![]() |
| Des hommes de la 1ère compagnie à Masevaux. (Source : journal Rhin et Danube). |
Bataillon Janson-de-Sailly. C'est ainsi que le général de
Lattre appelait cette unité, à l'origine 1er bataillon du 1er régiment
de marche d'infanterie portée de Paris. Mis sur pied à partir de la
fin août 1944 dans les locaux du célèbre lycée parisien, ce
régiment réunissait tout à la fois des élèves et des étudiants, des
volontaires du groupement du XVIe arrondissement de la Croix-Rouge, des militaires de carrière, « des ouvriers des banlieues Ouest de Paris, artisans de Belleville et de Ménilmontant et même des volontaires
étrangers » (témoignage de Jacques Malézieux-Dehon, dans un article paru dans le journal Rhin et Danube).
Le bataillon dont le commandant (puis lieutenant-colonel)
Guy de Fenoyl de Gayardon a pris le commandement était
constitué de six compagnies de 90 hommes. Son organisation était notamment la suivante :
Chef de bataillon : commandant Jean Berger puis commandant de Gayardon.
1ère compagnie : capitaine André Rigoine de Fougerolles.
3e compagnie : capitaine de Montenon puis capitaine Jacques Daguet.
4e compagnie : capitaine Adrien Juhel.
6e compagnie : capitaine Jean-Baptiste (dit Rémi) Jouandet puis capitaine Bataille.
Les conditions du départ de
Paris du bataillon, le 25 septembre 1944, sont entrées dans la légende. Le sergent-chef Jacques
Malézieux-Dehon raconte ainsi le célèbre épisode : « La Garnison de
Paris désigna le bataillon pour des services de garde qui rapidement prirent
une ampleur inquiétante. Devant le risque d'affectation définitive de celui-ci à
Paris, et les rumeurs de dissolution et répartition dans les unités FFI de la
région parisienne, les officiers supérieurs du bataillon prirent la décision de
passer à l'action. » Deux officiers, les capitaines André Brassens et
André Rigoine de Fougerolles, parviennent à trouver une voiture
et à se rendre clandestinement jusqu'à l'état-major du général de
Lattre. Lequel donne son accord pour que le bataillon lui soit
affecté. A une condition : que son transport se fasse « par ses
propres moyens dans les cinq jours ». Itinéraire : 350 km « sans aucune aide
officielle, avec 600 hommes, alors qu'il n'y avait pas de chemin de fer et un
peu partout des ponts coupés... »
Au soir du 25 septembre 1944, dans la nuit, « sous la pluie
battante » et dans le plus grand secret, le bataillon Gayardon
embarque près du Trocadéro, « dans un convoi formé de voitures
disparates, camions gazogène, diesel, voitures particulières ». Via Troyes,
Colombey-les-Deux-Eglises
et
Langres,
les
volontaires
parviennent à Gray (Haute-Saône), où ils sont présentés au général de Lattre.
Pendant ce temps, c'est la stupeur à Paris : un bataillon a
« déserté ». Il ne sera pas le seul : un deuxième contingent de 400 ou 450
hommes suivra le même chemin, pour compléter les effectifs du
premier. Le bataillon est instruit au camp de Valdahon à peine évacué par les
Allemands, sous la houlette du commandant Alfred Quinche.
Après une visite le 13 novembre 1944 par le
général de Gaulle et Winston Churchill, le bataillon quitte le camp le
22 novembre 1944 pour le Territoire de Belfort, par Sochaux et Vescemont.
Il est affecté à la Brigade de choc qui opère avec le 2e
corps du général de Monsabert. Celui-ci, après la prise de
Grosmagny, avait lancé son attaque sur l'axe Grosmagny –
Rougemont – Lauw - Aspach-le-Haut. Masevaux est sur ce
chemin. Traversée par la Doller, c'est une petite ville, une des
premières du département du Haut-Rhin, sur la route de Thann
que vise le général de Monsabert. Le Groupe des commandos de France y pénètre et se heurte à une solide résistance.
25 novembre 1944
Les Parisiens commencent leur mouvement,
marchant par Grosmagny, Etueffont, le hameau de Stoecken, puis
entrant en Alsace. La nuit est passée dans l'usine de tissage
Isidore André. Le "bataillon Janson-de-Sailly" est ainsi organisé : 1ère compagnie, capitaine A. de Fougerolles ; 2e, capitaine Raymond Manil de
Hinzelin ; 3e, capitaine J. Daguet ; 4e, capitaine A. Juhel ; compagnie d'accompagnement (CA), capitaine André
Brassens ; compagnie de commandement, capitaine J.-B. Jouandet.
26 novembre 1944
C'est le baptême du feu. Au matin, les
hommes du lieutenant-colonel de Gayardon ont reçu l'ordre de
franchir la Doller, en crue, pour occuper la partie Nord de la ville – où les éléments des Commandos de France ont pu s'accrocher -
et les débouchés de la route Joffre en direction de Thann.
Voilà les Parisiens qui s'infiltrent dans la cité. « La 3e
compagnie [...] pénètre dans l'est de la ville, raconte le sergent-chef
Jacques Malézieux-Dehon. Elle rencontre peu de difficultés jusqu'à la
place des Alliés. Mais au moment où elle passe devant la mairie et s'apprête
à franchir la Doller sur le pont effondré, une arme automatique se dévoile à
l'angle de la rue du Maréchal-Foch. La progression continue difficilement,
jusqu'au moment où une mitrailleuse ennemie, installée près de la gare, lui
interdit d'avancer. » Dans un hangar, un obus de mortier explose au
milieu d'un groupe, blessant douze hommes dont le sergent
Philippe Paget, 21 ans, et Régis Pérouse de Montclos, 21 ans, tous
deux mortellement. D'autres volontaires tombent : le caporal
chef Félix Bautier, 45 ans, décédé un mois plus tard à l'hôpital, et
Lucien Gonthier, 22 ans, blessés à mort, le caporal Philippe
Thorel, 21 ans, et le chasseur Gilbert Bouillet, 19 ans, tués près de
l'église.
A la 1ère compagnie, Jehan Bansillon, 20 ans,
Geoffroy Larcher, 21 ans, Yves Parlange, 30 ans, Patrice
Wacrenier, 17 ans, François Leiris, 20 ans, sont tués. « Les
Allemands tirent sur nos secouristes et brancardiers malgré leurs casques avec
croix rouge et leurs civières » (Bernard Laroche*).
La 1ère compagnie étant bloquée, les 2e et 4e reprennent sa
mission à leur compte. Des éléments de la «2» franchissent la
Doller par le pont Ouest, mais à la «4», «les capitaines Juhel et Manil
sont blessés par le même obus» (caporal Pierre Belleville*). Le lieutenant
Schoumacher prend le commandement de la compagnie, dont un
chef de section, l'adjudant-chef Hamed Ben Ali, a été
mortellement atteint. Mais les Français
sont solidement installés dans Masevaux.
27 novembre 1944
Le nettoyage de Masevaux se poursuit. Au petit jour, la 4e
compagnie du Bataillon Janson-de-Sailly lance une attaque sur la
voie ferrée au nord pour dégager la route de Bourbach. Elle
s'élance après une courte préparation d'artillerie. La voie est
atteinte, franchie même, mais des armes automatiques se
dévoilent, et l'attaque est arrêtée. L'aspirant Gérard a été blessé,
de même que le lieutenant-colonel de Gayardon, atteint de cinq
éclats par un obus qui a touché également le capitaine Jouandet.
Non évacué, ce dernier va prendre le commandement de la 2e
compagnie et sera à nouveau blessé le 29...
29 novembre 1944
Pour le bataillon
parisien, c'est la fin des combats pour Masevaux. Si le général de
Lattre parle dans son Histoire de la Première française de 27 tués pour le bataillon, l'ouvrage consacré au 2e choc avance le chiffre de 45 morts...
2 décembre 1944
Après deux jours de repos, le Bataillon Janson-de-Sailly
désormais placé sous les ordres du commandant Jean Berger
reprend la progression sur l'axe Masevaux – Bitschwiller - Thann
par le col du Hundsruck et la Route Joffre. La 4e compagnie doit relever deux
compagnies du Bataillon de choc Bayard qui sont censées occuper « le
terrain compris entre la cote 757 et le chemin menant à Weiler, à 400 m en
contrebas ». Mais ce n'est pas le cas, selon les vétérans du bataillon. Une attaque de la cote 757 est donc décidée, et exécutée, au prix notamment de la mort du capitaine Jean Ferry, du "3e bataillon de choc Bayard".
6 décembre 1944
Le Bataillon Janson-de-Sailly est relevé. Durant la première semaine de décembre 1944, il a également déploré la mort de Pierre Cayol, 23 ans, Pierre Durand, 20 ans, Jean Frenois, 20 ans, Jean Fromentot, tireur FM de 20 ans, Patrick Hussenot-Desenonges, Olivier de Lalande, 20 ans, Jean Letellier, 18 ans, Narciso Mirannati, 18 ans, Jean Schillio, 19 ans... La plupart sont décédés à Giromagny et Belfort, des suites de leurs blessures (peut-être reçues à Masevaux). Le lieutenant d'Harambure, commandant la CA, a été blessé.
Puis le bataillon gagne Montbéliard où, le 5 janvier 1945, il devient 2e bataillon de choc, avec le renfort de volontaires du Loiret. Le 23 janvier 1945, intégré au sein du 2e groupement de choc du commandant Quinche, le 2e bataillon de choc attaque la cité de Richwiller, près de Mulhouse, où deux jours de combats lui coûtent à nouveau onze tués et 70 blessés et gelés. Il entre en Allemagne le 4 avril 1945 et sera, à la date du 8 mai 1945, sur le lac de Constance.
* Plus de renseignements sur le parcours de cette unité, lire avec profit : BECHAUX (Antoine), LAFUMA (Michel), Le 2e choc. Bataillon
Janson-de-Sailly. 1944-1945, éditions France-Empire, 1988.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire