vendredi 20 novembre 2015

Le chef de brigade Menne (1759-1825), de Corlée

(Photo Gallica) C'est dans le village de Corlée, aujourd'hui commune associée à Langres, que naît Pierre Menne, le 18 juin 1759, fils de Nicolas Menne «le cadet», laboureur. Soldat au régiment d'Artois en 1779, il obtient son congé en 1788. Marié l'année précédente à Caen, avec Catherine Foulon, ce Champenois s'établit dans le Calvados. Tout naturellement, il reprend du service durant la Révolution. Selon la Sehri, Menne dit Dumaine est, derrière Le Parmentier, lieutenant-colonel en second du 3e bataillon de volontaires du département. Selon les époux Quintin, qui lui ont consacré une notice biographique dans leur dictionnaire des chefs de brigade du Consulat, il est élu chef de ce bataillon le 20 janvier 1792. En 1793, le Haut-Marnais se distingue lors des opérations de l'armée du Nord. Le colonel Tilly, commandant des troupes françaises à Breda et Gertruidemberg, rapporte que «le 3e bataillon du Calvados, détaché à Raamsdouck, à une demi-lieue de la ville, fut attaqué par des forces supérieures la nuit du 17 au 18 (mars) ; l'attaque s'engagea chaudement, et fut bien soutenue. Voyant que l'ennemi cherchait à prendre ce poste de vive force, je fis sortir le 18 au matin le lieutenant-colonel Delarue, avec un détachement et deux pièces de canon ; l'affaire commença vers les 10 h du matin ; elle fut vive ; les volontaires du 3e bataillon du Calvados se battirent en héros ; le lieutenant-colonel Dumaine (sic), chef de bataillon, eut le bras percé d'une balle à la tête de sa troupe...» Et, ajoute le colonel, jusqu'au 22, «le brave bataillon du Calvados et un détachement des 19e et 23e bataillons nationaux firent tête à 2 000 hommes d'infanterie, et à un régiment de cavalerie». Avant la fin de l'année (le 21 décembre 1793), Menne, qui aurait reçu une balle à la cuisse gauche en 1792 selon les époux Quintin (qui ne mentionnent pas de blessure en mars 1793), passe chef de bataillon dans la 23e demi-brigade. Puis chef de brigade le 15 août 1795, à 36 ans. Vétéran des campagnes de l'armée du Nord, de l'armée de Sambre-et-Meuse, Menne passe chef de brigade surnuméraire à la 67e demi-brigade d'infanterie de ligne le 5 mars 1796. Le 23 janvier 1797, qualifié de «ci-devant commandant temporaire à Tournai», en Belgique, Menne est invité, via un courrier des directeurs Carnot, Le Tourneur et Barras au ministre de la Guerre Petiet, à «se rendre près l'une des demi-brigades de l'armée de Sambre-et-Meuse pour y être employé comme surnuméraire dans son grade». En fait, le 22 mars, le Haut-Marnais hérite, comme chef de brigade, du commandement de la 23e demi-brigade d'infanterie de ligne. Avec laquelle il prend part aux campagnes des armées de Rhin-et-Moselle, d'Helvétie, du Rhin. Sous les ordres de Masséna, commandant l'armée du Danube, Menne se bat donc en Suisse. Son général rapporte, le 22 mai 1799, que «le général Oudinot avait essuyé, de la part de l'ennemi, la plus forte résistance, et nos troupes avaient même été en quelque sorte repoussées ; mais le général Soult étant arrivé avec deux escadrons du 18e de dragons et la 23e demi-brigade de ligne, a décidé l'avantage en notre faveur. Ces deux généraux ont fait 1 800 prisonniers à l'ennemi, et lui ont enlevé deux pièces de canon». Quelques jours plus tard, selon les époux Quintin, Menne est blessé le 4 juin 1799, à Zurich, au genou gauche. Il se bat encore à Hohenlinden, le 2 décembre 1800, puisqu'il écrit ce jour-là un rapport au général Ney sur l'action de son régiment. Mais ses infirmités, constatées deux ans plus tard, lors d'une revue passée par le général Lecourbe – Menne commande alors la 23e demi-brigade à Dijon, et il compte parmi ses officiers l'officier de santé Joubert, qui s'établira à Nogent, et le sous-lieutenant Ruston – conduisent à son admission à la retraite, le 30 décembre 1802. Il n'a que 43 ans. Revenu à Caen, Pierre Menne décède le 30 novembre 1825 dans le chef-lieu du Calvados.

samedi 23 mai 2015

19e BCP : de l'Ecole militaire de Paris à Constance

Des hommes du 19e BCP. (Source : GR 12 P 30, SHD).



Début septembre 1944, après la libération de Paris, deux bataillons de chasseurs à pied sont mis sur pied à l'Ecole militaire. L'un, portant le numéro 1, est sous les ordres du lieutenant-colonel André Moillard, le 8e est commandé par le lieutenant-colonel Pochard (l'unité participera à la libération de Metz).

Le 5 octobre 1944, Moillard apprend que le 1er BCP, fort de 696 hommes à sa création (prescrite par un ordre daté du 30 août 1944), prend le numéro 19. Il doit patienter de longues semaines avant de rejoindre le front. Initialement, il espérait être affecté à la 2e division blindée. En réalité, ses chasseurs seront affectés, le 21 octobre 1944, à la 1ère armée française.

Ce n'est que le 11 décembre 1944 que par le métro, les chasseurs, quittant l'Ecole militaire, rejoignent Vincennes puis s'embarquent en direction de l'Est. Ils arrivent le 17 décembre à Port-sur-Saône, le 19 à Zillisheim, près de Mulhouse, et sont rattachés au 1er régiment de spahis algériens de reconnaissance. Chasseurs et spahis feront équipe jusqu'à la capitulation de l'armée allemande. Rapidement, le 19e BCP monte en ligne, relevant le 6e RIC le 22 décembre 1944. L'historique du bataillon précise : « La veille de Noël, nos chasseurs gagnent les avant-postes. Au village de Kembs monte la 3e compagnie... Plus en arrière, le bataillon cantonne à Sierentz ». Précisément, la 3e compagnie (lieutenant Max Blin), la section de mitrailleuses et la section de mortiers de la CA (capitaine André Dumard) sont à Kembs, la 2e compagnie (lieutenant Charles Quenard) et le reste de la CA cantonnent à Sierentz, la CHR (compagnie hors rang, capitaine Georges Kaminski) et la 1ère compagnie (lieutenant Maurice Autogue) à Uffheim.

29 décembre 1944 : le sergent Clément Bouchoux (3e compagnie), parti avec seize chasseurs à la recherche d'un de ses soldats non rentré d'une patrouille de nuit, est tué avec quatre de ses hommes à Kembs : Théophile Carles, 34 ans, Claude Gannat, 19 ans, Francis Grange, 20 ans, et Jules Lefevre, 40 ans. Le lendemain, René Couchy, 21 ans, décède de ses blessures à Montbéliard.
1er janvier 1945 : la 3e compagnie perd, à Kembs, Georges Berthet, 20 ans, Roger Busson, l'adjudant Pierre Fayle, 30 ans, Georges Fety, 23 ans. C'est au pied du calvaire entre le village et le Rhin que Daniel Carlier (2e compagnie), 22 ans, est tué par un obus. Le ministère des Armées cite également, parmi les victimes, Marcel Boyer, 32 ans, ainsi que le caporal Louis Richard (CHR), 46 ans, mort le 3 janvier 1945 de ses blessures.
4 janvier 1945 : l'ennemi lance une grosse attaque à Kembs. Elle est l'oeuvre, selon le lieutenant-colonel Moillard, d'élèves officiers d'une école de cadres de Colmar. C'est un échec pour les Allemands, mais il y a un tué et deux blessés à la Brigade légère du Languedoc. Le 19e BCP déplore des pertes plus lourdes encore. La 2e compagnie a perdu cinq tués : Claude Wallaert, 23 ans, Jacques Marteau, 20 ans, Pierre Gaucher, 19 ans, Jean-Claude Bourgeois, 22 ans, le lieutenant Pierre d'Elbée, 31 ans (c'est un neveu du général Leclerc, qui servait dans un maquis de l'Yonne). La CA compte six blessés dont l'aspirant Henri Colombel. Le site Mémoire des Hommes mentionne d'autres noms de victimes, non confirmées - à l'exception de Castel - par l'historique du bataillon : Jules Canaple, 43 ans, Paul Castel (1ère compagnie), 30 ans, Jean Delacour, 34 ans, Gabriel Thiry, 37 ans, Jean Tison, 37 ans, Lucien Willemain, 39 ans.

Toujours en position dans ce secteur sur le Rhin durant la bataille de Colmar, le 19e BCP ne passe à l'offensive que le 8 février 1945, les 1ère et 3e compagnies se portant sur Niffer qui est occupé. Une journée encore marquée par des pertes. 
Les mines, les tirs d'artillerie coûtent la vie à Roger Desprez, 25 ans, et Maurice Rousseau (1ère compagnie), au sergent-chef Robert Beillot, 36 ans, à Gérard Bianquis, 21 ans, et Lucien Lalloz, 39 ans (3e compagnie). Mais les chasseurs, qui ont déploré, la veille, la mort à Kembs de Bernard Piketty (2e compagnie), 20 ans, atteignent, eux aussi, leur objectif. Les jours suivants, meurent François Rutili (1ère compagnie), 22 ans, à Altkirch, Ernest Etienne, 21 ans, à Montbéliard, Etienne Compant (2e compagnie).

Au total, près d'une trentaine de victimes ont été déplorées en Alsace par le bataillon, qui s'illustrera ensuite lors de la Campagne d'Allemagne, après avoir reçu des renforts du bataillon 105/22, dit Kléber.

5 avril 1945 : relève du 2e BCP dans le quartier de Plobsheim.
16 avril 1945 : à 4 h, le bataillon commence à passer le Rhin sur des portières, devant Kehl.
17 avril 1945 : au lendemain de son entrée en Allemagne, le 19e BCP attaque Oberlich. Le soir, après 10 km de marche et de combat, les chasseurs s'installent pour la nuit sur les positions conquises. Il a subi de lourdes pertes à Nusbach : Joseph Champenois, 20 ans, Georges Drean, 24 ans, Paul Fabre, 24 ans, y ont été tués, Raymond Cure, 18 ans, est mort à Baden Baden. C'est durant ces opérations, précise le général de Lattre, que le bataillon s'empare, à Maisenbuhl, des casemates de canons de 210 qui bombardaient Strasbourg et qui ont été détruits.
20 avril 1945 : mouvement sur Constance. Une compagnie et un escadron de spahis occupent Schwenningen, où le 19e BCP perd trois tués : Georges Boiron, 19 ans, Philippe Janvier, 20 ans, Jean Gillard, 32 ans.
21 avril 1945 : le groupement Lebel franchit le Danube à Donaueschingen, une résistance est rencontrée à la sortie de Behla, "17 gradés et chasseurs de la 2e compagnie tombent en quelques minutes", note le lieutenant-colonel Moillard.
23 avril 1945 : la 1ère compagnie est éprouvée à Stetten. Elle perd quatre tués : Michel Bachelet, 18 ans, Raymond Chartrain, 18 ans, Jacques de Tournemine, 18 ans, Paul Mouton, 19 ans. Un autre chasseur André Carrouée, 23 ans, meurt à Engen.
24 avril 1945 : attaque de Singlen.
25 avril 1945 : prise de Radolfzell.
26 avril 1945 : Constance est atteint.

Sources : discours du colonel Moillard à l'Ecole militaire, le 27 avril 1947, et historique du 19e BCP, GR 12 P 30, SHD.

vendredi 8 mai 2015

Un chef de bataillon de 24 ans, René Coustellier ("Soleil")

En ce 70e anniversaire de l'anniversaire de la capitulation de l'Allemagne, il nous paraît opportun de rappeler que l'un des derniers officiers supérieurs français de cette période témoigne toujours, à l'âge de 95 ans. René Coustellier, alias "Soleil", était, en 1944, colonel du 4e régiment de francs-tireurs et partisans français de la Dordogne, affecté sur le front de La Rochelle, puis chef du 3e bataillon du 108e régiment d'infanterie. Il n'avait que 24 ans ! Pour le jeune officier, l'ultime semaine de combats de la Deuxième Guerre mondiale n'a pas été une partie de plaisir. Le 2 mai 1945, avec le 2e bataillon du 125e RI (FFI de la Vienne), le 108e RI du lieutenant-colonel Bousquet a occupé la commune d'Aigrefeuille. Le 7 mai, le bataillon Coustellier s'est installé à Forges, sous un bombardement. Le lendemain, il perd seize blessés lors de ces ultimes combats sur le sol français. Le 9 mai, les anciens FFI de Dordogne entrent dans La Rochelle, l'une des dernières villes françaises libérées. René Coustellier est l'auteur d'un ouvrage fort instructif, "Le groupe Soleil dans la Résistance", publié en 1998 par les éditions Fanlac.