Le
6 décembre 1944, un ordre de l'état-major général de la Guerre
prescrit la mise sur pied «sans délai» du 81e régiment
d'infanterie avec les volontaires de l'Aude, afin d'être prêt à
rejoindre la 1ère armée française à partir du 12 décembre. Un
ordre que le colonel «Carrel», de son vrai nom Gilbert de Chambrun,
chef des FFI de la Région 3 (Montpellier), accueille avec «joie»,
ainsi qu'il l'exprime deux jours plus tard au général
Malleret-Joinville.
C'est
le 16 décembre que le régiment sera officiellement créé. Selon
des renseignements communiqués à la 1ère armée française par le
commandant Georges et le capitaine Arribaut, de l'état-major du
régiment, le 1er bataillon, à Narbonne, est commandé par le
capitaine «Franck», 29 ans (Lucien Maury, chef du maquis de
Picaussel), le 2e, à Carcassonne, par le commandant Maurice Allaux
(issu de Picaussel, lui aussi), et le 3e (bataillon Myriel), à
Castelnaudary, par le commandant «Jean-Louis» (le jeune officier
FTP Victor Meyer, 25 ans, chef du maquis Jean-Robert). Chambrun
n'ayant que 35 ans, le régiment est donc encadré par de jeunes
officiers supérieurs,
Pour
renaître, le régiment a incorporé initialement les volontaires du
bataillon Minervois du capitaine René Piquemal (II/81e), créé le
1er septembre 1944, du maquis de Picaussel (I/81e, complété par le
maquis Aulnat et le Corps-franc Lorraine) et du bataillon Myriel
(III/81e).
Au
total, le 81e RI compte 102 officiers et 2 428 sous-officiers et
hommes de troupe, dotés de 1 000 casques français «complets» et 1
000 autres «sans coiffe».
Prêt
à être enlevé le 20 décembre 1944 au matin, le 81e part le 23 de
Carcassonne et arrive à Bouclans (Doubs) dans la zone de la 1ère
armée. Déception chez les militaires : il manque environ 700
hommes, écrit le ministre de la Guerre au général commandant la
16e région militaire.
Le
81e RI sera d'abord renforcé par 17 officiers et 400 hommes du
«Bataillon de volontaires de l'Hérault», en attendant d'autres
incorporations en février et mars 1945 : des éléments de la 4e
compagnie du 5e bataillon de l'Aveyron dans la 11e compagnie, des
éléments du 5e bataillon de l'Aveyron dans la 10e, des éléments
des 4307e et 4309e compagnies FTP dans la 9e, des éléments de la
CCB du 2e bataillon de l'Aude dans la CB 3, de la 4e compagnie
Minervois (sic) dans la 8e...
L'encadrement
du régiment sera le suivant.
Chef
de corps : colonel Gilbert de Chambrun («Carrel») puis
lieutenant-colonel Pierre Gauvin (à compter du 1er mars 1945)
Adjoint
: lieutenant-colonel Henri Bousquet, 41 ans
Chef
d'état-major : commandant Georges Bonfils
Chef
d'état-major adjoint : capitaine David
Compagnie
hors rang, lieutenant Thomas Urgelles
1er
bataillon : capitaine Lucien Maury puis commandant Christian Ducrest
de Villeneuve
.
CB, lieutenant Georges Armengaud
.
1ère compagnie, lieutenant Jean Argence
.
2e compagnie, capitaine (puis lieutenant) Jean Girves (chef du maquis
La Tourette)
.
3e compagnie, lieutenant Pierre Gruson
.
4e compagnie, lieutenant Denis Pacouil
2e
bataillon : commandant Maurice Allaux
.
CB, capitaine René Gayraud
.
5e compagnie, capitaine René Piquemal
.
6e compagnie, lieutenant Jean Trilles
.
7e compagnie, lieutenant Michel Barraza
.
8e compagnie, capitaine Azalbert
3e
bataillon, commandant Victor Meyer puis commandant Raymond Fournier
(«Charles») puis commandant Louis Lemagny.
.
CB, lieutenant Jean Hippolyte puis capitaine François
.
9e compagnie, capitaine Henri Chadal
.
10e compagnie, capitaine Maurice Landeau
.
11e compagnie, capitaine Joseph Mach (tué le 11 mars 1945) puis
capitaine V. Meyer (14 mars).
.
12e compagnie, lieutenant Adolphe Gomez.
Le régiment assure d'abord la
garde du Rhin entre Niffer et Huningue, éprouvant déjà plusieurs
pertes :
. René Pasquetto (Aude), 17 ans,
ancien du maquis de Picaussel, meurt à Magstatt-le-Haut, en service
commandé, le 15 janvier 1945,
. Edmond Eychenne (Aude), 27 ans
et issu du même maquis, décède le 25 janvier à l'usine de Kembs.
. Charles Nozières (Aude), 22
ans, est tué le 4 février 1945 (par balle) ;
. Jean-Baptiste Assens (ancien de
Picaussel), 39 ans, originaire de l'Aude, meurt le 12 février à
Niffer (par éclats de mortier) ;
. Antonin Arnaud (à priori
lieutenant FFI au maquis de Picaussel), 21 ans, de Lunel, le 16
février, à Niffer ;
. Roger Lacroix (maquis de
Picaussel), Carcassonnais de 21 ans, le 17 à Mulhouse...
Le 20 février, on confie au
régiment la garde du sous-secteur d'Erstein, au sud de Strasbourg,
et dès sa première nuit de position, il repousse un coup de main
allemand le long du Rhin. Le 1er mars, il passe sous le commandement
du lieutenant-colonel Gauvin, venu du 6e régiment d'infanterie
coloniale. Il enregistre encore plusieurs pertes :
. à Gerstheim, le Tonkinois Ngo
Su (maquis de Picaussel), est tué le 10 mars (par balle), et
Jean-Louis Bourdel (maquis de Picaussel), 29 ans, de l'Aude, le 30
mars (éclat de mortier) ;
. René Verdier, 18 ans, de
l'Aude, le 5 avril à Fort-Louis.
Rattaché à la 9e DIC, le
régiment participe rapidement à la Campagne d'Allemagne. Le 5 avril
1945, ayant été relevé par les Auvergnats du 152e RI, le I/81e RI,
passant le Rhin à Leimersheim, entre en Allemagne. Le 7, Jean
Mollier (maquis de Picaussel), 24 ans, du Doubs, est tué à
Karlsruhe (par balle), où le régiment s'est porté.
Les
11 et 12 avril, il participe aux opérations conduisant à la
conquête de Rastatt. Le lieutenant-colonel Gauvin est à la tête
d'un groupement, qui comprend également le I/126e RI (volontaires de
Dordogne et Corrèze) et le I/6e RIC. Un autre régiment de la 9e
DIC, le 21e RIC, est engagé. Les combats sont âpres. Un
compte-rendu d'opérations, à la date du 11 avril, rapporte : «Le
groupement (…) s'est heurté aux défenses extérieures de Rastatt
bien défendu. Le I/81e RI au centre est fixé par des résistances
ennemies nombreuses et actives dans les faubourgs Est... Au sud par
contre, utilisant le pont sauté de Niederbuhl, le I/126e RI a pris
pied sur la rive gauche de la Murg et à Niederbuhl». Le I/81e
(commandant du Crest de Villeneuve) déplore deux tués et 18 blessés
(dont un officier), le I/126e (commandant Poumarède), un tué, huit
blessés dont un officier. Le lendemain, le I/126e, qui a débordé
la ville par Niederbuhl et par le sud, tient la partie Sud de
Rastatt, le I/81e qui a attaqué frontalement, occupe la gare, la
fabrique et les faubourgs Est. Le bataillon a perdu cinq tués et 22
blessés, le I/126e deux tués et 23 blessés, le I/6e RIC deux tués
et onze blessés.
C'est
à Gauvin que le colonel
von Vriesberg, commandant la garnison de Rastatt, se rend. Le
groupement revendiquera la capture d'un colonel, un commandant, sept
officiers subalternes, 816 soldats et Volksturm, ainsi que 74 civils
«ayant fait le coup de feu».
Parmi
les victimes de ces deux jours de combat, tous anciens du maquis de
Picaussel, citons le soldat Dominique Perez, 23 ans, né en Espagne,
tué le 12 avril à Ruental, Aubin Bouissière, 21 ans, natif de
l'Hérault, André Llana, Audois de 22 ans, mort le même jour à
Rastatt, André Courrieu, 17 ans, le 11 avril à Ruental. Citons
encore le caporal-chef Antonin Taurant, tué devant la fabrique.
L'Italien d'origine Thomas Rossi, 22
ans (à Karlsruhe), et le Roumain Alexandre London (maquis de
Picaussel), 23 ans, meurent
le 12 avril des suites de leurs blessures.
Seront cités, pour leur
conduite, l'aspirant Antoine Berges, le sous-lieutenant Gabriel
Garcia, le sous-lieutenant Juste Tatin, chefs de section, et le
capitaine Maury.
Le 18 avril, deux bataillons
pénètrent dans la vallée de la Kinzig. Le régiment va alors
enregistrer d'autres pertes. Issus du maquis de Picaussel, le sergent
Roger Salacruch, 21 ans, de Gruissan, et le sergent-chef Pierre
Hequet, chef de section, sont mortellement blessés le 20 avril à
Hofstetten. Les 21 et 22, il déplore deux tués et huit blessés,
contre une soixantaine de prisonniers. Toujours le 21, Albert
Tisseyre (maquis de Picaussel), Audois de 20 ans, décède à
Strasbourg...
Au 27 avril, le PC est à
Fribourg, avec le I/81e RI, le III/81e RI assure la sécurité dans
la haute vallée du Rhin et la surveillance de la frontière suisse,
le II/81e est chargé de la sécurité de l'axe Fribourg-Neustadt. Le
lieutenant-colonel Bousquet est commandant d'armes de Lorrach. De
nouvelles pertes sont enregistrées avant et même après la
capitulation nazie :
.
Vincent Ortuno, du Gard, 30 ans, le 29 avril, à Waldau ;
. Louis Barrot (maquis de
Picaussel), 24 ans, le 2 mai à Colmar (maladie) ;
. Camille Bouche, 19 ans, de
l'Ariège, le 3 mai, en Allemagne (des suites de blessures de guerre)
;
. Daniel Bonnaure (maquis de
Picaussel), de l'Aude, du I/81e, le 9 mai à Mulheim (par rafale de
mitraillette).
Sources principales : dossier du 81e RI, Service historique de la Défense, Vincennes ; site Mémoire des hommes ; bulletins de l'association Rhin-et-Danube.
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