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| (Photo parue dans l'ouvrage de René Pacaut). |
Chef de corps : commandant Roger Daumont (Hurepoix).
Formé en septembre 1944 par les maquis du Louhannais (Saône-et-Loire), totalisant 28 officiers, 47 sous-officiers et 580 hommes au 15 novembre 1944, le bataillon rend les honneurs au général de Gaulle le 23 octobre 1944, puis défile à Paris le 11 novembre 1944.
27 novembre 1944. Le 2e bataillon de chasseurs à pied, destiné à être attaché à la 1ère division blindée, est arrivé depuis deux jours en Alsace, établissant son PC à Landser. A l'origine, le 2e BCP, où les capitaines Pierre Bullier et André Marguenaux sont les adjoints au chef de corps, se compose de trois compagnies : la 1ère du lieutenant Roger François, la 2e du lieutenant Arthur Lavallée (Maury) et la 3e du lieutenant Robert Demesy (Comtois). Puis l'organisation a été complétée par la création d'une CA, avec le renfort de trois officiers et d'une centaine de FFI d'Autun le 21 novembre 1944, et confiée au capitaine René Vichot. Enfin, la CCB est commandée par le lieutenant Goy (Robert), qui sera versé dans l'artillerie, puis par le lieutenant Trontain (Louis). Partie de Mervans (Saône-et-Loire) le 22 novembre 1944, la 3e compagnie (Demesy) vient de relever une unité de zouaves portés devant Schliembach. Mais c'est la 2e compagnie (lieutenant Lavallée) qui, la veille, a poussé jusqu'à la rive gauche du Rhin et qui, ce 27 novembre 1944, subit les premières pertes du bataillon. Dans la forêt de la Hardt, en effet, près du carrefour 247, le chasseur André Galoustoff, 18 ans, est tué, et le chasseur Pierre Barrault, mortellement blessé à l'occasion d'une patrouille.
28 novembre 1944. Le 2e BCP passe à son tour à l'action dans la forêt de la Hardt. A 14 h 30, ces FFI de Saône-et-Loire prennent le carrefour 243, au prix de quatre ou cinq tués : le sergent-chef Maurice Rouzier, les sergents Robert Drapier et Guy Penon, le chasseur Emile Journeaux. Une douzaine d'hommes ont été blessés, dont le chasseur Jeugniot, mais une vingtaine de prisonniers ont été faits.
29 novembre 1944. Les lisières Est de la Hardt sont atteintes. Relevé par la 9e DIC, le 2e BCP gagne l'agglomération de Mulhouse. Il va y défendre le Faubourg de Colmar, perdant plusieurs cadres et hommes : l'adjudant Marcel Maire, chef de la section de commandement de la 3e compagnie, et Michel Merlin, au cours d'une reconnaissance au-delà de la Doller, sur Illzack, le 7 décembre 1944 ; le sous-lieutenant André Desvignes, dit Dumoulin, chef de la section d'éclaireurs motocyclistes, le 12 décembre 1944 à Mulhouse.
15 décembre 1944. Un obus de 155 explose à Mulhouse où le 2e BCP défend le Faubourg de Colmar. Sont tués Claude Brongniart, Louis Donolo, Georges Flatot, Gabriel Roux, Marcel Tricot. René Pacaut cite également le nom de Raymond Veaux.
18 décembre 1944. Le 2e BCP est relevé dans la nuit du 18 au 19 par le 6e RTM.
23 décembre 1944. Mis à disposition de la 1ère DB, le 2e BCP gagne Burnhaupt-le Bas et va défendre le sous-quartier de Hauserwald et du Petit Hegelen, face au couvent d'Oelenberg et aux lisières Sud de la forêt de Nonnenbruch.
La bataille de Colmar
20 janvier 1945. Le bataillon appartient à un groupement formé avec le 152e RI, à la charnière entre la 2e DIM et la 9e DIC, et il a pour objectif le couvent d’Oelenberg. Il a également pour mission, complète le journal de marche du bataillon, de « pénétrer dans la forêt de Nonnenbruch et border la route de Mulhouse-Thann, dans la région Sud de la Cité Else ».Voilà plusieurs semaines que la 1ère armée française projette d’enlever ces bâtiments situés près de Reiningue. L'opération avait été initialement envisagée mi-décembre 1944. Ce sera donc le 20 janvier 1945. Mais les conditions climatiques seront dantesques. Pour autant, dans ce bataillon qui est appuyé par un peloton de Sherman et un groupe de 155, le moral est bon. « Extraordinaire », même, écrira le chef de bataillon Roger Daumont. « Jamais, durant ma carrière, je n’ai vu des hommes animés d’un tel esprit », assure l’officier.
Il aura bien besoin de cette volonté combative, car Daumont se sent « complètement isolé », en raison notamment des difficultés de transmissions. Pis, lorsque la préparation d’artillerie est déclenchée à 7 h 15, il constatera que bien peu de salves ont atteint l’objectif. A peine les tirs ont-ils débuté que le groupe franc, commandé par le sous-lieutenant Joseph Nau - un maréchal des logis-chef de la Garde âgé de 32 ans -, commence à s’approcher du couvent. La 3e compagnie le suit. « A 7 h 55, fin officielle d’une préparation qui n’a pas eu lieu », note, amer, le commandant Daumont.
C'est bientôt l'enfer pour les chasseurs du Louhannais, et notamment à cause des mines « malheureusement recouvertes par de récentes couches de neige » (JMO). Le cahier de marche de la compagnie Demesy rend compte : « Le peloton léger commandé par le sous-lieutenant Nau parvient à l'enceinte extérieure (palissade en bois) du couvent sans recevoir un coup de feu. Mais, dès la brèche pratiquée dans cette enceinte, des hommes sautent sur des mines... La palissade est quand même franchie […] Alors, un feu nourri d'armes automatiques empêche leur progression. » Un des premiers, « le sous-lieutenant Nau est tué à bout portant alors qu'il venait de commander l'assaut à sa section », précise le JMO du bataillon.
Progressant par le lit du ruisseau, suivie par le groupe de panzerfaust conduit par le lieutenant Demesy, la 1ère section du lieutenant Louis Charvot, composée des groupes du sergent Jean Monange, du sergent Clovis Chanussot et du caporal-chef Henri Thomas, passe également la palissade, afin d'aller détruire un poste de transmissions. « Mais le feu violent des armes automatiques fauche les hommes. C'est alors que le lieutenant Charvot saute sur une mine. De nombreux hommes sont blessés ; le chasseur Lance est tué. » Natif de Besançon, Léon Lance n'avait que 19 ans. Egalement touché, le chasseur Henri Millière est porté sur son dos par le sergent Monange, tandis que le sergent-chef Roger Tissot se dévoue pour ramener les tués, provisoirement laissés sur le terrain. Parmi les blessés de la section (Curau, Bourcet, Lefebvre...), un chasseur « ayant sauté sur une mine voit son pied coupé un peu plus haut que la cheville... Il se fait lui-même son garrot et arrachant son pied qui ne tenait que par un lambeau de chair à sa jambe, il le jette en disant : "Courage, on les aura". Puis, les chasseurs Laurent, Flament, blessés par des balles sont laissés sur le terrain, le lieutenant Charvot tué sur une mine, les chasseurs Duty, Bougaud, Thibaud et le caporal Pichet... »
Le repli par le ruisseau doit être ordonné, et un nouveau tir d’artillerie français va être exécuté sur les bâtiments Sud du couvent. Mais il se révèle inefficace. Pour le chef de bataillon Daumont, l’attaque est un échec. C’est ce dont il rend compte au colonel Colliou, chef de corps du 152e RI, à 8 h 45. Si un nouvel assaut doit être tenté, estime l'officier de chasseurs, c’est à la condition de bénéficier d’une préparation d’artillerie réellement efficace, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. « A 9 h 15, écrit le commandant Daumont, les derniers chasseurs valides rejoignent le Brunnmatlein, au moment où les Allemands avec des mortiers à six tubes commencent à arroser la région du PC et la clairière immédiatement au sud du bois. » Le médecin auxiliaire du 2e BCP, Robert Mauchaussée, est tué, plusieurs servants de mortiers de 152e RI sont mis hors de combat.
Il y a des pertes, également, et elles sont lourdes, à la section de l'adjudant Joseph Magnenot de la 3e compagnie, qui a été prise à partie par un groupe d’Allemands à proximité d’une porcherie. Ayant passé la Doller sur une passerelle que les hommes ont jetée, Magnenot, avec le groupe franc du sergent André Allamando, les groupes du caporal-chef Joseph Wyns et du caporal-chef Guidard, avait notamment pour mission de réduire au silence un mortier du couvent. Mais la riposte allemande a été meurtrière. « Le chasseur Coenart qui s'était déplacé un peu sur la gauche reçoit une balle explosive qui lui coupe deux doigts, rapporte le cahier de marche de la compagnie. Le chasseur Cordier, tireur du FM, tente de franchir le portail mais est tué net. » Après la mort de Marcel Cordier, 22 ans, le repli doit être également ordonné jusqu'à un talus. Mais Deloye est blessé, Robert Loiseau est tué à son FM, puis Michel Kuntzmann qui lui a succédé, et encore Roger Clerc, autre tireur au fusil mitrailleur. La position sur le talus n'est plus tenable. Nouveau repli, au cours duquel Communal, Curto, Deloye (pour la seconde fois) sont touchés. Si les chasseurs ont pu ramener les corps de Kuntzmann et Loiseau, celui de Clerc doit être laissé sur le terrain.
Après l’évacuation des blessés, dont plusieurs, grièvement atteints, avaient pu être ramenés de l’intérieur du couvent par leurs camarades, le bataillon est regroupé au moulin de la Hardt. Afin d'atteindre un de ses objectifs – la route Mulhouse–Thann -, par une action de débordement par l'Ouest, Daumont met en route son bataillon depuis ce point. « Il franchit aux premières heures de l'après-midi la lisière Nord du Hauserwald, appuyé par une section de Médium qui, malheureusement, ne peuvent franchir le Barenbach, petite rivière encaissée », rend compte le journal de marche. Ayant perdu un chasseur de la 1ère compagnie prise sous le feu d'armes automatiques, le 2e BCP parvient aux lisières de la forêt de Nonnenbruch, à la nuit tombante. « Une tempête de neige fait rage depuis quelque temps et on doit évacuer les premiers gelés », rapporte le commandant Daumont dont les hommes se dirigent ensuite, à travers bois, vers le carrefour de la route Mulhouse-Thann et de la route de Reiningue. Là, il y a un pavillon de chasse, tenu par l’ennemi. Accompagné du chasseur Marcel Jouffre, de la 2e compagnie, le sous-lieutenant Joly part reconnaître ses abords. Tous deux sont mortellement blessés par le tir d’une arme automatique. Ce sont les ultimes pertes, en cette journée très éprouvante, du bataillon qui, « isolé à l'intérieur du dispositif ennemi » (JMO), va passer la nuit, par - 20°C, en forêt, sur un point d'appui circulaire, vers le carrefour 268,5.
Quatre officiers – le lieutenant Louis Charvot, les sous-lieutenants Joseph Nau et Roger Joly, le médecin auxiliaire Robert Mauchaussée -, une dizaine de chasseurs auront perdu la vie. Parmi eux, note le journal de marche, « le chasseur Barnhoorn, un jeune Hollandais engagé à l'âge de 18 ans, frappé au cœur », est tombé « en criant "Vive la France". » « Sur 60 hommes composant la première vague d’assaut, plus de 30 sont tués ou blessés grièvement, dont deux officiers très grièvement », précise le commandant Daumont. « On découvre la souffrance, la rage, la fatigue, l'épuisement dans les traits tirés de visages, dans la flamme des regards, témoigne le journal de la 3e compagnie. Et il neige... Il neige toujours. Le sol est maintenant couvert d'au moins 20 cm... » Une question se pose : que sont devenus Duty, Bougaud, Thibaut, le caporal Pichet, laissés dans le couvent ?
Les tués du bataillon (hors officiers) : Johannes Barnhoorn, 18 ans, Roger Borgeot, 22 ans (mort le 24 janvier 1945), Paul Burtin, 20 ans, Eugène Charlot, 22 ans (pris en charge par le Groupe sanitaire de Toulouse, il est décédé le 23 janvier 1945 à Altkirch), Roger Clerc, 21 ans, Sylvain Cloix, 23 ans, Marcel Cordier, 22 ans, Gaston Couillerot, 20 ans, Paul Godard, 19 ans (mort le 22 janvier 1945), Gilbert Jacquot, René Jacquot, 21 ans, Marcel Jouffre, 20 ans, Michel Kuntzmann, 22 ans, Léon Lance, 19 ans, Robert Loiseau, 24 ans, Henri Millière, 20 ans, Louis Reboulet, 20 ans (décédé le 21 janvier 1945), André Reteau, 20 ans, Robert Thibaut, 19 ans, Pierre Trésorier, 20 ans, Paul Delay, 21 ans.
22 janvier 1945. Le 8e RTM prend enfin, facilement, le couvent d'Oelenberg, que l'ennemi a évacué. Cela permet aux chasseurs du commandant Daumont de retrouver les disparus de l'avant-veille, Duty, Bougaud, le caporal Pichet, qui avaient été soignés par des moines. Seul Thibaut manque à l'appel (il n'a pas survécu). Autre mauvaise nouvelle pour les hommes du lieutenant Demesy : « Nous apprenons la mort du chasseur Delay à l'hôpital d'Alkirch. Il y avait huit jours qu'il était marié. Sa femme était au bataillon comme dactylo. »
23 janvier 1945. Eprouvé par les combats du couvent d'Oelenberg, le 2e BCP quitte ses positions. « Il reste environ 50 hommes valides, note le journal de marche, les autres étant soit blessés par les tirs de l'artillerie ennemie, soit exténués par le froid. » Les opérations de Colmar lui ont coûté 26 tués, une centaine de blessés, 40 évacués pour pieds gelés. « Les morts et les blessés sont emmenés dans des couvertures, portées par des camarades plus heureux qu'eux qui, spontanément, chantent la Sidi-Brahim ».
Meurtri, le 2e BCP est renforcé, le 30 janvier 1945, par deux sections d'un bataillon FFI de Savoie et une section d'un bataillon parisien.
14 février 1945 : Marcel Cordier, 20 ans, est tué par un tireur allemand dans le quartier de Petit-Landau où le 2e BCP est en ligne du 12 au 20 février 1945.
2 avril 1945 : remonté en ligne le 30 mars 1945 dans le quartier de Plobsheim, le 2e BCP, désormais intégré dans la 14e division d'infanterie (3e demi-brigade de chasseurs), perd deux tués dans un accrochage avec des Allemands ayant passé le Rhin, le sergent Jean Liebgott, et le chasseur René Moscatelli. Il sera relevé trois jours plus tard par le 19e BCP.
8 avril 1945. Entré en Allemagne le 8 avril 1945, pour être mis à Landau à la disposition du général commandant la zone des étapes, le 2e BCP passe le Rhin face à Karlsruhe. Il se porte sur Rastatt puis, le 3 mai 1945, descend via Donaueschingen pour participer à la fermeture de la frontière germano-suisse, de Wlechs-am-Randen à Eppenhofen. A la fin de la guerre, il aura perdu 52 tués..
Sources principales : Service historique de la Défense (Vincennes). Archives du 2e BCP. GR 12 P 28 - PACAUT (René), Maquis dans la plaine. De la Bresse à l'Alsace avec les résistants, FFI et chasseurs du 2e BCP, Le Hameau, 1974.

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