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| Le Bataillon du Charollais sur la cote 475. Photo parue dans l'ouvrage "Le maquis de Beaubery et le Bataillon du Charollais". |
Unité FFI de Saône-et-Loire attachée à la 1ère armée française depuis le 7 septembre 1944, le 1er Bataillon du Charollais a été rudement éprouvé lors des combats entre Bourbach-le-Bas et Roderen, trois mois plus tard. Récit d'une âpre lutte en terre d'Alsace.
Le 1er Bataillon du Charollais s'est joint à l'armée B (1ère armée française) dès le 7 septembre 1944. Sous les ordres du capitaine puis commandant Olivier Ziegel (Claude), capitaine de réserve de 35 ans, docteur en droit, cette formation issue du maquis de Beaubery (Saône-et-Loire) a d'abord porté l'appellation de 4e Bataillon du Charollais. Elle se compose des compagnies de Charolles (capitaine Louis Naulin), de Matour (lieutenant Jean du Sordet), de La Clayette (lieutenant Paul Misbach), de Saint-Igny-de-Vers (commandant Joseph du Sordet) et de Beaubery (lieutenant Lucien Blavier). Le capitaine Robert Toussaint est l'adjudant-major du bataillon.
Attaché à la 1ère division blindée, le bataillon du Charollais quitte la Saône-et-Loire, traverse la Côte-d'Or, la Haute-Marne, puis il entre en Haute-Saône. Il subit ses premières pertes les 23 et 24 septembre 1944, à Palante et Frotey-lès-Lure : trois tués ou disparus, dont l'aspirant Jean Berne. Le 25 septembre 1944, l'unité participe à l'action offensive de la 1ère DB en direction de Ronchamp. Le capitaine britannique Stanley Gannicott, qui accompagne la formation, est blessé, mais dans l'après-midi, la localité de Magny-d'Anigon est occupée. Le lendemain, les FFI du Charollais nettoient le secteur de Magny-d'Anigon, où les corps de 48 résistants massacrés sont découverts dans un charnier, et occupent le village de La Côte. Ils perdent dans la journée les caporaux Henri Bernier et Louis Migeon, les soldats Hubert Braillon, Joseph Cotte et Jean Dargaud, tandis que le lieutenant André Schaller est au nombre des blessés. Le 27, Georges Sella est tué par balle, et l'aspirant Veyret blessé.
Dans la nuit du 28 au 29 septembre 1944, deux sections du 1er bataillon de zouaves portés, auquel ont été détachés des éléments du Charollais (la compagnie de Charolles du capitaine Louis Naulin et la section de L'Escaille de la compagnie de Saint-Igny), s'installent par surprise dans la chapelle de Ronchamp, site utilisé par l'ennemi comme observatoire de la région. Le 29 septembre 1944, les Allemands tentent de reprendre la position. Ils sont contraints au repli, mais les pertes ont de nouveau été sensibles chez les FFI de Saône-et-Loire (et du Rhône) : Roger Babanini, Marcel Royer, Jean-Marie Braillon ont perdu la vie. Au matin du 30, les Allemands lancent un nouvel assaut contre Ronchamp renforcé par d'autres éléments du 1er Bataillon du Charollais. Le combat va durer quatre heures. Les FFI perdent deux tués – le médecin auxiliaire Fernand Navello et Jean Pontvianne – et plusieurs hommes grièvement blessés dont le capitaine (ou commandant) François de L'Escaille et l'aspirant des Gayets. « La chapelle est en ruines », notent les anciens du Charollais, mais elle reste française. Le 1er octobre 1944, le bataillon, qui a encore perdu un tué (Claude-Marie François) et trois blessés (dont le commandant Etienne Hérouart), est mis au repos à Santenay (Côte-d'Or).
Pendant que leurs camarades soufflent, une compagnie de marche de 200 hommes remonte en ligne le 9 octobre 1944. Elle accompagne des éléments du 9e régiment de chasseurs d'Afrique qui s'installent dans le secteur de Ramonchamp (Vosges), et y reste jusqu'au 17 octobre 1944. Au cours du déplacement depuis Mélisey, quatre de ses hommes (Pierre Champion, Maurice de Noailles, Charles-Henri Morin et Louis Robert) trouvent la mort dans un accident de camion tombé dans la Moselle à Rupt. Puis, les 13 et 14 octobre 1944, meurent encore Louis Mélinand, Raymond Gruel et Jean-Pierre Noyret. Ainsi donc, depuis son arrivée en Haute-Saône, le Bataillon du Charollais aura perdu 22 de ses hommes.
7 décembre 1944 : combat pour le bois du Calvaire
Jusqu'au 27 novembre 1944, le bataillon reste en cantonnement à Santenay, en Côte-d'Or. C'est là que ses hommes sont invités à signer leur engagement pour la durée de la guerre. Mais ils ne sont que 250 hommes sur 700 initialement, auxquels s'ajoutent une cinquantaine de volontaires de Saône-et-Loire venus s'enrôler, à faire ce choix. Au 27 novembre 1944, le Charollais est passé de cinq à quatre compagnies (dont une compagnie hors rang), puis à trois. Les deux unités de fusiliers voltigeurs sont commandées pour la 1ère (dite l'Escadron) par le lieutenant Antoine d'Anterroches, pour la 2e par le lieutenant Jean du Sordet, tandis que le lieutenant Lucien Blavier est à la tête de la CHR.
Le 4 décembre 1944, le commandant Georges Vigan-Braquet, chef de corps du Groupe de commandos du 2e corps, se voit rattacher, à Sentheim, le 1er Bataillon du Charollais. Le 6 décembre 1944, celui-ci gagne Bourbach-le-Bas d'où la 2e compagnie part relever, le soir, sur les pentes Sud de la désormais fameuse cote 475, les compatriotes du Commando de Cluny. La cote 475 est cette hauteur qui sépare Bourbach-le-Bas de Roderen. Perdue dans la nuit du 30 novembre 1944 au 1er décembre 1944 par le Régiment de marche Corrèze-Limousin, elle n'a pu être définitivement enlevée par le Commando de Cluny le 3 décembre 1944.
Le 7 décembre 1944, les volontaires du Gard, de l'Indre-et-Loire et de Saône-et-Loire placés sous le commandement de Vigan-Braquet sont lancés, au matin, à l'attaque en direction de Roderen. La compagnie du Sordet sera en tête, avec un peloton du 3e régiment de spahis marocains. Pour éviter le champ de schuhminen aménagé par les Allemands derrière la cote 475, les FFI du Charollais tourneront d'abord la crête par la gauche, près du calvaire qui a été érigé au sommet, puis s'empareront du bois du Calvaire, situé à 100 m plus bas en direction de Roderen. Depuis ce lieu, la compagnie d'Anterroches, jusque-là tenue en réserve entre Bourbach-le-Bas et la cote 475, se lancera à l'assaut du village.
Le compte-rendu de la 2e compagnie du Charollais, commandée par le lieutenant Jean du Sordet avec pour adjoint le lieutenant Leboiteux, composée des sections du sous-lieutenant Joseph Danard, de l'adjudant-chef Marc Gauthey et de l'aspirant Louis Fillière, rapporte longuement les événements de cette journée tragique :
« Mission de la compagnie pour la journée du 7 [décembre 1944] : prendre la cote 475, occuper le bois au nord de celle-ci (premier objectif). Heure H : 9 h 20, après préparation de 10 minutes sur la cote et le bois. Opération à réaliser en liaison avec les spahis du 3e RSM et les chars progressant sur la route en direction de Roderen. [...]
9 h 45 : la section Fillière reçoit l'ordre d'opérer un glissement à gauche et vient se poster en arrière et à droite des deux autres sections sur la droite de la route face au nord. La section Danard signale que deux de ses hommes viennent d'être blessés par explosion de mines. Le médecin [Alain Limouzin] et ses brancardiers se rendent sur les lieux. Le champ étant complètement miné, l'enlèvement de ces blessés s'avère particulièrement délicat ; le brancardier [Georges Micollot] saute lui-même sur une mine.
10 h : arrivée des chars sur la route qui attendent la déminage. La section Danard reçoit l'ordre de se replier vers la droite de la route, sa progression étant impossible ; sept hommes déjà hors de combat et la position occupée par cette unité étant rendue inutile par l'arrivée des chars.
10 h 30 : les chars sont en position à droite de la route au nord ouest de 475 ; les sections progressent derrière eux. La section Gauthey occupe le calvaire. [...]
10 h 45 : la section Gauthey visite le sentier allant du calvaire à Roderen, tue un Allemand caché dans un trou au calvaire, et ouvre le feu efficacement sur des Allemands qui progressent sur crête à [l'] ouest de Roderen à 600 m environ. La section Fillière à droite est prise à partie par un lance-grenades qui, du bois, lui cause des pertes : un mort, un blessé grave et un conducteur de chars tué en portant secours aux blessés.
11 h 30 : progression vers le bois que les chars qui se sont déplacés en ligne vers le sud-est ont soumis au tir de leurs canons et de leurs mitrailleuses, progression par bonds, la section Fillière restant avec le groupe de la section Danard en couverture du mouvement à droite aux ordres du lieutenant Leboiteux.
12 h 15 : les sections Danard et Gauthey prennent position dans le bois sur une ligne dirigée nord-sud. La section Fillière est soumise à un tir de lance-grenades qui tue un chef de groupe et blesse grièvement le chef de section Fillière.
14 h : regroupement de la compagnie face au nord-est à 100 m à l'intérieur de la secture* gauche du bois, les pertes subies par le tir ininterrompu de mortier et les mines réduisant l'effectif dans de telles proportions que le bois, reconnu inoccupé, ne pouvait être tenu plus au nord et son occupation ne pouvait être exploité.
15 h : le lieutenant Leboiteux, les chars assurant la couverture au sud, rejoint les autres sections dans le bois, après s'être fait ouvrir un chemin dans le champ de mines Nord de la cote 475 par un char. La section était arrêtée près du champ où deux hommes avaient été blessés. L'ordre prévient de garder la position occupée, la compagnie devant être relevée avant la nuit par la 1ère compagnie.
15 h 30 : reconnaissance du lieutenant d'Anterroches, commandant la 1ère compagnie, accompagné du sous-lieutenant Rimmel, officier de renseignements du bataillon.
16 h 30 : mouvements des chars ; contre-attaque allemande après violente préparation par minen qui arrosent le bois, les lisières de la cote 475. La position étant intenable, la compagnie étant sans appui à droite et à gauche et n'ayant aucune vue, le terrain permettant à l'ennemi de s'infiltrer à droite dans le bois et d'opérer un mouvement tournant, la compagnie se replie à la cote 475. La traversée du champ de mines et les tirs de minen causent la perte de trois hommes ; les chars n'étant plus en place pour nous permettre de contrôler les issues du bois, la compagnie reprend sa position au sud de 475. La contre-attaque allemande arrive à la crête, quelques éléments tentant de s'infiltrer sur la droite et ils sont stoppés par un groupe d'Indre-et-Loire.
17 h 45 : la situation est rétablie, l'ennemi se contentant de tirer quelques rafales de mitraillettes sur nos positions.
18 h : la compagnie est relevée par la 1ère .»
La compagnie du Sordet a été très éprouvée durant cette journée qui a vu tout de même le Groupe de commandos du 2e corps garder avec succès la cote 475**. Le sergent Roger Aupoil et Jacques Paliard ont perdu la vie, Maurice Kaiser et Jean Didier ont été mortellement blessés. La liste des blessés comprend l'aspirant Louis Fillière, Hussek, Georges Micollot, qui ont sauté sur une mine, Chatard, tandis que Jeannette Aubague et Georges Perrin ont été commotionnés. Puis le bombardement allemand ayant contraint les hommes de la «2» à se replier, c'est la traversée du champ de mines qui a été meurtrière : Jean Baucher, 47 ans, Michel Pourtales, 17 ans, Emile Legros, Elie Gandit ont été tués ou mortellement blessés.
A la 1ère compagnie, on ne reverra pas vivants – ils ont été victimes d'une mine - le lieutenant d'Anterroches, 30 ans, issu du 11e régiment de cuirassiers, et le sous-lieutenant Victor Rimmel, 36 ans, qui étaient partis en reconnaissance au moment où l'ennemi lançait la contre-attaque. Désormais confiée au lieutenant Jean Mauz, secondé par le lieutenant Yves Morin, l'unité rentre à Bourbach-le-Bas. Leurs camarades passeront la nuit dans des trous « pleins d'eau, aucun abri le long de cette pente exposée au vent glacial qui remonte la vallée » - il y aura des évacuations pour pieds gelés au matin.
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| Les officiers de la 1ère compagnie ("Le maquis de Beaubery et le Bataillon du Charollais"). |
Le Bataillon du Charollais restera en position en Alsace jusqu'au 20 janvier 1945, notamment dans le secteur de Thann, avant d'être dissous pour être versé dans le 2e bataillon du 35e RI, bataillon dont le commandant Ziegel prend le commandement au moment de se battre dans la Poche de Colmar.
Sources principales : AD 71, 84 J 26 et 29, archives du 1er Bataillon du Charollais - SHD, GR 12 P 9, archives du 35e RI - Le Maquis de Beaubery et le bataillon du Charollais, 1947.
* Ancienne unité de mesure de superficie d'une terre.
** A propos de cette unité, lire avec profit : François ROZIER, Le Corps franc d'Indre-et-Loire. 1ère compagnie du 20e bataillon de chasseurs alpins, Editions du Petit-Pavé, 2016.


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