le I/152e RI, dont le capitaine Vincent commande la 3e compagnie, aura perdu 29 tués, 54 blessés, trois évacués pour pieds gelés. Le 8 février, le régiment défile dans Colmar, qui fut sa garnison en 1940.
Intégré dans la 14e DI, le 152e RI, toujours sous les ordres du colonel Colliou, prend part à la Campagne d’Allemagne. Le I/15-2 revendiquera l’honneur d’être entré le premier dans l'agglomération de Stuttgart le 21 avril 1945. Ses trois bataillons étaient alors respectivement commandés par le lieutenant-colonel Erulin, le capitaine Kretz et le capitaine de Sagazan.
A l'issue des opérations, le 152e régiment d'infanterie déplore la mort de 161 de ses hommes dont neuf officiers. A elle seule, la 3e compagnie a perdu 19 tués et deux disparus les 25 et 26 novembre 1944, dix tués le 21 janvier 1945, soit 29 tués lors de deux combats.
Sources : archives du 152e RI, GR 12 P 25, SHD ; journal de marche du I/152e RI ; La libération de Pont-de-Roide à Delle, Robert Paicheur (s.d.).
Copyright club Mémoires 52.
* Avant l'offensive dans le Doubs, le commandant René Privat et une partie de ses hommes ont rejoint l'armée de l'air, les autres ont été versés dans le Régiment d'Auvergne.
** Le JMO de la Demi-brigade d'Auvergne situe ce changement d'écusson à la date du 22 novembre 1944.
Ordre de bataille du Régiment d'Auvergne/152e RI (octobre 1944 - mai 1945)
Chef de corps : lieutenant-colonel puis colonel Marcel Colliou
Etat-major : lieutenant Gabriel Putz, lieutenant-colonel Seguin, commandants Emile Bonnefoy, Maurice Cailhol, Lucien Franoux, Félix Pierre
Centre d'instruction : commandant Gaston Marcelin
1er bataillon, lieutenant-colonel Anselme Erulin (commandant Emile Mairal p.i.)
compagnie de commandement, capitaine Michel Jacobs (tué 30/10/44)
1ère compagnie, lieutenant Warluzel
2e compagnie, capitaine Maury puis capitaine Lucien Chainas (tué 26/11/44) puis capitaine G. Laplace puis lieutenant Mathery puis lieutenant Beaufils
3e compagnie, lieutenant Meyer (Lorrain) puis capitaine Thébaut puis lieutenant André Ravel (tué 26/11/44) puis capitaine Vincent
CA, capitaine Henri Tardivat
2e bataillon, commandant Gendre puis commandant Georges Biarez puis capitaine Jean Kretz
Etat-major : commandant Amaury de Warenghien, capitaine Kretz
compagnie de bataillon, capitaine Nouaillet
5e compagnie, capitaine Villaume
6e compagnie, capitaine Etienne Gues (tué 26/11/44) puis lieutenant Fernand Darmont (ou Darrort)
7e compagnie, capitaine Cauvin
CA 2, capitaine Mancarelli
3e bataillon, commandant Paul Cosson puis commandant Henri de Sagazan
Etat-major : capitaine Michel Ogel
compagnie de bataillon, commandant Adelbert Benoit d'Azy
9e compagnie, lieutenant Jean Deabriges
10e compagnie, capitaine Edouard Guibert
11e compagnie, capitaine Hubert Gros
CA 3, capitaine Louis Genin