jeudi 21 novembre 2024

26 novembre 1944. Les Auvergnats au combat aux portes de l'Alsace (1)


 Le général de Gaulle remettant le drapeau du 152e RI au lieutenant-colonel Marcel Colliou.

Extrait du livre "Les volontaires de l'an 1944", Lionel Fontaine, 2021.

"Dans la zone d'opérations du corps Béthouart, à la frontière entre le Territoire de Belfort et le Haut-Rhin, le matin du 26 novembre 1944 est le moment choisi par le général Wiese pour contre-attaquer à nouveau. Galfingue est l'objet de furieux combats mais reste aux mains des Français. Heimbsbrunn tombe finalement. Mais c'est à la centrale électrique entre Courtelevant et Seppois-le-Bas, à l'exacte limite entre la Franche-Comté et l'Alsace, que la journée va être rude.

    Après la blessure du capitaine Thébaut, le lieutenant André Ravel vient de prendre le commandement de la 3e compagnie du I/152e RI, dont un infirmier, Chambon, est porté disparu depuis la veille en voulant rechercher le corps d'un volontaire tué, Robert Galmiche, 19 ans.

    Il est 7 h, lorsque trois Allemands se présentent devant les volontaires auvergnats pour se constituer prisonniers. Ils révèlent que dans trois-quarts d'heure, l'ennemi va lancer une attaque, "appuyée par trois chars Tiger et plusieurs pièces d'artillerie" précise le journal de marche de l'unité.

    Pour les I et III/152e RI, il n'est plus question de dégager l'axe Courtelevant - Seppois comme ils en avaient reçu l'ordre. Mais de se placer en position défensive. Les premières pertes du régiment sont dues à des obus amis, à l'heure où était attendue l'attaque allemande : deux blessés à cause d'un tir trop court.

    A 8 h, c'est l'ennemi qui ouvre le feu, d'abord sur la 9e compagnie et sur l'aile droite du I/152e, puis aux abords de la centrale électrique. La préparation durera jusqu'à 9 h 1, et il y a déjà des pertes. Le commandant de la 2e compagnie, le capitaine Lucien Chainas, trouve la mort, à l'âge de 37 ans, le capitaine Henri Tardivat est sérieusement blessé.

    Bientôt, c'est l'assaut, exécuté par deux bataillons de la 198. Infanterie-Division, trois blindés Ferdinand, appuyés par douze pièces d'artillerie de 88 et 150.

    Avec les feux de quatre mitrailleuses de la CA 1, la 3e section de la 3e compagnie empêche les Allemands de franchir la Suarcine. Ces derniers s'abritent derrière le fossé Est de la route d'Ueberstrass et, par leurs tirs, rendent inutilisable une mitrailleuse et blessent grièvement le soldat Splett dit Joseph.

    A 9 h 45, les Allemands atteignent la route de Seppois et s'élancent à l'attaque du transformateur, qui est le PC de la 3e compagnie. Ses hommes se replient le long de la route Seppois - Courtelevant, mais leur chef, le lieutenant Ravel, est mortellement blessé à 100 m de l'installation. Le lieutenant Chastel lui succédera à la tête de la "3", qui perd aussi le caporal-chef Pierre Chaillet, 21 ans.

    Au III/152e RI (commandant Cosson), rend compte le lieutenant-colonel Colliou, "la 9e compagnie [...] dont la gauche est à 200 m environ de la centrale électrique est violemment accrochée. Un très dur combat s'engage. Une section de la compagnie est presque anéantie." Avant midi, le bataillon et la compagnie anti-chars auront déjà déploré la mort de treize soldats, la blessure de 61 hommes, ainsi que sept disparus.

    La 2e compagnie du I/152e RI est dite "compagnie nord-africaine" - elle est en effet issue du Bataillon Chouan -, et c'est une de ses sections, assurant la liaison entre le I/152 du commandant Mairal et le III/152, qui est prise à partie par un char Ferdinand débouchant de la route d'Ueberstrass. Les homme de feu le capitaine Chainas épuisent presque toutes leurs munitions, se replient et s'installent défensivement à la lisière des bois, à 400 m au sud de la centrale. Quant au blindé ennemi, il sera détruit par un tank-destroyer du 2e régiment de dragons, en appui sur la route de Courtelevant.

    L'axe est donc à nouveau coupé, la centrale perdue. Tandis que la 1ère compagnie du 1er bataillon de chasseurs à pied (Groupe mobile d'Alsace), nouveau venu dans le secteur, est poussée en renfort de Seppois jusqu'au III/152e RI, le colonel Voillemin, commandant le 23e RIC, décide à 11 h 45 de lancer une attaque avec le 2e bataillon du 9e régiment de zouaves. Préparation d'artillerie à 14 h, déclenchement de l'action à 15 h 30. L'affaire est rondement menée. "A 17 h 10, précise le lieutenant-colonel Marcel Colliou, la centrale électrique est enlevée. Le 3e bataillon réoccupe la route Courtelevant - Seppois et établit son contact avec le 1er bataillon". Poursuivant l'ennemi en repli le long de la Suarcine, la 3e compagnie "va prendre position au nord du bois Saint-jean à la limite de la route Lepuix - Friesen", indique le JMO de cette unité.

    Les pertes ont été lourdes, notamment au 1er bataillon qui déplore 18 tués, dont deux officiers et l'adjudant-chef Eugène Sarron (3e compagnie), cinq disparus (Murat, Barbat, Chambon, Marchal et Graspet) et 51 blessés, dont le capitaine Tardivat, le médecin-lieutenant Victor Chardon (CB) et le sous-lieutenant  Fauconnier (CA). Parmi les morts du bataillon, Mohamed ben Djelloul a été exécuté, Julien Chrzanowsky avait  18 ans, Marcel Marchand, 17 ans, Claude Berçot, de Valentigney (Doubs), 16 ans et demi...

    De son côté, la CAC du régiment, qui est l'ancienne compagnie Lulu ou 1ère compagnie du Groupe Lafayette, commandée par les capitaines Lucien Volle et Jean Krest, a subi également des pertes sensibles, dont Louis Argiolas (Marius), 19 ans, un des évadés de la prison du Puy, et Marcel Fourneyron." (A suivre).