lundi 22 décembre 2025

Le groupe de reconnaissance de la Brigade Charles-Martel devant Saint-Nazaire (1944-1945)

(Photo d'illustration). 


Parmi les unités de la Brigade Charles-Martel (colonel Raoul Ghislain) arrivée le 11 novembre 1944 devant la Poche de Saint-Nazaire, figure le groupe de reconnaissance confié au lieutenant-colonel Robert Rochard. Celui-ci coiffe le 8e régiment de cuirassiers et le 17e bataillon de chasseurs à pied. Voici l'histoire de ces unités recrutées dans l'Indre et l'Indre-et-Loire.

Le 8e régiment de cuirassiers est recréé le 1er octobre 1944 à partir du groupe d'escadrons du capitaine Charles Calvel de la Brigade Charles-Martel, formé d'éléments du 1er Régiment de France, notamment l'escadron Gervais du capitaine Pierre Gueny. Dix jours après avoir défilé à Châteauroux (Indre) avec l'étendard du 8e régiment de cuirassiers, l'unité a été confiée le 21 septembre 1944 au chef d'escadrons Claude Bonnin de La Bonninière de Beaumont. A 45 ans, cet officier venu des FFI des Deux-Sèvres est issu d'une longue lignée de cavaliers. Son arrière-arrière-grand-père, chambellan de l'impératrice Joséphine, était le frère du général de dragons de Beaumont, qui s'est battu à Wagram. Au sein du 8e cuirassiers, nombre d'officiers portent d'ailleurs de grands noms de la noblesse : les lieutenants de Secondat de Montesquieu, de Lassus, de Lafayette, de Sainte-Croix... Ayant fait mouvement sur Nantes le 17 novembre 1944, le régiment monte en ligne douze jours plus tard. A ce moment, le capitaine Marius Colomb, 34 ans, commande le 1er escadron, le lieutenant Edgard Delong, 30 ans, le 2e escadron, le capitaine Gueny, 35 ans, le 3e, le lieutenant Robert Sappey, le 4e, le lieutenant André Mazarguil, 24 ans, le 5e, le capitaine Trastour, le 6e nouvellement formé, et le capitaine Mian, l'escadron hors rang. Le capitaine de Champsavin est à la tête du groupe d’escadrons. Le 8e cuirassiers est implanté au sud de la poche entre Pornic et Le Pellerin. 

L'unité d'infanterie qui fait équipe avec lui (17e bataillon de chasseurs à pied, recréé le 1er octobre 1944) correspond à l'ex-Bataillon Carol du commandant Jean Costa de Beauregard (Carol), formé dans le maquis de la Brenne. Il est solidement encadré par des anciens officiers du III/32e RI de l'Armée d'armistice. Quand la brigade monte en ligne, le 17e BCP, qui fait mouvement les 6 et 7 novembre 1944, défend avec un bataillon du 32e RI le quartier du Temple-de-Bretagne, au nord de la Loire, après avoir relevé un bataillon américain le 12 novembre 1944.  

Le groupe de reconnaissance au jour le jour

13 novembre 1944. Le sous-lieutenant Delgrange (17e BCP) est blessé.

10 décembre 1944. Journal des marches du 8e cuirassiers : « 18 h 30. Une forte patrouille allemande s'infiltre devant les lignes du 1er escadron à Chauvé entre la route de Saint-Père-en-Retz et la route de Bois-Joli. Violent échange de coups de feu d'armes automatiques. Le 1er escadron exécute deux mouvements débordants par les ailes. L'ennemi se replie. Le peloton Leré pousse jusqu'au bout de La Rigaudière, le peloton Jeannel jusqu'au pont de la Vrillère. L'aspirant Calvel avec deux groupes poursuit l'ennemi jusqu'au bois de la Gottière. La poursuite est interrompue par la nuit. » Au cours de cette poursuite, Louis Baptiste, 18 ans, a été tué, et le cavalier Vallet blessé au pied.

11 décembre 1944. Le 1er escadron du 8e régiment de cuirassiers exécute une embuscade avec quatre groupes de quinze hommes. Durant l'opération, le groupe du sous-lieutenant Leré est attaqué par une patrouille allemande. « Pendant le repli du 1er escadron, indique le journal des  marches du régiment, un cavalier du groupe Leré (cavalier Gouin) a été mortellement blessé par un Allemands caché dans une haie. » Joseph Gouin, 21 ans, succombera à ses blessures à Nantes le 18 décembre 1944, mais ses camarades auront fait quatre prisonniers.

Offensive allemande contre Chauvé

18 décembre 1944. Journal des marches du 8e cuirassiers : « 21 h. Alerte à Chauvé sur renseignements d'une jeune femme venant de Saint-Pierre-en-Retz déclarant que 200 Allemands s'apprêtent à attaquer Chauvé le lendemain. » 

21 décembre 1944. « 7 h 30. Violents tirs d'artillerie allemande sur Haute-Perche et Arthon, puis sur toute la ligne depuis le pont de l'Etier de l'Ecluse jusqu'à Chauvé. Pendant ce temps, intense activité ennemie sur les crêtes en face de Chauvé. » Le décor est planté par le journal des marches du 8e régiment de cuirassiers. Dans la Poche de Saint-Nazaire, quelques jours après le déclenchement de l'offensive de l'Ardenne, la garnison allemande est passée à l'attaque, au sud de l'estuaire de la Loire, à l'est de Pornic, le 21 décembre 1944. Certes, « depuis quelques jours, écrit Jean Coste, du IV/125e RI, les bruits couraient, colportés par les civils ; les Allemands se vantaient de forcer le blocus, de faire sauter les ponts de la Loire et de réveillonner pour le Nouvel an à Nantes, puis de revenir sur l'ensemble du front. » Mais la puissance de l'attaque, précédée par des tirs sur Vue, Chauvé et la région de La Rogère par l'artillerie et trois corvettes allemandes, allait surprendre les troupes françaises. Au 8e cuirassiers, dont l'escadron du lieutenant André Mazarguil est dépêché par le lieutenant-colonel Robert Rochard pour se porter sur La Rogère et La Bernerie, au large de l'océan, on racontera heure par heure, dans le journal de marche, l'évolution des opérations.

Journal des marches : « 9 h. Le bombardement sur Chauvé et les positions Ouest redouble, un obus tombe sur le PC du capitaine de Champsavin. On compte dix blessés au 2e escadron dont un mortellement : le maréchal des logis-chef Malcuit, et deux au 3e escadron. » Abel Malcuit avait 29 ans. Il est mort à Nantes de ses blessures. « Les éléments ennemis atteignent la rivière depuis le Pont de la Rigaudière jusqu'au Bois-Joli. Ils barrent les ponts et installent des postes. Six canons de 20 m/m sont repérés. Le capitaine de Champsavin fait tirer sur un rassemblement au Bois-Joli. Vers la même heure, 9 h 30, les éléments allemands ouvrent un feu nourri sur les postes du Pont de l'Etier de l'Ecluse et de la Michelais des Marais. Dans le dernier poste, cinq hommes sur sept sont mis hors de combat : cavalier Bequart, cavalier Prévost, maréchal des logis Toulin, cavalier Grignon ; le cavalier Courcier est tué. Le maréchal des logis Marie (infirmier) est grièvement blessé en allant les relever. » Décédé à Machecoul, André Courcier, 19 ans, est la deuxième victime du jour parmi les hommes du commandant de Beaumont. 

« Des infiltrations ennemies se produisent entre la Michelais des Marais et Lennerie, PC du capitaine Trastour. Le poste de la Michelais des Marais bombardé copieusement par un mortier ennemi tient avec deux hommes. Les postes de la Gautrais et de l'Etier de l'Ecluse causent des pertes sérieuses à l'ennemi. Le peloton de Montesquieu qui tient le pont de l'Etier de l'écluse est littéralement cloué sur place, aucun mouvement n'est possible, la liaison avec lui est très dure. » 

Le secteur sud de la Poche de Saint-Nazaire a la chance de pouvoir compter sur un officier énergique : le capitaine Guy Besnier, commandant le 1er groupe mobile de reconnaissance. Le cavalier va lui-même se rendre compte de la situation. Ce qu'il constate, dans la région Est de Chauvé ? « Que la compagnie qui tenait le Poirier est en complète déroute et que l'ennemi s'infiltre en venant de La Bunière et de la cote 39 », note le journal des marches des cuirassiers. La compagnie en question est composée de FFI de la Vienne. Jean Coste : « Notre bataillon frère, le 7e bataillon du 125e RI du commandant Thomas, s'accroche au terrain et malgré les pertes, interdit à l'ennemi les routes vers Le Poirier et Arthon, en liaison avec le 8e cuir. » Arrivé à Arthon vers 10 h, le colonel Raymond Chomel, commandant des FFLI, envoie deux patrouilles sur Le Poirier et la station de La Feuillardais. Ordre est donné aux cuirassiers de se déployer, à la fois pour barrer le passage de l’ennemi et pour se tenir prêts à contre-attaquer. 

Journal des marches du 8e cuirassiers : « 15 h. Les infiltrations ennemies se précisent entre la cote 14 et la Michelais des Marais, où le peloton Spaeth a été envoyé en renfort vers 13 h. Les éléments ennemis s'infiltrent jusqu'aux abords du PC du capitaine Trastour où le maréchal des logis Fronteau est blessé d'une balle de mitrailleuse et évacué. Le peloton de Montesquieu continue à être sérieusement arrosé, mais cause des pertes sérieuses à l'ennemi ainsi que le groupe placé entre la Michelais des Marais et la Basse Gautrais. Pendant ce temps, à l'extrémité Est du secteur, l'escadron Mazarguil combat dans la région du Poirier, qui a été réoccupé. Les Allemands tiennent toujours la cote 39. Le lieutenant Oberlaender avec un DD reconnaît la station de La Feuillardais, des patrouilles sont fournies par le GM Besnier sur les Landes fleuries où il démolit une mitrailleuse de 13,2. Vers 16 h, une action combinée de l'escadron Mazarguil et du GM Besnier rétablit la situation à la station de La Feuillardais, bombarde au mortier et au 37 (auto-canon) La Bunière et les Landes fleuries. Les Allemands ripostent par un tir de 77 sur Le Poirier. A la nuit, l'escadron Mazarguil et le GM Besnier tiennent la ligne Le Poirier – La Feuillardais et le capitaine Besnier fait exécuter par un canon de 50 (quatre pièces) – la seule artillerie du secteur – un tir très réussi sur les Landes fleuries. A 17 h, le commandant de Beaumont se rend au PC du capitaine Trastour, la situation de l'escadron devenant intenable. Il lui donne, conformément aux instructions du colonel Chomel, l'ordre de se replier à la nuit sur la ligne Le Pas – la Basse Chanterie – le 2e escadron s'alignait sur le Pas – Bel air. 

A la nuit, ordre est donné au 1er escadron commandé par le lieutenant Migaud, le capitaine Colomb étant en permission, de relever l'escadron Mazarguil au cours de la nuit. A 21 h, l'escadron Trastour exécute son repli dans les meilleures conditions, l'ennemi ne s'aperçoit de rien. Le régiment tient alors la ligne Basse Chanterie (canal) – Chauvé – Le Poirier (ce dernier poste, avec la compagnie Adolphe), soit environ 7 km de front. La brèche qui s'était produite entre le 8e cuirassiers et le bataillon Thomas a été réparée. A 23 h, de fortes patrouilles ennemies s'approchent de Chauvé et font sauter de nombreux pièges. L'ennemi vient au contact des postes qui lancent des grenades, il se retire en ripostant, mais ne rompt pas le contact. Tous les pièges devant la ligne sautent et les escarmouches sont incessantes. On distingue très nettement l'installation de pièces d'artillerie et toute une activité qui fait pressentir une attaque sur le village à l'aube. » 

Durant cette première journée de combat, les pertes françaises n'ont pas été négligeables. A la compagnie autonome Bretteval, sollicitée pour prendre et occuper la cote 40, le sous lieutenant Maurice Pollono, 33 ans, issu du 6e bataillon FFI de la Loire-Inférieure, a été tué par un obus de 37, ainsi que le caporal chef René Le Guiffant, 30 ans, Georges Maurice, 19 ans, et Albert Leveux qui l'accompagnaient. Au 125e RI, est mort Marcel Giraud, 22 ans. A ces pertes s'ajoutent les décès des deux cuirassiers Courcier et Malcuit. 

Le jour suivant, 22 décembre 1944, n'est pas plus calme. Journal des marches du 8e régiment de cuirassiers : « La situation à Chauvé devenant de plus en plus pressante et en vue de faire avorter l'attaque ennemie, l'ordre est donné par le colonel Chomel de faire replier le 3e escadron aux lisières Sud-Est de Chauvé en ne laissant dans le village qu'un petit poste. 

5 h 30. Le repli s'exécute sans que l'ennemi le décèle et l'escadron s'installe sur la ligne Moulin de Haute-Perche – la Vesquerie, le 2e escadron s'aligne sur Moulin de Haute-Perche carrefour Nord-Ouest de HauteChanterie. 

6 h. Le 1er escadron a relevé le 3e escadron qui se regroupe à la Meuse. 

7 h. L'ennemi bombarde les postes de Chauvé ainsi que les anciens postes du pont de l'Etier et de la Michelais des Marais. Ensuite couvert par des tirs d'armes automatiques il passe à l'attaque des postes de Chauvé et tombe dans le vide. Les deux petits postes laissés dans Chauvé se replient aux lisières Sud-Est. 

8 h 30. La compagnie Porcher du bataillon Legrand ([3e] bataillon vendéen) étant mis à la disposition du commandant de Beaumont, relève le peloton Storme à Haute-Perche. Ce dernier est mis à la disposition de son escadron aux Fontenelles. 

10 h. Une contre-attaque partielle est entreprise dans Chauvé avec deux AM pour remettre en place les deux petits postes : peloton Casanova (2e) et La Fayette (3e), les deux pelotons opérant chacun avec une AM nettoient les postes où les Allemands s'étaient installés leur causant de sérieuses pertes, et s'installent en petits postes aux principaux carrefours du village. Une deuxième compagnie du bataillon Legrand est mise à la disposition du commandant de Beaumont en réserve à Arthon. Mais la matinée, bombardements ennemis sur le Poirier et le Pont de l'Etier [...]. 

14 h. Le lieutenant Migaud prévient que l'unité à sa droite cède sous la pression allemande, que la gare de La Feuillardais a été lâchée et que l'ennemi se dirige vers le Brandais. Il est lui-même au contact sous un violent tir d'artillerie. 

15 h 45. Le 4e escadron relève la compagnie Adolphe [la 3e compagnie du VII/125e RI, capitaine Norbert Collin] à La Berthellerie et établit ainsi la liaison entre le 3e et le 1er escadrons. Le régiment occupe ainsi à lui seul la ligne Basse Chanterie (canal), Chauvé, La Riche. L'escadron Mazarguil est envoyé à La Feuillardais et rétablit la situation, les Allemands se repliant et s'installant 300 m au nord de la station. Pendant ce temps, les canons de 50 ont effectué sur les Landes Fleuries un tir très efficace qui a contribué puissamment au repli allemand. 

17 h. Tir de contre-batterie allemand. 

19 h 30. Le peloton de Chivré est remis à la disposition du 4e escadron. Jusqu'à la nuit, des détachements mixtes AM – moto patrouillent sur La Feuillardais, neutralisant de nombreux éléments ennemis. [...] 

21 h. Les compagnies Legrand sont relevées par trois sections du 3e [sic] bataillon vendéen. » 

Le 23 décembre 1944, des patrouilles du 1er escadron effectuées en début de matinée permettent de constater que les Allemands ont abandonné la cote 39 et sont établis sur la crête Nord de la route Chauvé – Vue. A 13 h, le maréchal des logis chef Joanny Merlin, 26 ans, du 4e escadron, est mortellement blessé au cours d'une patrouille en avant des lignes (il mourra à Nantes le 5 janvier 1945). L'ennemi ne se résigne pas, et une heure plus tard, lance une nouvelle attaque à l'est du Poirier, forçant des soldats français à se replier. Puis, de 17 h 15 à 18 h 15, il exécute un violent bombardement sur Le Poirier. 

Le début de nuit sera encore très agité, comme en témoigne le journal des marches des cuirassiers : « 20 h. Plusieurs fortes patrouilles ennemies attaquent Chauvé par la route de Saint-Père et la route de Vue. Le peloton Spaeth qui a relevé le peloton Casanova combat pied à pied en se repliant aux lisières Sud. Le combat se poursuit jusqu'au petit jour (24 décembre) où les Allemands se retirent. Le peloton Spaeth reprend des positions dans le village. Des pertes ont été causées aux Allemands : traces de sang, renseignements de civils. » Les combats sont terminés. Le 125e RI aura perdu, outre plusieurs morts, deux prisonniers et 17 blessés.

Plusieurs victimes parmi les officiers 

28 décembre 1944. Le peloton Fagot – La Fayette – Tourret du 8e cuirassiers venait de subir le feu d'une patrouille allemande, qui a progressé sur la route Chauvé-Vue avant de se replier. En réaction, les cuirassiers exécutent une contre-patrouille. Mais un cavalier, Raymond Hervouet de La Robrie, 18 ans, « est tué par un Allemand qui était resté pour protéger le repli de sa patrouille » (journal des  marches du régiment). Son corps sera ramené par l'aspirant Tourret. 

31 décembre 1944. Au 17e BCP, Albert Gion, 19 ans, est tué, le sergent Wyss, les chasseurs Jacques Guillard et de La Roche-Aymon sont blessés.

2 janvier 1945. Le 17e BCP, qui multiplie quotidiennement des patrouilles jusqu’à la Croix Heuglin, La Chohonnais, le bois de Sapin, La Chalandière, Kerlan, La Folaine, la cote 88, va connaître une grande surprise, dans la nuit du 1er au 2 janvier 1945. Le compte-rendu quotidien d’opérations raconte : « Vers minuit, une très forte patrouille allemande (approximativement, une compagnie) attaque les sous-quartiers des 3e et 4e sections de la 1ère compagnie du 8e bataillon [de la Sarthe]. Cette patrouille est supportée par une très forte base de feu installée à La Chohonnais […]. Sur demande du 8e bataillon, nous faisons déclencher un tir de l'artillerie américaine («A» battery) sur La Chohonnais. Le tir lent à venir (quatre minutes) est ajusté par nos observateurs à la 3e compagnie [du 17e BCP] et fait taire la base de feu. A 3 h 30, la 1ère compagnie du 17e BCP entend des bruits de pas cadencés sur la route de Vannes à l'ouest de la cote 88 et sur le chemin situé au nord de celle-ci. Des commandements allemands sont hurlés, perceptibles à plus de 1 km et demi. Les Allemands se déplacent au nord de la route de Vannes en formation de combat et attaquent sur un front de 300 m la 1ère compagnie. A 4 h 06, sur demande de la 1ère compagnie, un tir est déclenché sur la route de Vannes à hauteur de la Croix Heuglin. A 4 h 17, le 8e bataillon signale que les Allemands se replient sur La Chohonnais et La Guay et demande que nous fassions un tir sur ces deux villages. L'artillerie américaine ne disposant que d'une batterie ne pourra exécuter ces deux tirs. Malgré le tir américain les Allemands continuent à s'approcher et font sauter 19 mines ou grenades disposées devant nos lignes. Des cris en allemand sont entendus (tels que « cochons de Français », « salauds », etc.), des ordres continuent à être donnés :
« appuyez à gauche, avancez la mitrailleuse », etc. Le tir américain les suit dans leur progression jusqu'à 150 m de nos lignes où ils s'arrêtent à une haie d'intervalle de nos postes. Sur ordre nos hommes ouvrent brutalement le feu sur l'ennemi. Une mitrailleuse lourde les prend en flanquement. Un combat très âpre s'en suit... »
Tir d'une batterie allemande, tir de contre-batterie américain « qui réduit au silence les 77 ennemis après que ceux-ci aient tiré 125 coups » se succèdent. « Les 105 américains tombent à trois mètres derrière la haie qui abrite [les Allemands] et les tue sur place... » A 5 h 30, l'ennemi commence à se replier. Une heure et demi plus tard, tout est redevenu calme. « A 8 h, nous envoyons une patrouille devant nos positions. Cette position revient à 8 h 30, ramenant un Allemand tué […} et signale un important matériel laissé sur place... Environ une tonne de munitions, cartouches de Mauser, bandes de mitrailleuse, grenades de divers modèles, obus de mortier… » L'attaque a échoué. Pas une perte dans les rangs des chasseurs, si ce n'est, en fin d'après-midi, un blessé par un tir au sud de la Salimonerie.

5 janvier 1945. Issu du 1er Régiment de France, le lieutenant Jean-Louis de La Bastide, 24 ans, commandant la 1ère compagnie du 17e BCP, « donne ordre à quelques hommes de placer deux mines sur [un] cheminement », explique le compte-rendu quotidien du bataillon. « Le petit groupe commence son travail sous le commandement du sergent Noël. Le petit groupe est pris à partie par des Allemands (mitrailleuse légère ou FM) qui tirent du voisinage de la cote 88. Le lieutenant de La Bastide voyant le danger sort pour prendre le commandement de ce petit groupe... Pour une raison inconnue, une des mines saute, tuant le chasseur de première classe Davaillon et le sergent Noël. » La Bastide, « rapporté aussitôt à son poste de secours, […] a été pansé par le capitaine Morisot, médecin-chef de mon bataillon », écrira le commandant Costa de Beauregard au colonel Chomel. « Aussitôt après, le blessé a été conduit en voiture sanitaire à l'hôpital de La Perverie à Nantes... Le chirurgien de service arrivé aussitôt a jugé la situation si grave qu'il n'a pas cru possible de faire mener le blessé dans une autre salle... Le lieutenant de La Bastide est mort à 15 h 30 de la perte de son sang et du choc terrible qu'il avait subi », ajoute le chef de bataillon.

13 janvier 1945. Pierre Nouvet, 20 ans, du 8e cuirassiers, meurt de ses blessures à l'hôpital militaire de Machecoul. 

14 janvier 1945. Commandant le 1er escadron du 8e régiment de cuirassiers, le capitaine Marius Colomb décide le 14 janvier 1945 de mettre sur pied une « grosse embuscade – 40 hommes, neuf FM » dans son secteur. Le commandant d’unité raconte : « Pendant la mise en place, un tir de mortiers a été exécuté par le 3e escadron sur les positions ennemies, mais devant mon sous-quartier. Ce tir a-t-il donné l’éveil à l’ennemi ? C’est possible, mais les feux ennemis qu’a essuyés le peloton Calvel sont des feux normaux d’avant-postes que n’importe quelle position est à même, avec son système, même réduit, de surveillance, de déclarer instantanément. L’aspirant Calvel devait être en pointe à 100 m ou 150 m de la route et attendre. Mais emporté par son courage, et toujours désireux de faire plus que son devoir, l’aspirant Calvel s’est aventuré, couvert par trois éclaireurs, bien plus loin, et a continué à se déplacer au lieu de se poster. Il a été soumis tout à coup à un violent tir d’armes automatiques venant de devant lui, de sa gauche et de sa droite […]. L’aspirant Calvel a alors donné à ses trois vedettes et à son FM de tête l’ordre de se replier en rampant ; c’est à ce moment-là qu’il a été blessé à la tête par une balle perforante qui a traversé le casque d’arrière en avant. L’éclaireur de pointe, le cavalier Lebas, pris dans les rafales des armes automatiques, est tombé et a fait le mort, bien qu’il n’ait pas été blessé. Il a attendu la nuit pour se replier en rampant. Le premier FM du peloton Calvel se replie à la route où j’étais déjà revenu, ayant essuyé moi-même un feu violent d’une arme automatique qui prenait le chemin d’enfilade. Là, le maréchal des logis Corset, qui faisait partie, avec les cavaliers Lebas et Bourdeix, des éclaireurs qui étaient en avant de l’aspirant Calvel, et qui venait sur l’ordre de celui-ci de se replier à la route sous un feu violent de l’ennemi, m’annonce que l’aspirant Calvel est tué. Un peu « choqué » et démoralisé, Corset me dit que l’ennemi nous tourne vers notre gauche (ce n’est pas vrai, les Allemands n’ont pas quitté leurs positions, mais leurs armes automatiques placées à gauche pouvaient donner l’impression d’un débordement par cette direction). Je demande à Corset s’il est possible d’aller chercher le corps de l’aspirant Calvel : Corset me répond que c’est absolument impossible. Je donne l’ordre de repli général à la route, pour permettre à Lere de décrocher… » A la nuit tombante, le peloton Durand-Delacre verra revenir le cavalier Lebas, qui a tenté, seul, de ramener le corps de l’aspirant Calvel à propos duquel il assure « qu’il vit encore ». Le maréchal des logis-chef Durand-Delacre se porte alors, avec Lebas, sur les lieux, et ramène le corps de l’officier à 18 h 30. Transféré sur l’hôpital de Machecoul, l'aspirant devait succomber à ses blessures, le 15 janvier 1945. Né dans le département de la Haute-Garonne, Georges Calvel avait 28 ans.

21 janvier 1945. Le 4/8e cuirassiers est relevé par l'escadron Schneberger du 1er groupe d’escadrons de cavalerie (1er hussards). Il part se reposer à Chéméré puis revient le 29 janvier 1945 relever la 2e compagnie du II/93e RI à la Basse-Chanterie.

27 janvier 1945. Compte-rendu quotidien du 17e BCP : « Patrouille de la 4e compagnie de 7 h à 9 h. Deux tués, un blessé léger, un blessé sérieux. Dix-sept tués et prisonniers allemands. » Les deux chasseurs tués se nomment Paul Desaunettes et Roger Lencou, tous deux âgés de 21 ans. Si le sergent Jaubert a été touché légèrement, le chasseur Maurice Mathot, 17 ans et trois mois, meurt de ses blessures à Nantes. Cinquante grenades, 2 500 cartouches de 7,5 et 9 mm auront été consommées durant cet accrochage. 

31 janvier 1945. Les 4 et 6/8e cuirassiers sont relevés par la 1ère compagnie du Bataillon Lebrun (II/93e RI) et vont occuper les positions de l'escadron de hussards Schneberger.

1er février 1945. A 13 h 30, un tir d'artillerie ennemie sur Chauvé et Arthon provoque la mort de deux hommes du 6/8e cuirassiers : le maréchal des logis-chef François Tressard, 26 ans, et le cavalier Laurent Jousset, 21 ans, « atteint par le même obus qui éclate à quelques mètres d'eux »

6 février 1945. Le cavalier Henri Barbotin, 20 ans, du 3/8e cuirassiers, est atteint à 21 h 30 par une balle dans la tête lors d'un échange de coups de feu avec une patrouille. Il décède à l'hôpital de Machecoul des suites de ses blessures. Un autre soldat de l'escadron, Marcel Ferriby, 23 ans, est victime à Chauvé d’éclats d'obus. 

7 février 1945. Toujours au 8e cuirassiers : « 15 h 30. Au cours d’une reconnaissance de terrain, le lieutenant de Lafayette est mortellement blessé par une mine. Le capitaine de Champsavin et le sous-lieutenant Jacquemin sont grièvement blessés. » Officier au 3e escadron du 8e cuirassiers, le lieutenant Jean Bureaux de Pusy du Mothier de Lafayette, 41 ans, meurt à Chauvé des suites de ses blessures.

8 février 1945. Le III/67e RI relève le 17e BCP dans le sous-secteur de Saint-Etienne-de-Montluc. Les chasseurs gagnent la caserne Mellinet de Nantes. 

21 février 1945. A compter de ce jour, le 1er hussards occupe le dispositif des escadrons du 8e cuirassiers aux avant-postes. Le PC du lieutenant colonel de Beaumont se porte à Arthon. 

22 février 1945. Le maréchal des logis Arlabasse, du 8e cuirassiers, est grièvement blessé par un piège, et le cavalier Bernard Malenfant, 20 ans, du 6e escadron, se noie dans le canal de Haute Perche. 

La réorganisation du 8e cuirassiers

27 février 1945. Le 4/8e cuirassiers est dissous à compter du 28 février 1945.

16 mars 1945. Le II/63e RI (commandant Lavrat) est relevé dans le sous-secteur de Fégréac (lieutenant-colonel Bossard) par le 17e BCP venu de Nantes. 

20 mars 1945. Le 8e cuirassiers remonte en ligne entre La Vesquerie (Arthon) et la Basse-Chanterie (Chauvé). « Il est renforcé par deux des escadrons du 2e groupe d'escadrons de cavalerie, les escadrons Schmitt et Martineau. » Le 2e escadron relève notamment au Marais Mainguy, à La Noé et à la Maison Retz une compagnie du groupe d'escadrons de Rochecouste. La compagnie autonome Bretteval devient compagnie d'accompagnement du 17e BCP.

1er avril 1945. Le 6e escadron (Trastour) du 8e cuirassiers devient 4e escadron, le 2e escadron (Delong) passe au 1er régiment de hussards dont il devient 1er escadron.

9 avril 1945. Réorganisation du 8e cuirassiers, dont les quatre escadrons sont confiés au lieutenant Mazarguil, au capitaine Colomb, au capitaine Gueny et au lieutenant de Montesquieu. L'escadron Schmitt du « 2e groupe d'escadrons de cavalerie » relève l'escadron Martineau, et celui-ci relève l'escadron Mazarguil.

26 avril 1945. Le sous-lieutenant Marcel Menard, 37 ans, du 17e BCP, est mortellement blessé par l'explosion d'une mine et décède à Redon. 

Mai 1945. Saint-Nazaire se rend

Devant Saint-Nazaire, cela sent la fin du siège, même si, devant le 8e cuirassiers, les dernières journées de guerre sont marquées par des incidents. 3 mai 1945 : trois Allemands se constituent prisonniers, le cavalier Collet est blessé légèrement par l'explosion d'un piège. 4 mai 1945 : tir d'artillerie amie sur Bois-Joli. Un échange de coups de feu blesse un sous-officier allemand qui est capturé. 5 mai 1945 : tir de mortier ami. 7 mai 1945 : le 8e cuirassiers et les escadrons Schmitt et Martineau du 2e groupe d'escadrons de cavalerie apprennent qu'ils seront relevés dans la nuit par le 123e groupe de DCA, de La Méchinière à Chauvé inclus, et par le 21e RI, de La Vesquerie à Chauvé. 

6 mai 1945. Le jeune sergent-chef Gabriel Clisson, 18 ans, du 17e BCP, est tué d'une balle dans la tête par un sniper, vers le canal de Nantes à Brest. Il était issu de la compagnie autonome Bretteval, des FFI de la Vienne (capitaine Pierre Léquime). Auparavant, cette compagnie avait perdu le sergent Léon Minaud, en mars 1945, et Paul Bosc, tué en service commandé. 

8 mai 1945 : reddition de la garnison de Saint-Nazaire.

13 mai 1945 : Joseph Trissoucot, du 8e cuirassiers, meurt des suites de ses blessures, à l'hôpital de La Perverie.

Les cadres du 17e BCP au 1er octobre 1944

Chef de bataillon Costa de Beauregard.

Capitaines Wauquier, Morisot, Lanlo, Millot, de Montesquiou, Reille.

Lieutenants Vautravers, Poisson, de la Bastide, Jumelle, Dard, Latournerie, Desecures, Hogue, Rosengart.

Sous-lieutenants de Carvalho, Delgrange, Guillaud, Caffiaux, Le Loup, Gautereau, Hemar, Potez, Dupin, Beaupin.

Aspirants Auberge, Audas, Pain, Ragot, Maraud des Grottes, Rousseau.

Les cadres du 8e Cuirs au 27 février 1945

Etat-major : chef d'escadrons de Beaumont, capitaines Terrier, Soubde (médecin), Boumier (aumônier), lieutenants de Sainte-Croix, Gaignault.

Escadron hors rang : lieutenants Sappey, Dupont, sous-lieutenants Dumont, Desbois, capitaine Mian, maréchal des logis-chef Jourdain.

1er escadron : capitaine Colomb, lieutenants Migaud, Jeannel, sous-lieutenant Léré.

2e escadron : lieutenants Delong, de Chivre, sous-lieutenant Duconget, adjudant-chef Coget, adjudant Mouton.

3e escadron : capitaine Gueny, lieutenants de Lassus, de Bouglon, sous-lieutenant Fagot, maréchal des logis-chef Gougelot.

5e escadron* : lieutenants Mazarguil, Oberleander, sous-lieutenants Spaeth, de Lavareille, aspirant Chambry, adjudant-chef Prouteau.

6e escadron : lieutenant de Montesquiou, sous-lieutenant Ducamp, aspirant Casanova, adjudant Coutant, maréchal des logis-chef Popineau. 

* Le 4e escadron a été dissous.

Sources : archives du 8e cuirassiers, GR 12 P 106, SHD - archives du 17e BCP, GR 12 P 30, SHD - Luc BRAUER, Les chars de la Résistance. L'étonnante aventure d'un escadron FFI blindé sur la Poche de Saint-Nazaire, LIV éditions, 2014 - Jean COSTE, D3. Maquis de la Vienne, 1975.



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