vendredi 4 juin 2021

26 novembre 1944. Le 152e RI (Régiment d'Auvergne) au combat près de Seppois et dans l'Oberwald.

Notre ouvrage "Les volontaires de l'an 1944" raconte pour la première fois, à l'échelle de toutes les unités, les combats des FFI engagés dans la 1ère armée française en 1944-1945. En voici un extrait avec les opérations du 152e régiment d'infanterie aux confins de la Franche-Comté et de l'Alsace :


"Dans la zone d'opérations du corps Béthouart, le matin du 26 novembre est le moment choisi par le général Wiese pour, à nouveau, contre-attaquer. Galfingue est l'objet de furieux combats mais reste aux mains des Français. Heimbsbrunn tombe finalement. A la centrale électrique de Seppois, la journée va être rude.

Le journal de la 3e compagnie du I/152e RI, dont un infirmier, Chambon, est porté disparu depuis la veille en voulant rechercher le corps d'un volontaire tué, Galmiche, détaille les opérations : « Le lieutenant Ravel prend le commandement de la compagnie. 7 h. Trois Allemands viennent se constituer prisonniers et annoncent une attaque allemande pour 7 h 45 appuyée par trois chars Tigre et plusieurs pièces d'artillerie. » Aussitôt, les deux bataillons (I et III) du 15-2, qui devaient à l'origine réaliser une opération de dégagement de l'axe Courtelevant - Seppois, se placent en position défensive. « 7 h 45. Tir d'artillerie française, trop court. Résultat : deux blessés. 8 h. Violent tir d'artillerie ennemie, plusieurs blessés. 8 h 15. L'attaque allemande se déclenche. Pris sous le feu de la 3e section renforcée de quatre mitrailleuses de la CA, les Allemands ne peuvent franchir la rivière. Profitant de l'abri naturel fourni par le fossé Est de la route de Ueberstrass, l'ennemi tire sans arrêt sur la 3e section. Le soldat Splett dit Joseph est gravement blessé, la mitrailleuse de l'aile droite est rendue inutilisable. Le canon de la CA s'enraye à son tour. »

Durant cette phase, le capitaine Lucien Chainas, 37 ans, commandant la 2e compagnie, est tué, le capitaine Tardivat blessé. « La concentration dure jusqu'à 9 h 15, écrit Robert Paicheur. Le colonel Voillemin maintient l'ordre d'attaque pour 10 h 30. Le commandant du I/152 rend compte qu'il est dans l'impossibilité de s'y conformer, son bataillon violemment attaqué ne peut rompre le combat. L'attaque allemande a débouché au nord-est de la centrale où elle se heurte à la 2e compagnie. »

L'ennemi est passé à l'action avec deux bataillons de la 198. Infanterie-Division, trois blindés Ferdinand, appuyés par douze pièces d'artillerie de 88 et 1501.

Journal de la compagnie Ravel : « 9 h 45. Les Allemands atteignent la route de Seppois et s'élancent à l'attaque du transformateur, PC de la compagnie. Le personnel du PC se replie le long de la route de Seppois - Courtelevant. Le lieutenant Ravel commandant la compagnie tombe mortellement blessé à 100 m du PC, un peu plus loin, le caporal-chef Chaillet tombe à son tour. Le reste du PC rejoint les lignes, sauf le sergent-chef Constanso et le volontaire Gamet qui rejoignent Courtelevant. » Le lieutenant André Ravel n'avait que 25 ans, il sera remplacé par le lieutenant Chastel.

Au III/152e RI, rend compte le lieutenant-colonel Colliou, « la 9e compagnie (...) dont la gauche est à 200 m environ de la centrale électrique est violemment accrochée. Un très dur combat s'engage. Une section de la compagnie est presque anéantie. Une section nord-africaine du 1er bataillon qui assure la liaison entre les deux bataillons à l'est de la centrale électrique est prise à partie par un char Ferdinand débouchant de la route d'Uberstrass qui canonne ses positions. Ayant épuisé la presque totalité de ses munitions, elle doit reporter à 9 h 30 sa ligne légèrement au sud de la route. Elle s'installe défensivement à la lisière des bois à 400 m au sud de la centrale et pousse aussitôt une patrouille de liaison à sa droite où quelques infiltrations sont susceptibles de s'être produites. »

Le char, un Tiger, précise le journal de la 3e compagnie, « est détruit par un de nos destroyers qui est en appui sur la route de Courtelevant », TD qui appartenait au 2e dragons (où l'on parle d'un Jagdpanther).

« La route Courtelevant - Seppois est coupée, écrit Robert Paicheur. La 10e compagnie s'installe face au sud. Le commandant Georges de la brigade Alsace-Lorraine2 depuis Seppois met à la disposition du 3e bataillon une compagnie. Les TD prennent à partie les Allemands installés à la centrale... 11 h 45 : le colonel Voillemin décide d'attaquer avec le II/9e zouaves d'ouest en est, puis du sud au nord dans le bois Saint-Jean puis de l'Oberwald... 12 h : la compagnie d'Alsace-Lorraine prend place sur la lisière Ouest de Krunzien... 14 h : début de la préparation d'artillerie. 15 h 30 : la contre-attaque se déclenche. Le I/152 participe à l'action et réoccupe la centrale électrique malgré l'opposition des Allemands». Ce sont deux sections de Nord-Africains qui reprennent le PC de la 3e compagnie.

« A 17 h 10, rend compte le lieutenant-colonel Colliou3, la centrale électrique est enlevée. Le 3e bataillon réoccupe la route Courtelevant - Seppois et établit son contact avec le 1er bataillon. »

« Repli allemand suivi de très près par la 3e compagnie qui poursuit l'ennemi le long de la rivière Suarcine et va prendre position au nord du bois Saint-Jean à la limite de la route Lepuis - Friesen », conclut le journal de l'unité.


Le 1er bataillon déplore 18 tués, dont deux officiers et l'adjudant-chef Eugène Sarron (3e compagnie), cinq disparus et 51 blessés, dont le capitaine Tardivat, le médecin-lieutenant Victor Chardon et le sous-lieutenant Fauconnier. Parmi les morts du bataillon4, Mohamed ben Djelloul a été exécuté, Julien Chrzanowsky avait 18 ans, Marcel Marchand, 17 ans, Claude Berçot, 16 ans et demi....

De son côté, la compagnie anti-chars (CAC) du régiment, qui est l'ancienne compagnie «Lulu» ou 1ère compagnie du groupe Lafayette, commandée par les capitaines Lucien Volle et Jean Krest, et où le sous-lieutenant Dufay («Julot») est chef de section, subit également des pertes sensibles, dont Louis Argiolas («Marius»), un des évadés de la prison du Puy, et Marcel Fourneyron, tués.


A Courtelevant depuis la veille, le 2e bataillon du commandant Biarez, nous l'avons vu, doit mener une action offensive. Son objectif : Hindlingen. Partie d'Ueberstrass avant le lever du jour, la 6e compagnie, recrutée dans la région de Brioude (Cantal) doit, nous dit l'historique du régiment, « venir prendre position à Friesen pour participer, de concert avec la 7e, à l'attaque de Hindlingen. La base de départ du bataillon est établie à la lisière d'une ligne de bois située au nord-ouest de Friesen. Il doit s'élancer à l'attaque dès la fin de la préparation d'artillerie. Celle-ci se termine à 10 h 10. L'ordre d'attaque est exécuté.

Pendant que la 7e compagnie se prépare à marcher sur son objectif, la 6e à sa gauche est prise à partie par les feux de deux mitrailleuses allemandes situées à la lisière Est de l'Oberwald. Le tir est nourri, relativement peu meurtrier. A la guerre, le feu attire le feu. Les cadres de la 6e compagnie encore inexpérimentés font braquer toutes leurs armes automatiques sur les résistances ennemies. Mais après neutralisation partielle, en voulant continuer vers Hindlingen, la progression avec une menace sur son flanc, le commandant d'unité donne l'ordre d'attaquer sur la direction de ces résistances, bien que hors de sa zone d'action. » Depuis les lisières de la forêt de l'Oberwald, l'ennemi ouvre le feu. « Les sections sont clouées au sol pendant dix longues minutes, quelques mines sautent et les obus de mortiers éclatent sur la base de départ, rapporte Robert Paicheur... Le capitaine Ety ordonne l'assaut en se levant et en criant «En avant le maquis»... » Historique du 15-2 : « La 6e compagnie s'élance, les hommes foncent en entonnant à tue tête la Marseillaise et le chant des maquisards, les mitrailleuses ennemies crépitent quelques secondes encore, puis se taisent. Tireurs et servants ennemis, devant la fougue de nos volontaires hurlant, se replient dans la forêt. Quelques blessés à la 6e. Pas de morts à déplorer. Mais l'unité ne s'en tient pas là. Attirée maintenant par le terrain, elle arrive dans l'Oberwald vers l'est au lieu de reprendre sa marche vers le nord. Prudemment, elle poursuit sa progression, elle ne tarde pas à tomber sur la ligne de résistance ennemie, établie à l'intérieur du bois. A quelques mètres de ses premiers éléments, l'Allemand ouvre un feu d'enfer, tue le capitaine Gues dit Ety, commandant la compagnie, blesse le capitaine Fraisse et atteint mortellement ou grièvement de nombreux volontaires.

Les sections s'accrochent au terrain, ripostent au feu ennemi, parent à un débordement, se maintiennent. Un élément même poursuit sa progression, arrivant à quelques dizaines de mètres du PC du colonel commandant la défense de l'Oberwald. Le feu devient de plus en plus intense, la situation critique. Les tirs d'arrêt ennemis s'abattent sur le deuxième échelon, fauchant de nombreux hommes.
Il faut se replier. L'ordre de repli donné par le commandant de bataillon est exécuté à contre-coeur, mais face à l'ennemi au moyen de petites contre-attaques, après évacuation de tous les blessés et en ramenant quelques prisonniers. »

Les pertes sont notamment lourdes à la 3e section, qui se replie sur Friesen. Etienne Gues est mort, son adjoint Fraisse blessé. Il s'avère que le sergent Henri Valette devait apporter un contre-ordre à la compagnie (où servent les lieutenants Antonin Cubizolles, Marius Baude et Masseboeuf), mais il a été tué. Il est une des onze victimes de l'unité (qui compte également 22 blessés), avec Yvon Vedelle, Colette Nirouet («Evelyne»), l'adjudant-chef André Hertz, le Belge Jules Legris (ou Longfils), Roger Lyon, Baptiste Bresson, Alfred Coudert...

Au total, ce jour-là, le 15-2 déplore 44 tués, 170 blessés, douze disparus. Jamais, en une journée, une unité FFI n'avait perdu autant d'hommes. Colette Nirouet, une des rares femmes combattant parmi les hommes, était surnommée la «Jeanne d'Arc» du maquis auvergnat..."

1Le général de Lattre parle de quatre bataillons des 305 et 326. Infanterie-Regiment.

2En réalité du Groupe mobile d'Alsace. Il s'agit de la 1ère compagnie du 1er BCP.

3Rapport du 30 novembre 1944, dossier SHD.

4Sergent Léon Monteil, sergent Georges Pinault, caporal-chef Pierre Chaillet, Hippolyte Antoine, Jean Ceyroux, Jean Charrier, Fernand Frugier, Robert Galmiche, Jean Girard, Adrien Leottier et Henri Varieras. L'adjudant-chef Saunier, les adjudants Lissandre, Roux et Forestier, les sergents-chefs Lange et Renard, les sergents Mohamed ben Mohamed, Boussetta, Hockeim, Deret figurent parmi les blessés.