La plaque en hommage aux morts du 3e/12e dragons. (Photo L. Fontaine).
Le 26 novembre 1944, tandis que le 152e RI est meurtri dans le bois de l'Oberwald, que le Bataillon Janson de Sailly prend sa part dans la conquête de Masevaux, que le I/51e RI atteint le Col du Brabant, que le Corps franc Pommiès entre dans Le Thillot, le 3e régiment de dragons du chef d'escadrons Pierre Dunoyer de Segonzac est cruellement éprouvé entre Gérardmer et le Col de La Schlucht. C'est le combat de l'Envers des Fies que nous vous détaillons ici.
A sa création à Castres le 31 août 1944, le 1er groupe d'escadrons du 3e dragons FFI, confié au chef d'escadrons Paul d'Audibert de Lussan, avec pour adjoint le capitaine René Mazens, se compose de trois escadrons : le 1er du lieutenant Henri Périé (pelotons Jean Le Vavasseur, Georges Barbas, Marc Vène), le 2e du lieutenant Henri Sautour (pelotons Michel Mare, Hubert de Charron, Edouard Bonhoure) et le 3e du capitaine Jean de Tauriac (pelotons Guy de Charron et Louis Aussenac).
Engagé dans les Vosges, le 1er GE du 3e dragons appartient au sous-groupement Lecoq, auprès de qui Audibert apprend, le 25 novembre 1944, quelques jours après l'entrée des troupes françaises dans Gérardmer, que le bois de la Brochotte et la maison forestière L'Envers des Fies ne sont plus occupés. Il s'agit, pour les dragons, de le vérifier, le 26 novembre 1944. L'historique du groupe d'escadrons - le régiment en compte trois - rend compte dans le détail de cette journée.
"Mission du sous-groupement Lecoq. S'efforcer de déborder par le nord les résistances ennemies de la région à l'est de Longemer. En cas de repli profond de l'ennemi, pousser rapidement : 1) sur l'axe Xonrupt - Le Valtin - Le Rudlin - Col de Louchbach et Colmar (soit par le Lac Blanc et Orbey, soit par le Col du Bonhomme et Lapoutroie) ; 2) en direction de La Schlucht. [...] Mission du groupe d'escadrons. Envoyer à 8 h 15, le 26 novembre, une reconnaissance destinée à s'emparer de la maison forestière des Fies, de L'Envers des Fies et du Carrefour des Fies. [...]
A 6 h, le 1er escadron, le commandant d'Audibert et son PC quittent à pied Gérardmer, où le 2e escadron reste jusqu'à nouvel ordre, arrivent à Xonrupt à 7 h 30 et à 8 h partent en reconnaissance, accompagnés par le lieutenant Alquier-Bouffard du 3e groupe d'escadrons qui doit les mener jusqu'à la maison forestière de L'Envers des Fies. [...]
A 8 h 45, l'échelon de reconnaissance atteint la maison forestière de L'Envers des Fies, la reconnait prudemment et la trouve libre.
A 9 h, le 1er escadron se porte dans les bois situés à 4 mètres Ouest 812,5, en occupe les lisières Nord, face au carrefour des Fies, et Est, face à la ferme de L'Envers des Fies, que va reconnaître le peloton Le Vavasseur commandé par le sous-lieutenant Cormouls. [...]
A 9 h 15, ce peloton atteignant les lisières Ouest du bois de la ferme de L'Envers des Fies est pris sous un feu violent et ajusté d'armes automatiques situées dans ce bois et celui des Brochottes. Il est littéralement cloué au sol. [...] Des tireurs d'élite, armés de fusils à lunette et grimpés dans les arbres, font du tir à la cible. Le brigadier Frauenfelder est tué, le maréchal des logis Assemat blessé très grièvement à la jambe à moins de 10 m des fils de fer ennemis.
A 9 h 30, le commandant d'Audibert rend compte au lieutenant-colonel Lecoq. [...]
A 10 h 30, le capitaine Périé décide d'aller voir le peloton Le Vavasseur (Cormouls) afin de se rendre compte personnellement de sa situation qui s'avère de plus en plus critique. Il essuie plusieurs balles à l'aller. Sur le chemin du retour, il est tué d'une balle en pleine tête par un tireur d'élite. [...]" Le corps de l'officier âgé de 29 ans est ramené par le brigadier Granier et le cavalier Larroque.
"A 10 h 5, [d'Audibert] adresse au lieutenant-colonel Lecoq ce message : "Résistance signalée Envers des Fies est plus sérieuse. Les lisières Ouest du bois sont tenues par plus de deux sections. Capitaine Périé tué. 2 blessés graves. Dois-je persister dans attaque Envers des Fies ou dois-je me porter au carrefour des Fies ?".
A 11 h, le médecin-lieutenant Bourdet se porte vers le maréchal des logis Assemat. [...] Il donne à ce sous-officier les soins voulus, malgré un feu violent dont il est la cible, puis est grièvement blessé à son tour par une balle explosive au bras. Deux hommes, les cavaliers de Villèle et Cheron vont spontanément à son secours et le ramènent. Cheron est à son tour très grièvement blessé par une balle, dans les reins. [...]
A 12 h 55, [d'Audibert] envoie l'ordre au peloton Le Vavasseur (Cormouls) de décrocher prudemment. [...]" Au cours de sa mission de transmission d'ordres, le cavalier Thomas René "est blessé à deux reprises".
"A 13 h 05, le peloton Le Vavasseur (Cormouls) commence son décrochage, effectuant son repli sur un glacis. [...] Coup sur coup, sont tués les cavaliers Marty et Arramond, tandis que sont blessés le maréchal des logis Copens, les cavaliers Descoux, Delfavero Gaston, Rouanet Pierre et que le maréchal des logis-chef Gimenez a son casque traversé d'une balle et le cuir chevelu brûlé.
A 13 h 50, au message qu'il avait envoyé à 10 h 55 au lieutenant-colonel Lecoq, il est répondu au commandant d'Audibert : "Ne pas insister sur L'Envers des Fies et se porter dans la région de La Roche-[du] Page".
A 13 h 55, le commandant réplique sur le champ : "Suis toujours très solidement accroché. Peloton au contact vers la ferme des Fies a éprouvé des pertes très sévères, 3 tués, 8 blessés. Reçois votre ordre de repli. Ne pourrai l'exécuter qu'à la nuit, afin de ramener les morts et les blessés qui sont sous le feu. Mon médecin blessé, prière d'envoyer médecin et équipes de brancardiers". Audibert demande également que le 2e escadron (capitaine Sautour, lieutenant Aussenac) lui soit envoyé à La Roche du Page. Lecoq donne son autorisation, ainsi que l'ordre à un peloton de chars d'appuyer les FFI du Tarn qui voient par ailleurs arriver le médecin-lieutenant Gabriel Nahas.
"A 16 h, un peloton de chars de l'escadron du capitaine de Baulny commence son tir de neutralisation.
A 16 h 10, le cavalier Barbagelata est tué par balle.
A 16 h 40, le tir du peloton de chars cesse. Il fait encore jour. On discerne alors sur la neige un corps qui rampe. Ce ne peut être que le maréchal des logis Assemat." André Assemat est ramené dans nos lignes, et le dernier corps évacué à 17 h 30.
"A 17 h 30, le 1er escadron décroche. [...] A 20 h, il est à Gérardmer."
Dans une chapelle ardente dressée dans la cité, ont été réunis les corps du capitaine Périé et du cavalier Barbagelata. "Sur le corps du capitaine Périé est déployé le fanion dont la devise qu'on y voit briller : "Debout, la Victoire luira", n'a jamais paru plus émouvante".
Capitaine Henri Périé, brigadier Henri Frauenfelder, cavaliers Mario Barbagelata, Ernest Marty et Léon Arramond : tels sont les noms des cinq volontaires du 1er escadron tombés ce jour-là au-dessus de Xonrupt. Un escadron qui sera encore endeuillé le 5 décembre 1944, avec la mort de son nouveau chef, le lieutenant Georges Barbas, sur la Route des Crêtes, provoquant, selon l'aveu du rédacteur du JMO du groupe, une "dépression physique et morale" au sein des hommes de l'escadron, relevé le lendemain.
Source : archives du 12e dragons (ex-3e dragons), GR 12 P 109.
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