lundi 14 avril 2025

Le 131e RI dans les opérations sur la façade Atlantique (avril-mai 1945)


Des volontaires aubois du 131e RI, coiffés du casque italien. (Photo Libération-Champagne).

 Créé à Troyes le 8 décembre 1944, le 131e régiment d'infanterie fait mouvement du 13 au 16 février 1945 vers l'Ouest. Placé sous les ordres du lieutenant-colonel Norbert Durand, il relève le IV/93e RI le 22 février 1945 dans les secteurs de Marans et Charron, devant La Rochelle. Le lendemain, le I/131e RI s'installe sur les positions du 125e RI. Chaillé-les-Marais accueille le PC du régiment, qui subit, le même jour, des pertes terribles en raison d'une explosion accidentelle à Nailliers en Vendée (onze tués dont quatre officiers). Cette période n'est pas de tout repos : le 1er mars 1945, la 2e compagnie (capitaine Albert Gérard) du I/131e RI participe à une contre-attaque menée dans le secteur de Saint-Jean-de-Liversay.

    Relevé à son tour par le 46e RI dans la nuit du 27 au 28 mars et le 28 mars 1945, le 131e RI va être scindé en plusieurs éléments pour participer, mi-avril 1945, à l'assaut des poches du Sud-Ouest. Le II/131e RI (commandant Jean Poirier), recruté dans l'Aube, opère ainsi au sein du groupement Nord de la Division Gironde devant Royan, enlevant Jaffe le 18 avril 1945. Les I et III/131e RI servent eux en renfort de la Brigade Carnot, engagée dans le Médoc. Le 1er bataillon du commandant Lucien Vel est composé de volontaires aubois, le 3e (commandant Raoul Raynaud) est issu du 1er bataillon d'Eure-et-Loir. Tous sont coiffés du casque italien !

    Acheminé vers le Médoc dès le 18 avril 1945, le III/131e RI a reçu pour mission d'attaquer sur l'axe voie ferrée - Le Verdon-sur-Mer, avec pour objectif la côte Est du Verdon. Sa base de départ : Le Goulet, qui serait aux mains du 154e régiment du génie d'assaut (ex-2e régiment d'infanterie du Lot, dit également 8e RI). Le renseignement est inexact, les volontaires d'Eure-et-Loire vont rapidement s'en rendre compte.

19 avril 1945

    A 0 h 30, dans la nuit du 18 au 19 avril 1945, les hommes du bataillon Raynaud, qui viennent de dépasser ceux du 154e RGA à environ un kilomètre au sud du Goulet, se heurtent "aussitôt aux éléments avancés de l'ennemi" (journal de marche du 131e RI). Couvertes par la section de l'aspirant Lavigne (11e compagnie), la 13e compagnie (sous-lieutenant Charles Jandin), qui avance sur la route Soulac - Le Verdon, et la 14e compagnie (lieutenant Didier), qui progresse dans les marais au sud du village des Huttes, sont au contact. 

    JMO du régiment : "Ces éléments ne réussissent pas à faire sauter de nuit le "bouchon" allemand et toute manoeuvre de débordement est rendue impossible : à l'ouest de la route, la forêt est en feu, et à l'est, les marais sont inondés. Les Allemands lancent d'innombrables fusées éclairantes et leurs armes automatiques balayent la route en tir rasant." 

    JMO du III/131e RI : "6 h 15 : nouvelle attaque en vue de s'emparer des Huttes mais les Allemands battent efficacement la route devant la 13e compagnie, et la 14e compagnie échoue dans son mouvement débordant par l'Est, en raison de la présence des marais où les hommes avancent avec de l'eau jusqu'à la poitrine"

    Une troisième attaque est nécessaire. C'est à 11 h qu'elle sera déclenchée, avec l'appui des tanks destroyers. La Maison de l'ingénieur, le sémaphore T et les Vissoules sont les objectifs du bataillon.

    JMO du 131e RI : "Les hommes réussissent à s'infiltrer jusqu'aux lisières Sud du village des Huttes, mais ils sont de nouveau arrêtés et la section du sous-lieutenant Dives qui avait atteint la lisière Nord-Est des Huttes par un mouvement tournant est soumise à des tirs d'armes automatiques et de mortiers qui l'obligent à se replier. La 13e compagnie en face de laquelle se trouvait la principale résistance allemande, a essuyé de fortes pertes ([le] sous-lieutenant Jandin qui est blessé au bras, se fait soigner et revient prendre le commandement de sa compagnie quelques instants après) et la 14e compagnie qui  opère dans les marais depuis le début de l'attaque est enterrée."

    A 11 h 45, c'est la 11e compagnie du sous-lieutenant Hurel qui est engagée à gauche de la "13" pour réduire au silence les armes automatiques qui barrent la route. Une relation de la compagnie Hurel précise : "La section de l'aspirant Lavigne progresse mais est arrêtée par un violent tir de mitrailleuses et de mortiers. Pertes : soldats Candrelier, évacué, sergent-chef Dubois, soldat Leloutre. L'aspirant Lavigne va chercher Dubois et Leloutre qui n'avaient pu être ramenés par suite du tir trop violent de l'ennemi. Le soldat Malabout est blessé au cours de cette opération." 

    Il faudra attendre 19 h pour qu'un ultime assaut soit lancé. Le JMO du 131e RI rend compte : "La 13e compagnie et la 14e compagnie fixent l'ennemi par le feu de leurs armes automatiques pendant que d'autres éléments effectuent un double mouvement de débordement à l'ouest et à l'est. A l'ouest, la 11e compagnie à laquelle se sont joints le commandant Nicolas [Léon Nicolas, chef d'état-major du régiment] et le sous-lieutenant Bleuse (EM du RI) progresse en liaison avec une unité espagnole, appuyée par un peloton de chars Somua. A l'est, le commandant Raynaud fait armer en voltigeurs une soixantaine d'hommes de la compagnie de mitrailleuses et engins dont il confie le commandement au capitaine Hulot. 

  L'objectif à atteindre est toujours le village des Huttes. Les ouvrages et différents blockhaus qui interdisaient le franchissement du Goulet finissent par céder sous ce nouvel assaut et tombent les uns après les autres." Il s'agit des ouvrages désignés sous les noms de code Y 09 et Y 33 par les Français, S 307 et S 307 A par les Allemands. Ils sont constitués de 22 blockhaus accueillant en particulier dix pièces de 20 à 164. Leurs feux avaient bloqué les hommes de la 3e compagnie du I/38e RI. 

    Mais enfin, à 20 h 30, l'appui des chars – un peloton de Somua qui a attaqué "par la crête l'ouvrage des Huttes, avec une compagnie du III/131" précise le rapport du lieutenant-colonel Durand -, conjugué à l'action du Bataillon étranger à l'ouest de la crête, a permis au bataillon Raynaud d'enlever le village des Huttes. 

    Ses pertes, selon le JMO du régiment : dix tués et 66 blessés. Arrivé dans la journée en soutien, mais maintenu en réserve, le 1er bataillon déplore pour sa part deux tués et six blessés. Côté ennemi, le bilan n'est pas négligeable : le 131e RI a fait 196 prisonniers, dont deux officiers. « Presque tous de la Kriegsmarine », précise le JMO. 

    Les archives du régiment citent les noms de l'adjudant chef Léopold Sudre, 32 ans, des sergents-chefs Roger Charpentier et Lucien Hue, du sergent René Monnier, 19 ans, du caporal André Morize, 21 ans, des soldats Roger Paulmier, 20 ans, et René Richard, 21 ans, comme ayant été tués durant ces opérations les 19 et 20 avril (1). 

  Parmi les blessés, elles mentionnent les noms des sous-lieutenants Raymond Gardebled, Robert Doléans et Charles Jandin, de l'aspirant Roger Basquin, de l'adjudant Eugène Germain, des sergents-chefs Jacques Dubois, Roland Gossant, Maurice Hamelin et Maurice Siriès, des sergents Jacques Morel, Gaston Soulage, Raymond Gaschet et Benoist Rapely ou encore, parmi les soldats, ceux de Jean Leloutre, Pierre Candrelier, Jean Malabout...

20 avril 1945

    La fin des combats dans le Médoc est proche. Ultimes objectifs : le Fort du Verdon et la Pointe de Grave. Pour les enlever, pas moins de trois régiments d'infanterie seront engagés : les 34e et 131e RI, le 154e RGA. Le 131e RI aura notamment pour objectif l'ouvrage dit du Sémaphore : celui du Verrier-Saint-Nicolas (Y 156/S 305). Tandis que le 34e obtient la reddition du colonel Prahl, commandant les troupes allemandes dans la poche, le I/131e RI (Vel) se heurte d'abord, dans sa progression, aux armes automatiques ennemies. Chef de section dans la 4e compagnie (capitaine Lucien Armanville), "le sous-lieutenant Bernard est grièvement blessé à l'épaule, rapporte le journal de marche du bataillon Vel. Après une marche sous-bois difficile et meurtrière, le bataillon est stoppé devant l'ouvrage Y 156", c'est-à-dire le sémaphore du Verrier-Saint-Nicolas. 

    Dans cet ouvrage, considéré comme "le plus important de la Pointe de Grave", la résistance est animée par le capitaine de corvette Birnbacher. "Les Allemands refusent de se rendre et abattent ceux des leurs qui désertent pour essayer de se constituer prisonniers", assure le JMO du 131e RI. 

     En fin d'après-midi, les TD du 13e régiment de dragons, qui ont franchi le fossé anti-chars, puis surtout, vers 18 h, l'aviation française intervenant en piqué attaquent l'ouvrage, qui sera également investi par le II/154e RGA. "Le groupe franc des transmissions pénètre le premier dans l'ouvrage qui est totalement occupé en moins d'une demi-heure, indique le JMO du bataillon Vel. On compte 140 prisonniers dont 20 officiers". Parmi eux : Birnbacher. Au III/131e, qui agissait à l'ouest de l'ouvrage, on parle pour sa part de 17 prisonniers. Pour cette journée, la dernière des combats, le régiment déplore deux morts et 18 blessés. « A 22 h, toute résistance allemande [a] cessé dans toute la Pointe de Grave », indique le JMO du 131e RI. Une nouvelle poche du Sud-Ouest vient de tomber.

22 avril 1945

    Prise d’armes au terrain d’aviation de Grayan en présence des généraux de Gaulle et de Larminat. Le soldat Robert Soyer (CB I/131e RI) est décoré de la Croix de guerre, le sergent-chef Tachet (13e compagnie du III/131e RI) de la médaille militaire. 

30 avril 1945

    Après s'être battus dans le Médoc en renfort de la Brigade Carnot, les Aubois et les Euréliens sont mis à la disposition de la Brigade Marchand qui a reçu pour mission de conquérir l'île d'Oléron. Le Jour J de cette opération de débarquement française est fixé au 30 avril 1945. Le 131e RI ne fait pas partie de la première vague qui prend pied sur le sol d'Oléron : celle-ci concerne les 50e et 158e RI, ainsi que le Bataillon de fusiliers-marins de Rochefort.

    Le JMO du 131e RI évoque sa participation aux opérations, après avoir débarqué : "Afin de reconnaître les possibilités d'exploiter en direction de Saint-Pierre-d'Oléron où se trouve le PC du commandement allemand, le lieutenant-colonel Durand donne au lieutenant de Fleurieu, commandant le peloton de six chenillettes du 18e chasseurs, la mission suivante : reconnaître si la Pointe d'Ors et le château sont occupés et dans quelles conditions, reconnaître si l'ennemi tient Dolus sur la route de Saint Pierre-d'Oléron." 

    Norbert Durand, qui avait pris le commandement de l'infanterie de la Division Marchand, accompagne les chasseurs à cheval qui font une trentaine de prisonniers en marchant sur le château, puis une douzaine d'autres à Dolus. JMO : "A La Dresserie, faubourg de Saint-Pierre, il rencontre une résistance organisée (mitrailleuses lourdes et quatre pièces de 77) et les chenillettes se replient sous le feu de l'artillerie ennemie. Un petit poste ennemi commandé par un officier est encore capturé." 

 A l'ouest, "la situation n'est malheureusement pas aussi favorable ; nos troupes sont sérieusement accrochées aux Allassins par des tirs de mortiers et de mitrailleuses ennemies. Les fusiliers-marins du capitaine Dupain [Dupin] de Saint-Cyr subissent des pertes, la fatigue se fait sentir et ils doivent se replier sur Grand-Village pour passer la nuit". Une nuit que les Allemands présents aux Allassins mettent à profit pour se replier, tandis qu'une section de la 1ère compagnie du I/131e arrive dans l'île à 23 h.

1er mai 1945

    C'est à 11 h, le lendemain, que devant l'absence de réaction ennemie, le II/131e RI et les chars sont lancés dans l'action. Ces éléments "dépassent le 50e RI pour attaquer Saint-Pierre par débordement, avant de pousser jusqu'à la pointe Nord de l'île en nettoyant la zone Ouest de la route nationale. L'ennemi réagit énergiquement à la ferme de la Clairière, à La Dresserie, mais à midi ces derniers îlots de résistance faiblissent. 

     A 14 h, un groupe de volontaires sous le commandement du capitaine Bourguignon attaque le garage allemand, puis la Kommandantur de Saint-Pierre-d'Oléron, faisant prisonniers 20 officiers et 30 sous-officiers. Le capitaine de corvette Graft von Schmitz, commandant l'île d'Oléron, est parmi les prisonniers". C'est sur l'ordre de celui-ci que les ouvrages des Boulassiers et du Douhet se rendront.              Tandis que le 158e RI prend les ouvrages de la région de Sauzelle-Boyardville, "le II/131 et les chars prennent à revers les défenses de la Thibaudière-Bonnemie, nettoient la région Ouest et dégagent les abords mêmes de Saint-Pierre-d'Oléron "

     A 19 h, le drapeau français flotte sur le fort de Chassiron. Une heure après, l'île était redevenue française. Selon le JMO du régiment, dont un homme, Ploton, du II/131e, sera décoré de la croix de guerre le lendemain par le général de Larminat, 1 700 prisonniers ont été faits. 

     Le 131e et le I/32e régiment d'artillerie resteront dans l'île comme troupes de garnison. Mais le régiment ne méritera pas de citation pour ces opérations. Le général René Marchand s'en expliquera dans une lettre : "Ce bataillon progressa rapidement, libéra le nord-ouest de l'île et ramassa de nombreux prisonniers, il atteignit le soir la partie Nord de l'île sans avoir rencontré de résistances organisées. Ce bataillon a donné toute satisfaction mais n'a guère eu l'occasion de montrer sa tenue au feu".

    (1) Parmi les hommes du 131e RI tués ou mortellement blessés devant Le Verdon ou Royan, citons également : Raymond Durand, 19 ans, Maurice Laine, 23 ans, Félix Satroka, 27 ans, Rémy Daubenton, 19 ans, Jacques Dietenbeck, 17 ans et six mois, Raymond Germain, 20 ans, Jean Payen, 19 ans, André Humbert, 20 ans, Louis Orlandi, 27 ans, André Ravise, 24 ans, Omar ben Mohamed, Pierre Dommange, 19 ans...

Sources : archives du 131e régiment d'infanterie, GR 12 P 23, SHD, Vincennes. 




dimanche 13 avril 2025

Le bataillon du Lot-et-Garonne (34e RI) au combat dans le Médoc, 14-20 avril 1945


Un combattant français de la Brigade Médoc. 

     Le Bataillon Atlantique (du Lot-et-Garonne) est arrivé sur le front du Médoc le 12 décembre 1944, et il est monté en ligne le 16 février 1945. Initialement, il était sous les ordres du commandant Maurice Baril. Puis le commandant Jean Barret, l'ancien chef du Bataillon Jasmin (et des Corps-francs de la Libération du Lot-et-Garonne) en a pris le commandement, y compris lorsque l'unité est devenue 3e bataillon du 34e régiment d'infanterie (III/34e RI) le 28 mars 1945.

    Les compagnies du bataillon lot-et-garonnais sont sous les ordres du lieutenant Le Merle (1ère puis 11e), du capitaine Rouseau (2e puis 12e), du capitaine Pierre Gadail (3e puis 13e), du capitaine Louis Abadie puis du lieutenant Michel (CA puis 14e), du capitaine André Huser (compagnie de choc puis 15e). 

    Le 14 avril 1945, la Brigade Médoc du lieutenant-colonel Jean de Milleret (Carnot) passe à l'offensive pour réduire la Poche dite du Verdon. Pour le 34e RI du lieutenant-colonel Léonce Dussarat et du commandant Jean Badie, engagé à l'est de la brigade, les opérations commencent avec la prise de Château Canau. Puis le régiment, également composé de Landais et de Girondins, progresse en direction du Chenal Neuf, dans la nuit du 14 au 15 avril. "Avance pénible sur terrain inondé", note le journal de marche de la compagnie de choc.

    Au matin du 15 avril 1945, le 34e RI arrive devant l'ouvrage UP 9. Il est 6 h 30 lorsque les Allemands ouvrent le feu à l'approche des fantassins. Riposte des Français, qui empêchent une tentative de sortie de la garnison. C'est le début d'une rude journée, marquée par des échanges de tirs d'artillerie et d'armes automatiques.  A 7 h 15, un tireur à la mitrailleuse, le soldat Joseph Bauer, 22 ans, "est tué à son poste de combat", précise le JMO de la 15e compagnie (Huser). Celle-ci déplore également deux blessés. Deux autres mitrailleurs puis deux brancardiers seront encore touchés dans la soirée. A 22 h, l'unité doit se résoudre à se replier sur la base de départ, le Marais des Pêcheries. Ce décrochage permettra à l'artillerie et l'aviation françaises d'entrer en action. Parmi les blessés d'une journée rendue difficile par un soleil "très chaud" (rapport du commandant Baril), la 14e compagnie (d'appui) du III/34e cite le sergent-chef Crosnier, le sergent David, les soldats Lépinotré, Villate et Michelot.

    Le 16 avril 1945, le I et III/34e RI reprennent leur marche en avant mais sont bloqués devant Port-Saint-Vivien et dans les marais devant le chenal de Saint-Vivien. C'est le II/34e qui débloque la situation en occupant le Château sans nom puis Port-Saint-Vivien, enfin la Pointe aux Oiseaux.

    Le 18 avril 1945, le II/34e du commandant Robert Duchez franchit le chenal de Talais et contourne un sérieux obstacle, le fossé anti-chars. Il prend contact avec le III/34e (Barret) qui, lui aussi, a subi de lourdes pertes. Le journal de marche de la compagnie de choc rapporte : "Midi : ordre d'attaquer des positions ennemis du fossé anti-chars ayant subi de violents bombardements par l'aviation. Franchissement du fossé côté Est au bord de la Gironde. [...] Subissons un violent tir d'artillerie ennemie. Cinq hommes commotionnés soufflés par une bombe fusée. Quarante prisonniers. L'ennemi devant nous fait sauter un pont sur la route départementale." Selon le JMO de la 14e compagnie (Michel), c'est à 14 h 25 qu'un tir d'artillerie a tué les soldats Léon Cégeski, 20 ans, et Ernest Prouvé, 21 ans, mortellement blessé les soldats Fernand Marrot, 17 ans et demi, et Gabriel Bonnet, 18 ans. Tous appartenaient à la 1ère section de mitrailleuses qui appuyait la 12e compagnie. Pour sa part, la 15e compagnie (de choc) enlève deux rampes de lance-fusées, faisant 35 prisonniers. Bientôt se présente l'ouvrage Y 23, qu'attaqueront de face la 12e compagnie - toujours accompagnée des mitrailleurs du lieutenant Michel - et par débordement la 15e. La résistance de la garnison oblige à un repli "dans les ouvrages ennemis sur le fossé anti-chars" (JMO de la 14e compagnie). Durant cette journée, le Bataillon Atlantique aura également à déplorer la mort du lieutenant Charles Kempeners et de René Bodey. 

    Le 19 avril 1945, le 34e RI, qui a obtenu dans la nuit la reddition du blockhaus de La Longue, reprend sa marche en avant, avec pour objectif Le Verdon. Le III/34e RI progresse en direction de la Grande-Sarretière et du Môle du Verdon. La compagnie Huser franchit le chenal, réduit des nids de mitrailleuses, entre dans Le Verdon, tout comme le II/34e. Le journal de la 15e compagnie rend compte : "Combats de rues. L'ennemi paraît désorganisé. Certains Allemands se replient vers la Pointe de Grave, d'autres  vers le Môle. Quarante-cinq prisonniers. Attaquons le centre de la ville. Le commandant de la place se rend sans combat." L'opération permet au 34e RI, qui réalisera la liaison avec le 131e RI, de libérer des prisonniers français. A midi, le capitaine André Huser hisse le drapeau français sur le château d'eau du môle d'escale. 

    Les combats ne sont pas terminés. Dans la soirée, le III/34e RI qui suit la voie ferrée Le Verdon - Soulac-sur-Mer progresse en direction de la Pointe de Grave. Il passe la nuit sur place.

    Le 20 avril 1945, une ultime manoeuvre de la Brigade Médoc permet d'enlever le Fort du Verdon et la Pointe de Grave. La poche a enfin été réduite. Le 34e RI aura perdu au moins 27 tués identifiés durant ces sept jours de combat.

Sources : archives du 34e RI, GR 12 P 8, SHD.

mercredi 9 avril 2025

Les 33e et 34e régiments d'infanterie (1944-1945)


Le lieutenant-colonel Dussarat présente le drapeau du 34e RI au général de Gaulle. 
Photo parue dans l'ouvrage "Le front du Médoc. Une brigade FFI au combat".


33e régiment d'infanterie

Chef de corps : colonel Léon Gros.

Recréé le 15 janvier 1945 sur ordre du général Deligne, commandant la 1ère région militaire (Lille), avec des bataillons mis sur pied entre le 16 septembre et le 30 octobre 1944. Porte également l'appellation de 33e RINE (régiment d'infanterie non endivisionné).

Organisation : état-major à Valenciennes. 1er bataillon (Arras) : commandant Heduy. 2e bataillon (Lille) : commandant Gauthier Sainte-Marie, mis sur pied comme I/43e RI. 3e bataillon (Saint-Omer) : commandant Léon Pecqueur puis capitaine Helme-Guizon, créé comme IV/110e RI. Le régiment est équipé à l'anglaise. A noter qu'il existait également un V/33e RI (bataillon de marche de Cambrai) du capitaine Henri Roger, versé au 1er RI.

Opérations 

7 avril 1945 : le II/33e RI fait mouvement vers la Poche de Dunkerque. Installé à Bourbourg, Looberghe, Craywick, à la distillerie du Grand-Millebrugghe.

10 avril 1945 : action offensive allemande contre les positions du II/51e RI. Le II/33e RI reçoit l'ordre de réoccuper Vanherseck, Stevenoo et le pont de Spcyker qui étaient perdus. La ferme Vanherseck ne peut être reprise par la 6e compagnie que le capitaine Galland, commandant la compagnie de commandement, reprend en main.

11 avril 1945 : reprise de l'attaque à 17 h 30. "La 9e compagnie parvient à Stevenoo mais est prise sous un violent tir de barrages qui lui inflige des pertes sévères" (historique du 33e RINE). L'opération est un nouvel échec, les hommes se replient à minuit. Le II/33e RI a perdu quatre morts, huit disparus et 40 blessés dont le lieutenant Verwickt (9e compagnie) et le sous-lieutenant Isnard, commandants de compagnies. Il a fait cinq prisonniers.

12 avril 1945 : le I/33e RI parti d'Arras arrive sur le front de Dunkerque, à Bourbourg, et monte en ligne derrière le II/33e RI.

15 avril 1945 : la section du sous-lieutenant Roger Callewaert (8e compagnie) appuie une attaque de la brigade tchèque sur le pont de Spycker, Stevenoo et la filature. C'est encore un échec, qui lui coûte quatre tués dont le sous-lieutenant Callewaert et huit blessés.

16 avril 1945 : nouvelle action offensive allemande. Le II/33e RI plie mais ne rompt pas. Il fait cinq prisonniers. Dans la nuit du 16 au 17, le I/33e RI relève le 51e RI sur ses positions.

17 avril 1945 : une trêve permet le retour de six prisonniers du II/33e RI.

1er mai 1945 : le sous-lieutenant Agulhon du II/33e RI est blessé à mort en piégeant sa position.

2 mai 1945 : le capitaine Basseux (8e compagnie), les sous-lieutenants Sauvage et Guittard sont blessés par l'explosion d'une grenade.

5 mai 1945 : ultime accrochage impliquant le 33e RI. A la reddition de Dunkerque, il aura perdu seize tués et 81 blessés. 

Sources : archives du 33e RI, GR 12 P 8, SHD.


34e régiment d'infanterie

Chef de corps : lieutenant-colonel Léonce Dussarat (Léon des Landes).

Recréé le 21 décembre 1944 (officiellement le 1er janvier 1945) sur le front du Médoc. Une note de service du colonel Jean de Milleret, commandant la Brigade Carnot et datée du 8 décembre 1944, avait prescrit la création du II/34e RI par fusion du Bataillon Aturin (dit d'Aire-sur-Adour) et du Bataillon Doussy.

Organisation : Chef d'état-major : commandant François Badie. 1er bataillon (commandant Louis Claverie) : issu des Bataillons Nord-landais et Georges. 2e bataillon (commandant Tramond puis commandant Robert Duchez) : issu du bataillon Aturin (commandant Tramond puis capitaine Baradat), du Bataillon d'Arcachon (Duchez) et de la Compagnie Doussy. 3e bataillon (commandant Jean Barret) : 

15 janvier 1945 : le II/34e RI relève le II/7e RIC (et le I/7e RIC le 17 janvier). Son PC est à Dignac.

31 janvier 1945 : deux tués au régiment.

15 février 1945 : une patrouille du I/34e RI perd six prisonniers dans un accrochage sur la route La Hourcade - Saint-Vivien.

17 mars 1945 : le lieutenant Graille de la 3e compagnie est blessé.

28 mars 1945 : le Bataillon Atlantique du Lot-et-Garonne (commandant Maurice Baril puis commandant J. Barret), arrivé le 12 décembre 1944 dans le Médoc et présent en ligne depuis le 16 février 1945, est rattaché au 34e RI dont il forme le 3e bataillon.

14 avril 1945 : offensive de la Brigade Carnot contre la Poche du Médoc. Le 34e RI occupe Château-Canau.

15 avril 1945 : progression "pénible sur terrain inondé". Le régiment est accroché devant l'ouvrage UP9. La journée est rude, le soldat Joseph Bauer, notamment, est tué. A 22 h, repli sur le Marais des Pêcheries, la base de départ.

16 avril 1945 : parti de Saint-Vivien, le II/34e RI prend Port-Saint-Vivien et prend les défenses de la Pointe des Oiseaux.

18 avril 1945 : le régiment a pour objectif Neyran. Le chenal de Talais est franchi, le fossé anti-chars atteint, et la coupure franchie par la plage. Les pertes sont très lourdes : à la 10e compagnie du II/34e (lieutenant Lalanne), les soldats Jean Duviella et Julien Laffitte sont tués ; la 6e compagnie (lieutenant Frisou) déplore cinq morts ; le III/34e (Lot-et-Garonne) est également éprouvé : le lieutenant Charles Kempeners, Léon Cégeski et Ernest Prouvé ont été tués, Fernand Marrot et Gabriel Bonnet mortellement blessés... Au moins treize soldats du 34e RI ont perdu la vie ce jour-là.

19 avril 1945 : après la reddition du blockhaus de La Longue, le régiment participe à la progression sur Le Verdon (II et III/34e RI). Ses hommes entrent dans la matinée dans la localité, où le II/34e libère des camarades capturés à Saint-Vivien ainsi que des prisonniers du 154e régiment du génie d'assaut (2e régiment d'infanterie du Lot). Puis le drapeau français est hissé sur le château d'eau du môle d'escale par le capitaine André Huser, commandant la compagnie de choc du III/34e RI (15e compagnie). Direction ensuite la Pointe de Grave. Le sous-lieutenant Martin, de la 10e compagnie, est blessé, mais à 22 h, la liaison est réalisée avec le 131e RI.

20 avril 1945 : le capitaine Jean L'Huillier, du I/34e RI, obtient la reddition du colonel Prahl, commandant la forteresse Médoc. Les combats s'achèvent avec la prise de l'ouvrage Y 156.

22 avril 1945 : le commandant Badie, qui avait le commandement opérationnel du régiment pour ces opérations, est fait chevalier de la Légion d'honneur, et le soldat Octave (9e compagnie) reçoit la Croix de guerre lors d'une cérémonie à Grayan.

6 mai 1945 : décès à Villenave-d'Ornon de Guy Géraud, 16 ans, des suites de ses blessures.

Sources : archives du 34e RI, GR 12 P 8, SHD.


Le 32e régiment d'infanterie (1944-1945)


Le lieutenant-colonel Costantini défile à Tours à la tête de la 32e demi-brigade.
Photo parue dans le livre de Jean Druart, Le Maquis d'Epernon.

Chef de corps : lieutenant-colonel René Costantini, 41 ans, puis lieutenant-colonel Langlet (5 avril 1945).

Créé le 15 octobre 1944 par changement d'appellation de la 32e demi-brigade (groupement d'Epernon de la Brigade Charles-Martel jusqu'au 25 août 1944). Recruté dans l'Indre-et-Loire. Organisation : 1er bataillon du commandant Louis-Raoul Vialle, 2e bataillon du commandant Gabriel Robillard.

11 novembre 1944 : dirigé sur la Poche de Saint-Nazaire.

13 novembre 1944 : le II/32e RI relève le 6e bataillon de Loire-Inférieure (capitaine Jean Raux dit Lassere) à Saint-Etienne-de-Montluc (PC à Saint-Thomas). Le I/32e arrive dans la même localité le lendemain. Un bataillon tiendra le quartier du Temple-de-Bretagne, l'autre s'installera à La Haie-Meriais. Le lieutenant-colonel Costantini commande le sous-secteur de Saint-Etienne-de-Montluc.

27 novembre 1944 : première victime sur le front, le caporal Gabriel Aviron (I/32) est mortellement blessé. Il décède le lendemain à Nantes.

18 décembre 1944 : le bataillon VII/4 est versé dans le I/32e RI. Ce bataillon, dit Dominique, a été recruté en Indre-et-Loire. Il avait accueilli la 1ère compagnie de la Mayenne du capitaine Léon Bodin. Sous les ordres du commandant Wilfried Libot (Dominique), il est au front dans la partie Sud de la Poche de Saint-Nazaire depuis septembre 1944, ayant notamment perdu trois officiers tués. Le commandant Desteaux de ce bataillon devient adjoint au lieutenant-colonel Costantini.

17 janvier 1945 : le sergent-chef Charles Dorigny (I/32e RI) est tué à Cordemais.

16 février 1945 : la compagnie Maréchalle du groupe d'escadrons de Rochecouste (FFI du Maine-et-Loire) devient 4e compagnie du II/32e RI.

18 février 1945 : le 8e bataillon de la Sarthe prend l'écusson du III/32e RI (il devient officiellement ce bataillon le 1er mars 1945). Ce bataillon sous les ordres du capitaine André Demenois correspond à l'ancien bataillon III/4.

2 mars 1945 : les sous-lieutenants René Monnier et Guy Berset de Veaufleury du I/32e RI exécutent une patrouille à La Croix Marzelle. "Le lieutenant Monnier qui est en tête de la colonne se prend dans un fil de fer de mine, cette dernière explose" (journal de marche du 32e RI). Les deux officiers sont tués.

17 mars 1945 : toute la CA (lieutenant Viguié) du I/32e RI est "habillée en tenue anglaise".

1er avril 1945 : création de la 25e division d'infanterie (général Raymond Chomel) à laquelle le 32e RI est affecté.

Avril 1945 : le 32e RI incorpore des volontaires d'unités dissoutes : le 5e bataillon de Loire-Inférieure du capitaine René Karrière, le 6e bataillon de Loire-Inférieure, la compagnie du capitaine Guy Vigière d'Anval du 7e bataillon de Loire-Inférieure (elle devient la 5e compagnie du II/32e RI), etc. 

19-20 avril 1945 : le régiment perd deux morts et six blessés.

21 avril 1945 : le II/32e RI déplore trois tués à cause de tirs d'artillerie.

5 mai 1945 : Jules Fouillet et Marcel Croisnier sont portés disparus lors d'une reconnaissance. Ils sont déclarés morts pour la France.

9 mai 1945 : dans un ordre du jour, le lieutenant-colonel Langlet écrit : "Les hostilités cessent à partir de minuit. Trêve jusqu'à cette heure. Vive le 32e". La capitulation de la Poche de Saint-Nazaire a été signée à Cordemais.

Durant les opérations de Saint-Nazaire, le 32e RI (Brigade Charles-Martel et 8e bataillon de la Sarthe) aura déploré la mort de 43 hommes, dont le sous-lieutenant Maurice Fuzellier, décédé le 30 mai 1945 à Nantes.

Sources : archives du 32e RI, GR 12 P 7, SHD ; archives des bataillons de Loire-Inférieure, GR 13 P 81, SHD ; colonel Jean DRUART, Le Maquis d'Epernon, éditions Hérault, 1991.


lundi 31 mars 2025

Les 23e et 27e régiments d'infanterie (1945)


Des anciens volontaires du Morvan (27e RI) en Autriche, après la fin des combats. 
Photo parue dans le magazine Regards.  


23e régiment d'infanterie

Chef de corps : colonel Jean Lacroix.

Créé le 16 février 1945 sur le territoire de la 10e région militaire par la réunion des bataillons de sécurité I/10, II/10 et III/10, renforcés par le bataillon IV/10 de Mulhouse. Parmi ces unités, le bataillon I/10 avait reçu des éléments du Bataillon d'Alsaciens-Lorrains (commandant Marcel Schmidt) ; le bataillon II/10 "Alsace" a été formé à Nancy le 16 décembre 1944 par le chef d'escadrons Derringer (ce bataillon portait l'écusson du 5e régiment de cuirassiers).

Organisation : I/23e RI, commandant M. Schmidt puis capitaine Jean Schlumberger ; II/23e RI, commandant Maurice Perrino puis commandant Toussaint Bartoli ; III/23e RI, commandant Lucien Lang puis commandant Georges Ledis.

Opérations 

3 avril 1945 : la 13e compagnie du III/23e RI entre en Allemagne à Bobenthal.

13 avril 1945 : le régiment quitte la caserne Stirn de Strasbourg et relève le III/152e RI.

15 avril 1945 : au moment de l'arrivée de la 1ère armée française à hauteur de Kehl, la 5e compagnie (capitaine Jean Gutter) du I/23e RI traverse le Rhin en barques devant la ville et fait des prisonniers. Une section de la 4e compagnie présente les armes au général de Lattre venu à Kehl.

18 avril 1945 : deux compagnies participent au nettoyage de la rive droite du Rhin.

25 avril 1945 : le régiment quitte Strasbourg, débarque en train à Woerth et se porte sur Karlsruhe.

A la fin des combats, le I/23e RI est à Karlsruhe, le II/23e RI à Spire et Germersheim, le III/23e à Landau.

Source : archives du 23e RI, GR 12 P 6, SHD Vincennes.


27e régiment d'infanterie

Chef de corps : lieutenant-colonel Albert Sarda du Caumont (Rosette), 45 ans.

Créé le 19 février 1945 dans la zone d'opérations de la 1ère armée française en incorporant les volontaires du 1er Régiment du Morvan (1 247 hommes originaires de l'Yonne et de la Nièvre) et du 1er Régiment de Franche-Comté (1 588 hommes originaires du Doubs, du Jura et de la Loire). Le I/1er RFC devient I/27e RI (commandant Deleu), le II/1er RFC se transforme en II/27e RI (capitaine Edouard Filarder), le 1er Régiment du Morvan donne naissance au III/27e RI (capitaine Jacques Lintilhac), le III/1er RFC forme les unités régimentaires. Le 27e RI est renforcé le 1er mars 1945 à Mulhouse par le Bataillon du Gard du commandant Michel Bruguier (versé au I/27e RI et dans les unités régimentaires).

Intégré dans la 4e division marocaine de montagne en remplaçant le 1er RTA le 16 mars 1945. Effectifs du régiment : 710 cadres de l'armée régulière, 3 110 volontaires FFI.

Opérations 

29 mars 1945 : le 27e RI s'installe dans le secteur de Sainte-Croix-en-Plaine et Neuf-Brisach, sur le Rhin. Il perd onze tués, 21 blessés, deux disparus durant cette période de garde du fleuve.

18 avril 1945 : il passe le Rhin à Kehl et se porte sur Legelshaut où il est placé en réserve.

22 avril 1945 : enlevé en camions, le 27e RI atteint le Danube à Donaueschingen, puis gagne Deisslingen et Schwennergen. Il est engagé dans des opérations de nettoyage, faisant plus de 400 prisonniers, au prix de deux blessés.

23 avril 1945 : la 3e compagnie du I/27e RI se rend à Pfattenweiller, le III/27e RI agit dans le secteur de Woltkerdingen. Bilan : 42 prisonniers.

24 avril 1945 : une violente action allemande sur Marbach surprend la 4e DMM, et notamment la 4e DMM. "La 4e compagnie est pratiquement anéantie", note le JMO du régiment. Il y a huit tués, dont le sous-lieutenant Eugène Bonnet et l'aspirant Claude Hentschel.

25 avril 1945 : le 27e RI fait son retour à Marbach à 17 h 10.

Pertes du régiment : 26 morts identifiés.

Sources : archives du 27e RI, GR 12 P 7, SHD Vincennes ; Louis et Nicole PORCHET-MARREL, Les combattants volontaires de Franche-Comté, 1990 ; Pierre SCHERRER, Royal Morvan Infanterie 44, Paris, 1990.

lundi 17 mars 2025

Le 6e régiment d'infanterie (1944-1945)


Des hommes du Régiment Foch (futur III/6e RI). Photo publiée dans le livre "Bataillon Foch
(1944-1945)", Lucien Couturier et Jacques Faugerat, 1977.

 Chef de corps : lieutenant-colonel Pierre Chambre (capitaine d'active de 37 ans) puis colonel Jean-Marie Reymond (15 avril 1945).

Créé le 1er décembre 1944 devant La Rochelle par changement de dénomination du Régiment Bir-Hacheim (FFI de Charente). Compte trois bataillons confiés au capitaine Bernard Tandonnet, 29 ans, au capitaine Pierre Gagnaire, 27 ans, et au commandant René Vallentin.

Au 15 décembre 1944, défend les quartiers de Saint-Pierre et de Baudry, tandis qu'un bataillon est à Rochefort.

Renforcé le 1er mars 1945 par le 123e RI FFI (Régiment Foch) du lieutenant-colonel Auguste Bouvron (Auger), qui devient III/6e RI et monte en ligne le 5 mars 1945 devant Royan.

Engagé dans les combats de réduction des Poches de Royan et La Rochelle.

14 avril 1945 : tandis que la 11e compagnie (lieutenant Charles Wacherot) renforce le bataillon Richon du 1er Régiment de Bigorre, la 9e compagnie du lieutenant Joseph Fournier et la 10e du lieutenant Paul Coutant, soutenues par le peloton Bertoleaud du 13e régiment de dragons, ont pour objectifs Musson et Toussonge, au nord-ouest de Semussac, lors de l'offensive contre Royan. Les deux compagnies attaquent dans la matinée et atteignent leurs objectifs vers midi. Le III/6e RI, qui fait entre 30 et 50 prisonniers, s'installe en défensive aux Brandes. Dans l'après-midi, il est soumis à des tirs d'artillerie. A la 11e compagnie, vers 22 h, le soldat Georges Rouffaud "est tué par un obus tombé à 20 cm de sa tête" (journal de la 11e compagnie). Trois soldats ont également été blessés dans cette journée.

28 avril 1945 : Henri Fleitz est tué devant La Rochelle.

1er mai 1945 : le I/6e RI, qui appartient au groupement Mingasson (avec le 13e RI), attaque sur Yves, Voutron, Thairé et Ballon, dans la Poche de La Rochelle. Un accrochage devant les blockhaus d'Angoulins coûtent quatre tués au régiment : le Dr Louis Hébrard, Jean-François Bouvard, Raymond Gtaltier et Fernand Charriaud. 

Sources : archives du 6e RI, GR 12 P 4, SHD ; archives du Régiment Foch, GR 13 P 77, SHD.


vendredi 14 mars 2025

Le 1er régiment d'infanterie (1944-1945)


La musique du 1er RI à la libération de Bourges.
(Photo parue dans le livre "Les Bandes de Picardie").
 


1er RI

Chef de corps : lieutenant-colonel Jean Ribaud, 51 ans, puis colonel Maurice Rudloff.

Recréé le 14 août 1944 dans les maquis du Cher-Sud. Forme l'ossature de la Brigade Bertrand, commandée par le colonel René Marchand, chef de corps du 1er RI jusqu'en 1942. Constitué de deux bataillons : le I/1er RI du chef d'escadrons Pierre Roy (Prince), 40 ans, et le III/1er RI du commandant Paul Vachet. Participe à la libération de Bourges et aux combats contre la "colonne" Elster. Effectifs de 1804 hommes au 6 octobre 1944.

Composante de la Brigade Bertrand, arrive dans la région de Saint-Jean-d'Angély le 16 novembre 1944. Affecté à la Poche de Royan.

Monte en ligne dans la nuit du 12 au 13 décembre 1944 dans le sous-secteur de Thénac, après avoir relevé les II et III/107e RI. Relève du III/1er RI par le II/33e demi-brigade (autre unité de la Brigade Bertrand) le 22 décembre 1944, puis relève du I/1er RI par le III/1er RI (PC à Briagne) le 30 décembre 1944. Durant cette première quinzaine de présence sur le front, perd plusieurs victimes (Georges Petit, Pettelu, Louis Mathonnière, Xavier Damion, Henri Aufrere).

Visé le 4 janvier 1945 à 5 h 45 par une action offensive allemande. Grâce à l'appui du I/72e RA (artillerie de la Brigade Bertrand), l'attaque est "brillamment repoussée" (JMO du 1er RI). Pertes : un tué (Lucien Tisserand), deux blessés, contre douze prisonniers. La 11e compagnie du capitaine Clément Chartier est félicitée par le colonel Rudloff pour son comportement au feu.

Relève du III/1er RI par d'autres éléments de la Brigade Bertrand dans la nuit du 11 au 12 janvier 1945. Retour dans le Cher, à partir du 12 février 1945, de la Brigade Bertrand, qui forme le noyau de la nouvelle 1ère division d'infanterie (général Jean Caillies). Durant cette période, le I/34e demi-brigade (commandant André d'Aramon) devient II/1er RI le 5 février 1945, et les unités régimentaires du 1er RI sont formées par le V/33e RI (bataillon de marche de Cambrai) du capitaine Henri Roger, dissous le 4 mars 1945.

Toujours cantonné à Bourges au 25 avril 1945. Puis fait mouvement avec la division pour rejoindre la 1ère armée française. Le 2 mai 1945, "à 7 h, nous foulons enfin le sol allemand", note le journal de marche de la 5e compagnie. Cantonné à Daugendorf, Riedlingen, Zwiefaltendorf et Friedlingen. Défend un pont sur le Danube, à Dettingen, le 3 mai 1945. Participe, avec le III/15e RA et le concours de l'aviation, à une opération de nettoyage, les 7 et 8 mai 1945 (500 prisonniers).

Sources : archives du 1er RI, GR 12 P 2, Service historique de la Défense ; Les Bandes de Picardie. Le 1er régiment d'infanterie dans la Résistance, éditions France-Empire, 1975 ; correspondance avec l'amicale des vétérans du 1er RI.

jeudi 23 janvier 2025

La libération de la Cité Sainte-Barbe par ceux qui l'ont vécue (2 février 1945)

Des soldats de la section Thiabaud, 3e compagnie. A gauche, Jean Paroissien et Mario Marchetti. (Collection M. Marchetti).


 2 h 15. 

    Parti de Mulhouse où il cantonnait après avoir défendu pendant plusieurs semaines le point d'appui de L'Ile-Napoléon, le 1er bataillon (commandant Gilles Pâris de Bollardière) du 21e régiment d'infanterie coloniale gagne les environs de Cité Anna pour se porter sur sa base de départ : le Jungholtz, un petit bois situé à l'ouest de Cité Sainte-Barbe, son objectif. Les marsouins passent par le carrefour 236, théâtre de violents combats les jours précédents.

Caporal Jean Maire (5e groupe, 2e section, 1ère compagnie), de Poulangy (Haute-Marne) : "Nous distinguons une masse noire. C'est un half-track qui est immobilisé. Les pneus avant sont complètement cramés et il se dégage une forte odeur de brûlé. Sur le côté, un casque de tankiste semble recouvrir quelque chose de noir. A côté, un bras et la main complètement carbonisés. Et presque sous le véhicule, une masse noire qui est certainement le corps du malheureux conducteur."

Soldat Marcel Pesme (6e groupe, 2e section, 3e compagnie), de Laneuville-à-Bayard (Haute-Marne) : "Cela nous met tout de suite dans l'ambiance".


La Cité Sainte-Barbe et l'usine Théodore. (Collection Marcel Heckenroth).

6 h. 

    Des obus de 88 s'abattent sur le Jungholtz où le bataillon qui s'y est installé est repéré.

Caporal Guy Seigle (3e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Fronville (Haute-Marne) : "Un jeune, arrivé le 30 janvier à la caserne de Mulhouse et affecté dans mon groupe, est touché d'un éclat d'obus. Un obus de mortier dévié par des branches d'arbre tombe à côté de moi sans exploser. Nous sommes plaqués au sol. Nous nous faisons le plus petit possible. On entend des blessés appeler."

Soldat Abel Mangin (2e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Sommeville (Haute-Marne), incorporé le 30 janvier 1945 : "J'étais derrière une touffe de jeunes arbres, attendant la fin de cet enfer, quand Pierre Delaborde est venu me voir et m'a pris sous sa coupe. Nous nous sommes rendus près d'un soldat qui était allongé. Il l'a secoué mais il était mort. C'était mon caporal (1). [...] Jules Lamontagne servait dans mon groupe, il a été blessé sur la base dé départ, un éclat de mortier lui ayant sectionné le tendon d'une jambe. Lucien Martin, de Fontaines-sur-Marne, a été blessé lui aussi dans les mêmes conditions, un éclat dans l'abdomen. "

Abel Mangin.


Soldat Pierre Delaborde (2e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Roôcourt-la-Côte (Haute-Marne) : "René Picard, mon chargeur au FM, a été blessé par un éclat d'obus, alors qu'il était assis contre un arbre à mes côtés, avant l'attaque. [...] Guillot de Rolampont l'a remplacé."

Caporal Jean Maire (1ère compagnie) : "Cela dure trois quarts d'heure. La terre tremble. Quand nous nous relevons, les trous apparaissent remplis d'eau glacée et nos vêtements sont complètement trempés sur le devant. Durant le bombardement, nous n'avons rien senti."

6 h 50

    Début de la préparation d'artillerie. A peine moins de cinq minutes se sont écoulées lorsque les marsouins s'élancent sur le long terrain découvert séparant le bois de la cité. La 2e compagnie (lieutenant Antoine Chabot) est en pointe.

Caporal Guy Seigle (2e section, 2e compagnie) : "Nous progressons par bonds en nous couchant le plus souvent dans la neige fondue. Arrivés aux premiers bosquets, des Allemands se montrent en levant les bras. [...] Certains obus tombent même sur mon groupe. [...] Des balles allemandes arrivent sur nous. Deux hommes tombent, l'un devant moi, l'autre à côté. [...] A l'approche des jardins, j'entends le commandant d'unité crier : "Baïonnette au canon !"."

Soldat Abel Mangin (2e section, 2e compagnie) : "Avec Delaborde, j'ai retrouvé le groupe, ou ce qui en restait, derrière un transformateur, devant des tranchées allemandes desquelles partaient des grenades à manche. Nous avons fait quelques prisonniers que j'ai conduits à l'arrière au PC du lieutenant Chabot. Je suis revenu le long d'un plan d'eau. J'y ai vu quelques blessés dont René Picard qui attendait les infirmiers. Les obus continuaient à tomber sur le plan d'eau et les environs."

Soldat Jean Collot (3e section, 2e compagnie), de Marnaval (Haute-Marne) : "A 7 h, en avant ! Nous progressons sur un terrain complètement nu et inondé, pataugeant dans cette sorte de grande mare, nous prenons par moment de bons bains, car les fossés sont invisibles. Il fait encore sombre, notre artillerie fait merveille, et c'est un splendide feu d'artifice sur les puits de potasse et sur la cité que nous offrent nos canons."

Soldat Jean Guillon (groupe de commandement, 3e section, 3e compagnie), de Doulcon (Meuse) : "Les environs, c'était marigots gelés et enneigés. En nous "étalant" sur la glace, arrive ce que nous redoutions, surtout avec nos charges d'obus de rocket : la glace céda. Et plouf pour nous quatre ou cinq jusqu'au cou ! Avec bien du mal, nous nous en sommes sortis et avons repris la progression, pour voir le capitaine Eon déjà aux premières maisons. Là, un civil alsacien donnait des directions et avait l'air de renseigner sur les positions "schleuhs"."

Soldat Marcel Pesme (2e section, 3e compagnie) : "Un violent tir de 88 nous a fait obliquer sur la gauche, traverser un fossé plein d'eau - car la neige fondait - et obliquer ensuite à droite pour entrer dans la cité. Là, nous avons été accueillis par le tir des Allemands. A ce moment-là, Marceau Feit a reçu la balle qui l'a tué."

Aspirant Pierre Thiabaud (3e section, 3e compagnie) : "Si mes souvenirs ne me trahissent pas, Pernoud et Vasseur ont été blessés dans le Jungholtz, en même temps que Gratessol, François et Leclerc, par le tir d'arrêt de l'artillerie allemande, avant le débouché sur la cité."

Soldat Paul Rivault (1ère section, 3e compagnie), de Rouillé (Vienne) : "Nous avons franchi rapidement la distance entre le bois et les habitations que nous avons atteint sans perte. Les gens terrés dans les caves nous ont prévenus que les Allemands étaient cachés dans presque chaque habitation. Alors que nous parlions à ces personnes, nous avons essuyé les premiers tirs, sans dégât."

    A gauche du dispositif, la 1ère compagnie (capitaine Robert Vial) a pour objectif l'usine Théodore.

Caporal Jean Maire (2e section) : "Sur notre droite, nous pouvons assister à l'assaut de la 1ère section. Sur un fond de ciel rougeoyant, à moins de 100 mètres, nous distinguons de profil les nombreuses silhouettes sombres qui s'élancent, le fusil à la main, et nous entendons leurs cris de sauvage. Le spectacle est saisissant. [..] De toutes parts, les balles claquent, venant d'on ne sait où. [...] Derrière moi, j'entends un cri. C'est Grandperrin - un nouveau qui croit avoir été touché. Il a la manche de capote coupée à hauteur de poitrine, mais la balle a seulement égratigné son bras. [...] Il y a un petit terrain découvert que nous devons traverser en rampant. Au bout, nous franchissons une clôture en grillage dans laquelle notre chef de groupe a pratiqué une ouverture à l 'aide de sa pince coupante. [...]"

Caporal René Pitollet (2e groupe, 1ère section), de Saint-Michel (Haute-Marne) : "Riposte des Boches avec leurs canons à six tubes, dont le bruit ressemblait au beuglement d'une vache. Gilbert Lecomte est tué dès le départ ainsi que Jean-Baptiste Raspès qui faisaient partie de mon groupe."

7 h - 9 h, Cité Sainte-Barbe

Caporal Guy Seigle (2e compagnie) : "Nous repartons en franchissant une route. [...] Les haies des jardins se passent facilement. Nous avançons vers les premières maisons. Avec quelques hommes, je me dirige vers l'école en traversant la place sur laquelle se trouve un rond-point couvert de végétation. Les Allemands se retirent des maisons qu'ils occupaient avant notre arrivée pour nous précéder à l'école. Voyant cela, notre chef de section nous fait signe de bifurquer vers une maison à droite de l'école, mais celle-ci est sous le feu des Allemands embusqués et nous nous trouvons bloqués là. [...] Le reste de la compagnie se débat toujours dans les jardins des premières maisons du village. [...] Nous occupons seulement deux maisons : le chef de section est dans l'une et moi avec le sergent et le groupe FM dans l'autre. Nous formons ainsi une petite enclave de huit à dix hommes dans deux maisons."

Soldat Paul Rivault (3e compagnie) : "Nous avons franchi deux ou trois pâtés de maison avant d'arriver en bordure du terrain de foot. Nous devions le traverser pour atteindre les maisons en face où étaient embusqués les Allemands. Ils nous voyaient arriver et nous ont pris sous un tir nourri de fusil et de mitrailleuse. [...] J'ai dû être blessé au troisième bond en avant ordonné par le caporal [Régin] qui avait pris le commandement du groupe." (2)

Soldat Aimé Poirot (1ère section, 3e compagnie), de Saint-Dizier (Haute-Marne) : "Une auto-mitrailleuse allemande débouche et passe en trombe devant nous. Elle était sans doute surprise de tomber sur des Français. Nous aussi. On se jette à terre. La blindée n'ouvre pas le feu, elle écrase la palissade d'une maison, pénètre dans le jardin et se retranche derrière l'habitation. J'appelle François Roussille. C'était un garçon de Versailles, qui avait un différend avec son père, un docteur qui a fait 14-18, et il voulait à tout prix rentrer chez lui avec la Croix de guerre. Je dis à Roussille : "Viens avec moi, on va grimper dans la maison et on va tirer sur l'auto-mitrailleuse par le haut". Mais il ne m'écoute pas : il s'agenouille et il arme son fusil lance-grenades. Les Allemands le voient et lui envoient un obus dans la poitrine. Roussille est projeté au milieu de la route. [...]

Nous étions trois en tête : le caporal Blanchard à gauche, Billey au centre, devant, et moi à droite, légèrement en retrait. Une rafale est partie d'une cave sur la droite : les balles m'ont frôlé sans me toucher, mais Billey a été grièvement blessé dans le bas-ventre, et Blanchard a reçu une balle dans la cuisse, plus légèrement. [...] Nous voyons un canon de 37 mis en batterie. Depuis une maison, je tire au lance-grenades sur le canon, qui est mis hors d'usage. Un servant est tué d'un éclat au front, les trois autres se replient mais seront faits prisonniers. Pendant ce temps, l'auto-mitrailleuse s'est cachée derrière un garage. Elle tire sur nous. Une balle touche l'anneau-grenadière de mon fusil, un prisonnier près de moi reçoit des balles dans le bras et dans le pouce, Rondeau est blessé au genou."

8 h 

    La 3e section (sous-lieutenant Roignant) de la 1ère compagnie avait pris rapidement l'usine. Mais une contre-attaque allemande - une cinquantaine de fantassins appuyés par trois blindés - est rapidement lancée.

Caporal Jean Maire : "Voici que des hommes se replient : ce sont des blessés de la 3e section qui rejoignent le poste de secours. Le sergent Thomas, qui traîne sa jambe avec beaucoup de mal, nous apprend que plusieurs camarades sont tués, dont le caporal Roger Clément."

Capitaine Robert Vial : "Nous apercevons, par les perspectives des rues, un groupe compact ennemi qui se porte, au pas de gymnastique, du centre de la cité vers l'usine. [...] Très vite, la contre-attaque se développe : elle prend l'usine d'enfilade et parvient, en l'espace de quelques minutes, au contact de ma compagnie, qu'elle fusille du haut des fenêtres de grands bâtiments. [...] Il faut évacuer la baraque attenante à l'usine, où nous avons rassemblé les prisonniers. Mouvement périlleux que le chef de section exécute avec un sang-froid remarquable. [...]"


Henri Mielle (3e section, 1ère compagnie), de Perrancey, tué dans l'usine. (Collection familiale).


Devant l'école, avec la 2e compagnie

Soldat René Lambert (3e groupe, 2e section), Parisien engagé en Haute-Marne : "L'adjudant-chef Delattre m'a commandé d'aller, à travers les jardins, chercher des munitions pour le lance-grenades. A mon retour pour approvisionner les tireurs de la section, j'ai entendu un coup de feu. Et c'est un copain qui était en train de viser en direction des tireurs embusqués qui s'est fait tuer à mon passage. [...]"

Soldat Abel Mangin (2e groupe, 2e ection) : "L'adjudant-chef Delattre [...] a fait appel à [Roland Sanrey] qui faisait fonction de grenadier, celui-ci s'est mis en position à l'angle d'un bâtiment. Il n'a eu que le temps de s'agenouiller et ouvrir la culasse de son fusil, avant de s'affaisser, tué par une balle en pleine tête."

Caporal Seigle (3e groupe, 2e section) : "Roland Sanrey me dit vouloir lancer une grenade à fusil sur un tireur qu'il a repéré dans le clocher de l'église. Malheureusement, il n'aura pas le temps de tirer car, repéré lui aussi, il est tué d'une balle en plein front par ce tireur qui embête tout le monde. (3) [...] Notre chef de section, lui, a réussi à passer [la rue], mais le sergent-chef Jeanjean, qui arrive avec quelques hommes, est blessé en essayant lui aussi."


Le grenadier Roland Sanrey, tué par un sniper. (Collection Bernard Sanrey).

Soldat Jean Collot (3e groupe, 3e section) : "Ballu, un camarade, tombe dans un jardin, aussitôt deux volontaires partent le chercher, quand le "Chleuh" d'en face, non content, tire sur les sauveteurs, et c'est un râle que l'on entend, car seul, Ballu est à nouveau touché, et arrivé près de nous, il meurt. Il était l'aîné de onze enfants." (3)


Le fonctionnaire caporal Georges Ballu. (Collection familiale). 

9 h.

    Un char ennemi intervient dans le cente de Sainte-Barbe.

Soldat André Herdalot (section de commandement, 2e compagnie), de Veuxhaulles-sur-Aube (Côte-d'Or) : "Un de mes camarades et moi-même tirons dessus. Mais le char ouvre le feu sur nous avec son canon et ses mitrailleuses. Des camarades tombent. [...]"

Soldat Jean Collot (3e section) : "Le lieutenant Agniel qui nous commandait ce jour-là était derrière la maison, quand le caporal Verson lui demande sa carabine, afin d'en descendre un, dit-il. Il n'a pas le temps de tirer, une balle vient le frapper en plein ventre. [...] Ce pauvre gars râlera pendant plus d'une heure, demandant à boire près de nous."

JMO du I/21e RIC : "Le char allemand plusieurs fois pris à partie par nos rockets, est allé se poster au nord-est du village."

    Avec la 3e compagnie, devant la salle des fêtes (théâtre) et à l'extrême-droite de la cité...

Aspirant Thiabaud (3e section) : "C'est en abordant une [maison] que Robert Creux (16 ans et demi) est fauché par une rafale de mitraillette tirée d'un soupirail. Une dizaine d'Allemands sort ensuite de cette cave où se trouvaient également des civils. C'est la raison pour laquelle nous évitions de grenader systématiquement les caves ou de tirer au rocket, de peur de tuer et blesser des civils."

Soldat Jean Guillon (3e section) : "Robert [Creux] a été tué dans la maison, à l'assaut de l'étage côte à côte avec Combre. Marchetti et moi étions au pied du perron. La rafale, les rafales devrais-je dire venaient du haut et non du larmier, nous étions assez bien placés pour en juger. Creux aurait reçu les deux rafales, la seconde dans sa chute, au cours de laquelle il a heurté le caporal à un bras. [...] Régnait alors pas mal de confusion puisque nous apprenions aussi la mort d'Amode Dominici. Roger Georges a vu les deux Allemands sauter d'une fenêtre du haut [...], sûrement ceux qui venaient d'abattre Creux. Il les a canardés sans succès."

Aspirant Thiabaud : "A 9 h 30, ma section borde les lisières Sud de la Cité Sainte-Barbe."

    Près de la salle des fêtes, l'auto-mitrailleuse se montre toujours aussi redoutable par ses tirs.

Louis Oudin (5e groupe, 2e section), de Saint-Dizier : "René Petitpas a reçu une balle dans la région du coeur, et Hubert Marsault une balle dans la cuisse. "Ca y est, je suis touché", a crié Petitpas. Je lui ai dit : "Ne t'inquiète pas, attends, les infirmiers vont arriver !" Mais il a appelé sa mère, et il est mort."

    Le sergent-chef Jean Vignole et des hommes de la section Bernard progressent dans une rue.

Soldat Jean Dorckel (1ère section), de Saint-Dizier : "Une fusillade est partie du larmier de la cave. Vignole a été tué, Krzemenski blessé."

Soldat Aimé Poirot (1ère section) : "Krzemenski était père de cinq ou six enfants. Il a été touché au bras et à l'épaule, et il me suppliait : "me laisse passe, Mémé !"

Soldat Dorckel : "On est parvenu à rentrer dans la maison, on a ouvert la trappe qui mène à la cave et là un Alsacien, en allemand, les a fait sortir. Ils étaient deux, ils n'avaient pas 20 ans. Auzimour, à travers le soupirail, donnait à un des deux un coup de Thompson à l'estomac. Il était fou de rage, il criait "c'était mon copain ! C'était mon copain !". Les deux Allemands disaient "Polski ! Polski !". Mais ils portaient la croix de fer, et ils avaient des mitraillettes russes."

Sergent André Héno (5e groupe, 2e section) : "[Ils] n'avaient plus d'armes et s'étaient rendus. Un officier les a rassemblés dans la cour du théâtre, leur a demandé de faire leur prière et, malgré mon intervention personnelle, les a bel et bien descendus sans autre forme de procès. Vignole était mon ami, nous venions tous deux d'Afrique du nord. Il avait laissé au cours de notre passage en Algérie en 1943 et 1944, une fiancée qui l'attendait à Lapasset en Oranie."


Trois hommes de la section Bernard : Bernard Moginot, caporal Pierre Blanchard,
Gilbert Hinderschiett.

10 h 30.

    La salle des fêtes est enfin occupée, le PC de la 3e compagnie s'y installe. Concomitamment, les blindés du Régiment colonial de chasseurs de chars (RCCC) parviennent enfin à pénétrer dans la cité pour appuyer les fantassins.

Adjudant Georges Chapron (SME, 3e compagnie), de Saint-Dizier : "Nous préférons que les chars nous fassent appui d'artillerie avec leurs pièces de 76. Quand nous avons repéré une fenêtre ou un ennemi qui est caché, nous leur indiquons et cela ne dure que l'espace d'un instant : ni bas de mur ni bonhomme ne restent".

Caporal Seigle (2e compagnie) : "Au bout d'un quart d'heure, il y a déjà beaucoup de dégâts, des maisons brûlent en dégageant de la fumée. D'un bond, nous quittons notre position, traversons la rue pour entrer dans l'école. Je vois des Allemands en tenue blanche s'enfuir, nous leur tirons dessus. Ils sont empêtrés dans les haies des jardins. Mon groupe FM reçoit l'ordre de pénétrer dans le sous-sol de l'école."

11 h 15.

JMO du bataillon : "Un assaut vigoureux de la 2e compagnie après tirs très efficaces des TD et de la CCI enlève l'école." Là, dans le sous-sol, sont réfugiés environ 300 civils.

Capitaine Vial : "Girardon, sans avoir bien compris ce qui lui arrive, est d'un seul coup saisi par les épaules, porté en triomphe dans la cave aux vastes dimensions."

Soldat Herdalot (2e compagnie) : "Nous demandons l'appui des TD qui tirent aussitôt sur l'école et l'église. Le char allemand se retire, nous tirons au rocket sur l'école, puis avec un groupe de la 1ère section [lieutenant Marcel Girardon], nous la prenons d'assaut (cinq prisonniers)."

Soldat Collot (2e compagnie) : "Le caporal Leca a le doigt coupé par une rafale, le sergent Roy a un petit éclat près de l'oeil, Psonack est défiguré et mourra. [...] Nous arrivons enfin à l'église, après avoir traversé un terrain entièrement nu, tout est dévasté, seul un autel avec la Vierge et Jésus, en bois, est intact."

Midi.

    Devant l'usine Théodore, la situation de la 1ère compagnie, après son repli, reste délicate.

Caporal Maire : "Nous commençons à nous organiser un peu mieux. Quelques moellons qui traînent sur place servent à édifier un muret qui va nous protéger. [...] Lhotel, du 4e groupe, vient de prendre une balle dans le bras droit. Il a très mal. [...] A une centaine de mètres à notre gauche, au sommet du crassier, une mitrailleuse a été mise en batterie. Mais les servants ont du mal à utiliser leur arme car ils sont repérés et dès qu'ils font dépasser leurs têtes, ils sont ajustés avec précision. [...] Le caporal Jean Duport, notre chef de groupe, veut essayer d'observer. Il se met debout, laissant dépasser sa tête au-dessus du tas de bois qui le protège. Au bout de quelques secondes, nous le voyons tomber à la renverse. Son casque roule à côté de sa tête et en plein milieu de son front apparaît un trou d'où le sang commence à s'échapper. [...] Encore quelques minutes, un dernier râle, et c'est la fin."

Début d'après-midi.

    2e et 3e compagnies reprennent leur progression en direction de la partie Nord de Sainte-Barbe, où l'ennemi est toujours retranché.

Capitaine Vial : "Atteint d'une balle au genou, le soldat Hennequin rampe sous les trajectoires tendues. Croulant de fatigue, il s'arrête au milieu d'une rue. Le sergent-chef Noguera, un excellent joueur de rugby, l'observe du coin de la maison voisine : il s'élance, le ramasse sous un feu d'enfer, le dépose à l'abri, plonge par-dessus la clôture d'un jardinet où il se retrouve au milieu du groupe de commandement, nez à nez avec le capitaine Chabot qui l'attrape... et le félicite."

Soldat Jean Dubreuil (tireur FM, 3e section, 2e compagnie), de Bricon (Haute-Marne) : "J'ai été blessé d'une balle de parabellum tirée d'une fenêtre de cave en traversant la rue. Mon premier chargeur, Emile Nottebaert, de Froncles, natif du Nord, a pris ma place au FM."


Le tireur FM Jean Dubreuil, de Bricon, blessé par une balle. (Collection J. Dubreuil).


16 h. 

Soldat Jean Collot (3e section, 2e compagnie) : "Nous sommes encore bloqués dans une maison. Emile Nottebaert essaie de mettre en batterie son FM, il prend une balle dans le front. [...] Un gars montre son nez à la porte, de l'autre côté de la rue, il s'enhardit, mais les Boches l'ont repéré, et il s'écroule, une balle dans la jambe. [...] Quelques-uns des nôtres traversent la rue, la maison où ils sont, aussitôt repérée, prend quelques obus. Le sergent Roy, s'aventurant derrière, est tué."

Soldat Abel Mangin (2e section, 2e compagnie) : "Je me suis rendu à l'église, j'ai remarqué de nombreux corps et parmi ceux-ci, j'ai reconnu la chevelure blonde du sergent Roy, que j'avais vu cinq minutes avant : il venait d'être tué par un Allemand qui était posté dans une descente de cave."

Soldat Bernard Moginot (tireur FM, 1ère section, 3e compagnie) : "Je n'avais plus de munitions. Je me suis levé, je me suis caché derrière le mur de la maison pour recharger le fusil-mitrailleur, et j'ai reçu une balle dans la cuisse. Je n'y croyais pas. En réalité, c'était une balle perdue qui a ricoché contre le volet. Si j'étais resté à genoux, je la prenais en pleine tête !"

Soldat André Herdalot (section de commandement, 2e compagnie) : "A 6 heures et quart du soir, les derniers Allemands se rendent, le char et une auto allemande brûlent. [...] Pendant cette journée, ma compagnie a perdu 46 hommes : 35 blessés et 11 tués."

Capitaine Vial : "Vers 16 h, descendu de son char pour mieux guider le tir de son canon contre un ennemi qui se camoufle adroitement, Ricour (4) est atteint, comme Turenne, d'un obus en pleine poitrine, qui le coupe en deux.La lueur de départ du coup qui l'a brisé, trahit son adversaire que le tank-destroyer détruit dans la seconde qui suit."

16 h. 

    La 1ère compagnie repart à l'assaut de l'usine Théodore, perdue dans la matinée. Elle est appuyée par un peloton du 2e régiment de chasseurs d'Afrique.

Caporal Maire : "Au cri "En avant !", tout le monde s'élance en gueulant. Les chars soutiennent notre progression par leurs tirs. [...] Derrière moi, j'entends crier "En avant ! Allez-y les gars". C'est notre capitaine Vial qui [...] avance lui aussi à grandes enjambées, le colt au poing, sans casque, et le sourire aux lèvres...."

Capitaine  Vial (5) : "Une attaque grand style est montée pour l'enlever d'un seul coup. [...] Au moment même où tombe la nuit, l'usine est prise d'un seul élan : il ne reste plus qu'à réduire durant la nuit des résistances sporadiques qui se réveillent de temps en temps."

18 h. 

Soldat Mario Marchetti (3e section, 3e compagnie), de Bar-le-Duc : "Nous n'avions pas dormi depuis 36 heures. Après une nuit dans les bois et une journée terrible, nous n'avions rien mangé depuis hier hier soir."

Sous-lieutenant Robert Bocquillon (2e section de mitrailleuses, compagnie d'accompagnement), de Chaumont : "A 2 h du matin, mort de fatigue, je m'affale sur une paillasse dans une baraque de jardin. [...] J'avais dormi seize ou 18 heures d''affilée..."

Pertes du bataillon : 32 tués, 83 blessés (dont six décèdent), six disparus. Au II/21e RIC (commandant Jean Whitehouse) qui a pris part également à la fin des combats, la 7e compagnie déplore cinq tués. Outre le lieutenant Ricour au RCCC, le médecin-auxiliaire Jean Avinier, du 25e bataillon médical, a été tué durant la journée, tandis que le lieutenant-colonel Henri Delteil, adjoint au chef de corps du 21e RIC, était blessé dans la matinée.


Des vétérans haut-marnais du 21e RIC, en 2005, devant le monument de Cité Sainte-Barbe.
(Photo Lionel Fontaine).


Marsouins du I/21e RIC tués, blessés, prisonniers à Sainte-Barbe (liste non exhaustive)

1ère compagnie. 

Tués : caporal Roger Clément, caporal Jean Duport, René Grime, Gilbert Lecomte, Henri Mielle, Jean-Baptiste Raspès. Blessés : sergent-chef Marcel Contestabile, André Guénot, Paul Letuppe (décédé), sergent-chef Laure, Lhotel, sergent Gilbert Thomas. Prisonniers : Charlier, Nadeau, Pignal.

2e compagnie. 

Tués : Georges Ballu, Robert Doffin, Roger Drioux, caporal Guy Leroy, Pierre Mathis, Emile Nottebaert, sergent Jean Roy, Roland Sanrey, caporal Louis Verson, Blessés : André Delanne (décédé), Jean Dubreuil, Gilles Guichard, François Habermarcher, adjudant-chef Georges Holveck, sergent-chef Maurice Jeanjean, Roger Jouanne, Jules Lamontagne, caporal Jean Leca, Lucien Martin, René Nourdin, Jean Paleur, Eugène Patris, André Pernot, René Picard, Jean Prodhon, Bronislas Pszonack (décédé), Marius Ramillon, caporal Guy Seigle.

3e compagnie. 

Tués : Fernand Billey, sergent Emile Crelerot, Robert Creux, Joseph Decombe, Marceau Feit, Joseph Ferrer, sergent Maurice Landivaux, Roger Levallois, René Petitpas, René Rihn, Raymond Rousset, François Roussille, Anicet Vanaquer, sergent-chef Jean Vignolle, Blessés : Michel Baretge, caporal Blanchard, Demoullin (décédé), Amode Dominici (décédé), capitaine Jean Eon, Robert François, adjudant-chef Jean Gérin, Grattesol, René Jubeau, Krzemenski, Raymond Leclerc, caporal Hubert Marsault, Lucien Minot, Bernard Moginot, Louis Oudin, Pernoud, Jean Renaud, Paul Rivault, Roger Rondeaux, (sergent ?) Rouzier, Stanislas Rosanski, lieutenant Edmond Thouvenot, Vasseur.

Compagnie d'accompagnement. Tué : Serge Hemonnot. Blessé : Maurice Delacroix.

Compagnie de commandement. Blessés. Jacques Lasdrat (décédé), René Nicard.

Unités non définies. Tués : Jacques Berthomeau, François Duigou, Adrien Houeix, Henri Osmenda, Lucien Pitre, Camille Vincent (2e compagnie ?), René Vivier (2e compagnie ?). Blessé : sergent Maurice Boudeville. 


Le service de santé du I/21e RIC, à Sainte-Barbe. (Coll. M. Heckenroth).



(1) Le caporal Guy Leroy.

(2) Il s'agit du groupe du sergent Maurice Landivaux qui perd quatre tués (sergent Landivaux, Roger Levallois, Raymond Rousset, Anicet Vanaquer), trois blessés (Lucien Minot, Jean-Louis Renaud, Paul Rivault), trois rescapés (Monso, caporal Jean Régin, Joseph Sguerra).

(3) Georges Ballu était originaire de la Mayenne.

(4) Lieutenant Robert Ricour, du RCCC.

(5) Le capitaine Robert Vial devait être grièvement blessé le lendemain par un éclat d'obus qui l'a rendu aveugle.


mercredi 15 janvier 2025

La bataille de Colmar : 9 février 1945

 Secteur de la 9e DIC

    Relation de la 11e compagnie du III/21e RIC : "Les patrouilles révéleront que la plupart des résistances se sont repliées au cours de la nuit à partir de 2 h [...] ; le canal franchi facilement, la 9e compagnie est poussée jusqu'au village [de Bantzenheim] dont les derniers occupants sont capturés.

    A 8 h 45, le bataillon occupe Bantzenheim où il récupère un canon de 105 intact, quatre mitrailleuses et fait 19 prisonniers. Sans désemparer, la 9e compagnie pousse jusqu'au pont de Chalampé qu'elle atteint vers 10 h, au moment où les derniers soldats allemands regagnent en barque la rive droite du Rhin sous la protection de tirs nourris d'armes automatiques."

    I/21e RIC : A 6 h, la  3e section de la 3e compagnie marche en direction de la station de Bantzenheim. Aspirant Thiabaud : "Nous passons le canal en équilibristes, sur une poutre. Nous ramenons cinq prisonniers et atteignons la lisière Est de la Hardt. Le Rhin est à 2 km". André Herdalot (2e compagnie) : "Cinq Allemands se rendent d'eux-mêmes, ils ont le sourire aux lèvres." JMO du I/21 : "A 14 h, le bataillon reçoit l'ordre de rejoindre Ensisheim."

    Au cours des opérations, le régiment a déploré 86 tués, 238 blessés et neuf disparus. De son côté, le RICM a perdu cinq tués (quatre soldats du groupe d'escadrons portés et un aspirant du 3e escadron), 24 blessés (dont 22 du GEP). Il a fait sept prisonniers et a décompté dix cadavres ennemis, entre le 6 et le 9 février.

    Le groupement Vallin a pour mission de couvrir au sud la progression du 21e RIC en direction de Chalampé. JMO du 3e BZP : "L'attaque menée par le 21e RIC sur Chalampé n'offre aucune résistance. La 1ère compagnie du groupement Vallin pousse sur Bantzenheim et quelques éléments sont poussés sur Chalampé. Avec les coloniaux, Chalampé est atteint vers 11 h 30 sans difficulté". Vers midi, ordre est donné au bataillon de rejoindre Mulhouse.

  JMO du 23e RIC : "Ottmarsheim est atteint à 10 h, sans coup férir. Dix prisonniers sont faits. Chalampé est atteint par la compagnie Bertrand (2e compagnie). Le I/23 est immédiatement relevé par le II/23".

Secteur de la 2e DIM

    JMO du 5e RTM : "Aux premières heures du jour, le 1er bataillon occupe le village de Rumersheim [...] et va à son tour border le Rhin, au moment où une sourde détonation annonce la destruction du pont de Chalampé et la libération de l'Alsace."

mardi 14 janvier 2025

La bataille de Colmar : 8 février 1945


Maurice Lacroix, du I/21e RIC, tué le 8 février 1945 devant Bantzenheim.

 Objectifs Fessenheim et Blodelsheim

    JMO du 12e RCA : "L'attaque sur Fessenheim est déclenchée. Aussitôt les chars entrent en liaison avec les chars de la 1ère DB qui se préparent également à entrer dans Fessenheim mais dont deux venaient de sauter sur des mines. [...] Le village est occupé, l'ennemi l'a d'ailleurs en partie évacué à 5 h et seuls quelques isolés sont pris. [...] A 10 h, [...] le détachement de Lancquessaing et des éléments de la 1ère DB pénètrent [dans Blodelsheim]. [...] La 1ère DB prenait à son compte le couloir entre le Rhin et la forêt et à 15 h livrait un combat très violent en essayant de s'infiltrer dans Rumersheim encore fortement occupé. [...] Les opérations prévues des 1er et 2e escadrons (sous-groupement Massu) sont annulées après un début d'exécution par suite de la jonction réalisée avec la 1ère DB française. [...]". Depuis le 6 février 1945, le 12e RCA a perdu neuf chasseurs.

    JMO du 5e RTM : "Dans la nuit [...], Munchhouse est entièrement à nous. Le lendemain dans la matinée, une double manoeuvre de la 11e compagnie, partant d'Hirtzfelden, et de la 10e, débouchant de Roggenhouse, appuyées respectivement par les escadrons de Lambilly et d'Ussel, nous livre Fessenheim où la 11e fait la liaison avec les éléments de la 2e DB venus du nord, puis, à 10 h, Blodelsheim, sur lequel convergent deux groupements.

    Vers midi, la 11e compagnie occupe la maison forestière et la maison de navigation, qui contrôlent, sur le Rhin, le bac de Blodelsheim. [...]

    Malheureusement [...], le colonel Dewattre [...], venu se rendre compte de la situation, sautait, vers 15 h, sur une mine en quittant Blodelsheim. Très grièvement blessé, il est transporté à Mulhouse où il mourait dans la soirée."

    Agé de 44 ans, Charles Dewattre, né dans les Landes, était Saint-Cyrien. Vétéran des campagnes du Maroc et du Liban, puis de France en 1940, il s'était battu en Italie et avait pris le commandement du 5e RTM en décembre 1944. Titulaire de quinze citations, il est fait commandeur de la Légion d'honneur. Le lieutenant-colonel Jacques Gazounaud, du 8e RTM, lui succède le soir-même.

Objectif Bantzenheim

    JMO du 23e RIC : "Le I/23 et le II/23 envoient des reconnaissances et trouvent les écluses 43 et 44 légèrement occupées."

    JMO du RICM : "A 4 h, l'écluse 47 est encore tenue par l'ennemi. Mais à 8 h, une patrouille du GEP signale que Munchhouse est vide d'ennemis. L'écluse 47 est libre. Une patrouille poussée vers l'écluse 46 rencontre des ennemis qui décrochent. Munchhouse est occupé par le GEP à 8 h 30."

    JMO du 3e BZP : "[...] Le groupement Boispéan [repassé sous les ordres du commandant Vallin] reçoit l'ordre d'envoyer au lever du jour des patrouilles pour reconnaître la partie du secteur comprise entre l'écluse 46 et la cote 226,6 et entre les écluses 46 et 44.

    A 8 h 30, l'escadron Boispéan, le peloton de TD, la section du génie se portent aux lisières Ouest de la Hardt de part et d'autre de l'itinéraire Ensisheim - Chalampé. [...]

    Dans la matinée, le groupement commence l'établissement d'une tête de pont, au nord de l'écluse 46, qui est fortement défendue et minée. [...] Le génie construit un passage à l'écluse 46. Les chars légers, les chars moyens et quelques HT [half-tracks] franchissent le canal à l'écluse 46, dans le courant de l'après-midi."

    I/21e RIC : à 8 h 30, la 1ère compagnie (lieutenant Auvigne) se porte sur le canal Sud-ouest de Munchhouse pour relever le RICM. Sur le canal, Auvigne rencontre un officier supérieur qui lui donne l'ordre de foncer sur le carrefour 226, où deux prisonniers sont faits. JMO du bataillon : "Un peloton du RICM dépasse la 1ère compagnie pour aller reconnaître le pont de Bantzenheim sur le canal. Il est accroché par des armes automatiques"

    JMO du RICM : "Le détachement Aubinière (3e escadron, un peloton de TD, deux pelotons portés) franchit la passerelle à 11 h et dépasse l'infanterie du 21e RIC. Il disperse vers le carrefour 222 des éléments retardateurs armés de mitrailleuses légères. Le pont sur le canal de la Hardt est détruit ainsi que le pont 300 m Nord-est de 222. Des patrouilles sont envoyées aussitôt vers le pont 1 km Ouest de Bantzenheim, l'une le long du canal de la Hardt, l'autre sur la laie centrale passant par 222 puis par la route de Radbrunnen à Bantzenheim."

    Quelques prisonniers sont faits, mais "tous les ponts et ponceaux sont détruits. [...] A 14 h 30, l'escadron franchit le canal sur un passage de fortune en troncs d'arbres et terre. Le bataillon Sizaire qui l'a dépassé vers midi a été stoppé par des barrages violents d'artillerie et d'infanterie à la lisière Est [...] et ne peut déboucher. Le feux des TD, des chars légers et des canons d'assaut du détachement Aubinière sont mis à sa disposition, mais, faute d'objectifs précis, n'obtiennent aucun résultat."

    En effet, au III/21e RIC du lieutenant-colonel Sizaire, la 11e compagnie a atteint les lisières de la forêt et s'apprêtait à marcher sur Bantzenheim lorsqu'elle a été clouée au sol par de violents tirs d'armes automatiques depuis le remblai du canal. A la nuit, la compagnie, qui a pu décrocher, déplore 14 tués et 28 blessés, dont le capitaine Fernand Pech (qui succombe à ses blessures) et l'aspirant Jean Micolon, chef de section. 

    JMO du RICM : "Au cours d'une [patrouille pour rechercher un point de passage sur le canal au sud de Bantzenheim], l'aspirant de Tienda est tué par un tireur au fusil."

    Au I/21e RIC, qui a atteint les lisières Est de la Hardt à 16 h 30, un accrochage coûte à la 2e compagnie deux tués : le sergent Léon Porché et le soldat Camille Combray, Par ailleurs, un tir de harcèlement au mortier coûte la vie au soldat Maurice Lacroix, de la même unité. La nuit, froide et pluvieuse, est passée sur place. 

   Selon le JMO du 3e BZP, le bataillon est positionné au soir à 1 500 m à l'est de Radbrunner (1ère compagnie et chars légers), au puits de Radbrunner (2e compagnie, CA et chars moyens) et à l'écluse 46 (3e compagnie). Il a perdu quatre blessés dont le sergent-chef Vignal et le sergent Simon.

Objectifs Petit-Landau et Niffer

    Tandis que la brigade de spahis du colonel Brunot atteint Hombourg, le 151e RI du colonel Claude Jaeger (Michelin), successeur du colonel Fabien (Pierre Georges), se met en mouvement et arrive à Petit-Landau. Mais il a perdu de nombreux tués à cause des mines lors de sa progression (au moins six).     De son côté, le 19e BCP du lieutenant-colonel Albert Moillard, mis sur pied à Paris, se porte de Kembs où il tenait position depuis le 22 décembre 1944 sur Niffer. Les mines, les tirs d'artillerie tuent le sergent-chef Robert Beillot, Roger Desprez, Maurice Rousseau, Gérard Bianquis et Lucien Lalloz. Mais l'objectif est atteint.