Notre ouvrage "Les volontaires de l'an 1944" raconte pour la première fois, à l'échelle de toutes les unités, les combats des FFI engagés dans la 1ère armée française en 1944-1945. En voici un extrait avec les opérations du 152e régiment d'infanterie aux confins de la Franche-Comté et de l'Alsace :
"Dans
la zone d'opérations du corps Béthouart, le matin du 26 novembre
est le moment choisi par le général Wiese pour, à nouveau,
contre-attaquer. Galfingue est l'objet de furieux combats mais reste
aux mains des Français. Heimbsbrunn tombe finalement. A la centrale
électrique de Seppois, la journée va être rude.
Le
journal de la 3e
compagnie du I/152e
RI, dont un infirmier, Chambon, est porté disparu depuis la veille
en voulant rechercher le corps d'un volontaire tué, Galmiche,
détaille les opérations : «
Le lieutenant Ravel prend le commandement de la compagnie. 7 h. Trois
Allemands viennent se constituer prisonniers et annoncent une attaque
allemande pour 7 h 45 appuyée par trois chars Tigre et plusieurs
pièces d'artillerie. » Aussitôt,
les deux bataillons (I et III) du 15-2, qui devaient à l'origine
réaliser une opération de dégagement de l'axe Courtelevant -
Seppois, se placent en position défensive. « 7
h 45. Tir d'artillerie française, trop court. Résultat : deux
blessés. 8 h. Violent tir d'artillerie ennemie, plusieurs blessés.
8 h 15. L'attaque allemande se déclenche. Pris sous le feu de la 3e
section renforcée de quatre mitrailleuses de la CA, les Allemands ne
peuvent franchir la rivière. Profitant de l'abri naturel fourni par
le fossé Est de la route de Ueberstrass, l'ennemi tire sans arrêt
sur la 3e
section. Le soldat Splett dit Joseph est gravement blessé, la
mitrailleuse de l'aile droite est rendue inutilisable. Le canon de la
CA s'enraye à son tour. »
Durant
cette phase, le
capitaine Lucien Chainas, 37 ans, commandant la 2e
compagnie, est tué, le capitaine Tardivat blessé. « La
concentration dure jusqu'à 9 h 15, écrit Robert Paicheur. Le
colonel Voillemin maintient l'ordre d'attaque pour 10 h 30. Le
commandant du I/152 rend compte qu'il est dans l'impossibilité de
s'y conformer, son bataillon violemment attaqué ne peut rompre le
combat. L'attaque allemande a débouché au nord-est de la centrale
où elle se heurte à la 2e
compagnie. »
L'ennemi
est passé à l'action avec deux bataillons de la 198.
Infanterie-Division,
trois blindés Ferdinand,
appuyés par douze pièces d'artillerie de 88 et 150.
Journal
de la compagnie Ravel : « 9 h 45. Les Allemands atteignent la route
de Seppois et s'élancent à l'attaque du transformateur, PC de la
compagnie. Le personnel du PC se replie le long de la route de
Seppois - Courtelevant. Le lieutenant Ravel commandant la compagnie
tombe mortellement blessé à 100 m du PC, un peu plus loin, le
caporal-chef Chaillet tombe à son tour. Le reste du PC rejoint les
lignes, sauf le sergent-chef Constanso et le volontaire Gamet qui
rejoignent Courtelevant. » Le lieutenant André Ravel n'avait que 25
ans, il sera remplacé par le lieutenant Chastel.
Au
III/152e
RI, rend compte le lieutenant-colonel Colliou, « la
9e compagnie (...) dont la gauche est à 200 m environ de
la centrale électrique est violemment accrochée. Un très dur
combat s'engage. Une section de la compagnie est presque anéantie.
Une
section nord-africaine du 1er
bataillon qui assure la liaison entre les deux bataillons à l'est de
la centrale électrique est prise à partie par un char Ferdinand
débouchant de la route d'Uberstrass qui canonne ses positions. Ayant
épuisé la presque totalité de ses munitions, elle doit reporter à
9 h 30 sa ligne légèrement au sud de la route. Elle s'installe
défensivement à la lisière des bois à 400 m au sud de la centrale
et pousse aussitôt une patrouille de liaison à sa droite où
quelques infiltrations sont susceptibles de s'être produites. »
Le
char, un Tiger,
précise le journal de la 3e
compagnie, « est
détruit par un de nos destroyers qui est en appui sur la route de
Courtelevant », TD qui appartenait au 2e
dragons (où l'on parle d'un Jagdpanther).
«
La route Courtelevant - Seppois est coupée, écrit Robert Paicheur.
La
10e
compagnie s'installe face au sud. Le commandant Georges de la brigade
Alsace-Lorraine
depuis Seppois met à la disposition du 3e
bataillon une compagnie. Les TD prennent à partie les Allemands
installés à la centrale... 11 h 45 : le colonel Voillemin décide
d'attaquer avec le II/9e
zouaves d'ouest en est, puis du sud au nord dans le bois Saint-Jean
puis de l'Oberwald... 12 h : la compagnie d'Alsace-Lorraine prend
place sur la lisière Ouest de Krunzien... 14 h : début de la
préparation d'artillerie. 15 h 30 : la contre-attaque se déclenche.
Le I/152 participe à l'action et réoccupe la centrale électrique
malgré l'opposition des Allemands».
Ce
sont deux sections de Nord-Africains qui reprennent le PC de la 3e
compagnie.
«
A 17 h 10, rend compte le lieutenant-colonel Colliou,
la centrale électrique est enlevée. Le 3e
bataillon réoccupe la route Courtelevant - Seppois et établit son
contact avec le 1er
bataillon. »
«
Repli allemand suivi de très près par la 3e
compagnie qui poursuit l'ennemi le long de la rivière Suarcine et va
prendre position au nord du bois Saint-Jean à la limite de la route
Lepuis - Friesen », conclut le journal de l'unité.
Le
1er bataillon déplore 18 tués, dont deux officiers et
l'adjudant-chef Eugène Sarron (3e compagnie), cinq
disparus et 51 blessés, dont le capitaine Tardivat, le
médecin-lieutenant Victor Chardon et le sous-lieutenant Fauconnier.
Parmi les morts du bataillon,
Mohamed ben Djelloul a été exécuté, Julien Chrzanowsky avait 18
ans, Marcel Marchand, 17 ans, Claude Berçot, 16 ans et demi....
De
son côté, la compagnie anti-chars (CAC) du régiment, qui est
l'ancienne compagnie «Lulu» ou 1ère compagnie du groupe
Lafayette, commandée par les capitaines Lucien Volle et Jean Krest,
et où le sous-lieutenant Dufay («Julot») est chef de section,
subit également des pertes sensibles, dont Louis Argiolas
(«Marius»), un des évadés de la prison du Puy, et Marcel
Fourneyron, tués.
A
Courtelevant depuis la veille, le 2e bataillon du
commandant Biarez, nous l'avons vu, doit mener une action offensive.
Son objectif : Hindlingen. Partie d'Ueberstrass avant le lever du
jour, la 6e compagnie, recrutée dans la région de
Brioude (Cantal) doit, nous dit l'historique du régiment, « venir
prendre position à Friesen pour participer, de concert avec la 7e,
à l'attaque de Hindlingen. La base de départ du bataillon est
établie à la lisière d'une ligne de bois située au nord-ouest de
Friesen. Il doit s'élancer à l'attaque dès la fin de la
préparation d'artillerie. Celle-ci se termine à 10 h 10. L'ordre
d'attaque est exécuté.
Pendant
que la 7e
compagnie se prépare à marcher sur son objectif, la 6e
à sa gauche est prise à partie par les feux de deux mitrailleuses
allemandes situées à la lisière Est de l'Oberwald. Le tir est
nourri, relativement peu meurtrier. A la guerre, le feu attire le
feu. Les cadres de la 6e
compagnie encore inexpérimentés font braquer toutes leurs armes
automatiques sur les résistances ennemies. Mais après
neutralisation partielle, en voulant continuer vers Hindlingen, la
progression avec une menace sur son flanc, le commandant d'unité
donne l'ordre d'attaquer sur la direction de ces résistances, bien
que hors de sa zone d'action. » Depuis les lisières de la forêt de
l'Oberwald, l'ennemi ouvre le feu. « Les sections sont clouées au
sol pendant dix longues minutes, quelques mines sautent et les obus
de mortiers éclatent sur la base de départ, rapporte Robert
Paicheur...
Le
capitaine Ety ordonne l'assaut en se levant et en criant «En avant
le maquis»...
»
Historique
du 15-2 : « La 6e compagnie s'élance, les
hommes foncent en entonnant à tue tête la Marseillaise et le chant
des maquisards, les mitrailleuses ennemies crépitent quelques
secondes encore, puis se taisent. Tireurs et servants ennemis, devant
la fougue de nos volontaires hurlant, se replient dans la forêt.
Quelques blessés à la 6e. Pas de morts à déplorer.
Mais l'unité ne s'en tient pas là. Attirée maintenant par le
terrain, elle arrive dans l'Oberwald vers l'est au lieu de reprendre
sa marche vers le nord. Prudemment, elle poursuit sa progression,
elle ne tarde pas à tomber sur la ligne de résistance ennemie,
établie à l'intérieur du bois. A quelques mètres de ses premiers
éléments, l'Allemand ouvre un feu d'enfer, tue le capitaine Gues
dit Ety, commandant la compagnie, blesse le capitaine Fraisse et
atteint mortellement ou grièvement de nombreux volontaires.
Les
sections s'accrochent au terrain, ripostent au feu ennemi, parent à
un débordement, se maintiennent. Un élément même poursuit sa
progression, arrivant à quelques dizaines de mètres du PC du
colonel commandant la défense de l'Oberwald. Le feu devient de plus
en plus intense, la situation critique. Les tirs d'arrêt ennemis
s'abattent sur le deuxième échelon, fauchant de nombreux hommes.
Il
faut se replier. L'ordre de repli donné par le commandant de
bataillon est exécuté à contre-coeur, mais face à l'ennemi au
moyen de petites contre-attaques, après évacuation de tous les
blessés et en ramenant quelques prisonniers. »
Les
pertes sont notamment lourdes à la 3e section, qui se
replie sur Friesen. Etienne Gues est mort, son adjoint Fraisse
blessé. Il s'avère que le sergent Henri Valette devait apporter un
contre-ordre à la compagnie (où servent les lieutenants Antonin
Cubizolles, Marius Baude et Masseboeuf), mais il a été tué. Il est
une des onze victimes de l'unité (qui compte également 22 blessés),
avec Yvon Vedelle, Colette Nirouet («Evelyne»), l'adjudant-chef
André Hertz, le Belge Jules Legris (ou Longfils), Roger Lyon,
Baptiste Bresson, Alfred Coudert...
Au
total, ce jour-là, le 15-2 déplore 44 tués, 170 blessés, douze
disparus. Jamais, en une journée, une unité FFI n'avait perdu
autant d'hommes. Colette Nirouet, une des rares femmes combattant
parmi les hommes, était surnommée la «Jeanne d'Arc» du maquis
auvergnat..."