La cote 304, près de Verdun, est entrée dans la légende de la Première Guerre mondiale. Elle n'a pas eu d'équivalent, côté français, durant la seconde. Toutefois, la cote 475, entre Bourbach-le-Bas et Roderen, pourrait soutenir, toutes proportions gardées, la comparaison, tant elle a fait l'objet d'âpres combats, entre le 30 novembre et le 7 décembre 1944.
Une «croupe nue, exposée à tous les vents et à tous les tirs». C'est ainsi que le commandant Georges Vigan-Braquet, chef du Groupe de commandos du 2e corps, décrit cette hauteur traversée par la route départementale 35, reliant la vallée de la Doller à celle de la Thur, entre Bourbach-le-Bas et Roderen.
Le village de Bourbach-le-Bas a été occupé le 29 novembre 1944 par la 1ère division de marche d'infanterie, dans le cadre des combats de la poche de Burnhaupt. Après la prise de Masevaux, aux confins de l'Alsace et du Territoire-de-Belfort, les grandes unités du 2e corps essayaient de faire tomber Thann, au nord-est de Mulhouse qui, elle, a été libérée.
Les premiers FFI à faire connaissance avec Bourbach-le-Bas sont ceux du 11e régiment de cuirassiers, qui soutient depuis quelques jours les hommes du 1er régiment de fusiliers-marins. Mais ceux qui viennent s'y établir, le soir du 29 novembre 1944, appartiennent au Régiment de Bourgogne, régiment de FFI de Côte-d'Or aux ordres du commandant René Alison («Guy»). Le contexte : les troupes françaises n'ont pu progresser au-delà de Bourbach-le-Bas, stoppés par des barricades ou par des tirs d'automoteurs, que ce soit en direction de Rammersmatt ou de Roderen.
Le lendemain, 30 novembre, sera, pour elles, une journée noire. Déjà, toute la matinée, le 1er bataillon (capitaine Paul Loquin) du Régiment de Bourgogne, dont des éléments sont installés sur un versant de la cote 475, a été continuellement pris sous le feu ennemi. Il perdra deux commandants de compagnie, le capitaine Bernard Giraud (CA) et le capitaine Scipion Nasica (1ère compagnie), et au moins trois autres tués.
Mais c'est dans l'après-midi que la situation va se détériorer. Quand trois Jagdpanther et un Panther apparaissent sur la crête de 475. Les Allemands lancent en effet une contre-attaque. Elle survient au moment où le peloton du lieutenant René Hodin, du 6e régiment de chasseurs d'Afrique, avait reçu pour ordre de se diriger sur la forêt de l'Eichwald, pour relever le peloton Eblé du même régiment qui soutenait une opération de nettoyage de la 7e compagnie du II/Bourgogne et qui était à court de munitions. Or, Hodin arrive sur la cote 475, en pleine contre-attaque ! En quelques instants, les blindés ennemis incendient deux des Sherman du lieutenant Hodin, et touchent le troisième. Le peloton est décimé : le lieutenant Hodin, les brigadiers Paul Carrière et Jean-Marie Regnier, les chasseurs Jean Grollet, Camille Masson et André Tisserand sont morts ou si gravement brûlés qu'ils ne survivront pas.
C'est un autre peloton, mais appartenant lui au 8e régiment de chasseurs d'Afrique (qui soutient la 1ère DMI), qui intervient pour enrayer la contre-attaque. Les TD du lieutenant Ayoun parviennent à détruire deux des trois Jagdpanther, et à mettre en fuite le troisième.
Quant aux hommes du Régiment de Bourgogne, qui étaient installés sur 475, ils ont lâché prise, selon l'historique du 1er RFM : «Les fantassins (bataillon algérien du 4e RTM et FFI Bourgogne) affolés par la parution des chars refluent en désordre, officiers compris, dans Bourbach-le-Bas, et même sur les pentes de l'ouest du village, à l'exception d'une section du 4e RTM restée dans les bois au nord-ouest de 475». Il est vrai que le Régiment de Bourgogne a été bien éprouvé. La 7e compagnie et la CA du 2e bataillon, qui opéraient dans la forêt de l'Eichwald, ont, de leur côté, perdu 18 tués, dont trois officiers (les lieutenants René Mazzolini, Robert Eltrich, et le sous-lieutenant Pierre Jeanson), et un jeune Côte-d'Orien de 16 ans, Guy-Roger Boffy.
A peine entré en Alsace, le Régiment de marche Corrèze-Limousin, qui traversait Sentheim, reçoit l'ordre de se porter immédiatement sur Bourbach-le-Bas. Commandé par le lieutenant-colonel Vaujour («Hervé»), il est composé de deux bataillons également rattachés à la 2e DIM, pour l'un recruté parmi des Corréziens, pour le second avec des FFI de la Haute-Vienne. Le chef du II/RMCL, le commandant Gustave Lhermite, est chargé, à son tour, d'occuper la cote 475. Grâce au soutien de l'artillerie, les 6e et 7e compagnies parviennent à s'y accrocher, et à s'installer dans les trous pour y passer la nuit. Il fait froid, et c'est une neige mêlée de pluie qui tombe sur 475.
Les hommes du Régiment de Bourgogne n'ont pas été les seuls à être engagés, ce jour-là, dans la région. Sur leur gauche, leurs compatriotes du Bataillon de choc Bayard, appuyés par le Bataillon de choc et un escadron du 11e régiment de cuirassiers (FFI du Vercors), ont pu prendre le col du Hundsruck, sur la Route Joffre, entre Bourbach-le-Haut et Bitschwiller-lès-Thann. Au cours des combats, la 4e compagnie (capitaine Jean Ferry), mise sur pied à Sens, a perdu trois tués (les caporaux Albert Monneret et Gaston Bernard, le soldat Robert Fougereux).
Les FFI bourguignons vont passer la nuit sur ce col, et c'est durant cette même nuit du 30 novembre au 1er décembre que les Allemands vont de nouveau déclencher une offensive contre la cote 475. A la 6e compagnie du II/RMCL, la section de l'adjudant Delage, composée de volontaires de la région d'Ambazac, subit de lourds pertes, les survivants capturés après épuisement des munitions. Les hommes doivent se replier en direction de Bourbach-le-Bas. Selon un article paru dans le journal Rhin-et-Danube, Corrèze-Limousin a perdu 23 tués.
Le 2 décembre, après deux jours de repos consécutifs à la conquête de Masevaux, le Bataillon Janson de Sailly (FFI de Paris), dont le commandant Jean Berger a pris le commandement, vient se porter à son tour jusqu'au col du Hundsruck, où le capitaine Ferry, du Bataillon Bayard, est tué à l'assaut d'un piton. Le I/Bourgogne remonte également en ligne, au Hundsruck, sur le piton 681 et au-dessus de Bourbach-le-Haut.
Le lendemain, le Commando de Cluny, qui était cantonné à Belfort, arrive également dans le secteur de Bourbach-le-Bas, pour relever les hommes du RMCL. Ce jour-là, les volontaires de Saône-et-Loire sont chargés d'enlever 475. (A suivre).
Sources : Historique du 20e BCA, colonel Georges Vigan-Braquet, SHD ; «Le Régiment de Bourgogne», Gilles Hennequin ; «Le 2e Choc», Antoine Bechaux et Michel Lafuma, Editions France-Empire ; Journal Rhin-et-Danube ; JMO de régiments blindés de la 1ère armée française, site Internet chars-français.net ; JMO du 1er régiment de fusiliers-marins, site Internet du 11e régiment de cuirassiers.
Photo : le monument du Régiment de marche Corrèze-Limousin au pied de la cote 475. (Photo Lionel Fontaine).
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