mercredi 30 avril 2025

La Campagne d'Allemagne du 80e régiment d'infanterie, avril-mai 1945

 


Des hommes du maquis Jean-Pierre passés au II/80e RI. Source : Bulletin d'Espalion.

    S'il est recréé officiellement le 16 mars 1945, le 80e régiment d'infanterie a revu le jour plusieurs semaines plus tot, le 8 janvier 1945, lorsque la Brigade légère du Languedoc a repris l'écusson de ce régiment. Depuis le 21 février 1945, un officier d'active, le lieutenant-colonel André Barbier, venu de la demi-brigade de zouaves portés, a pris le commandement du 80e RI, à la suite du lieutenant-colonel Maurice David (Thomas).

    Non endivisionné, le 80e RI assure la défense de la rive gauche du Rhin, pendant et après la bataille de Colmar. Une période loin d'être de tout repos, puisqu'entre le 20 janvier et le 19 avril 1945, il déplore une trentaine de tués, parmi lesquels l'aspirant Bernard Delpech et le jeune soldat Jacques Raclet, qui n'a que 16 ans.

    Relevé par le 60e régiment d'infanterie, le 80e RI va être amené à prendre une part symbolique à la Campagne d'Allemagne en franchissant le Rhin, à la pointe sud de l'île de Niederau, à hauteur de Village-Neuf, non loin de la frontière suisse.

    Le 1er bataillon est chargé de la création de la tête de pont, le 24 avril 1945. Confié au commandant Michel Goudinoux, il s'agit de l'ancien groupe de commandos de la BLL. La 1ère compagnie est commandée par le capitaine Charles Delmas, la 2e par le capitaine Pierre Guignette, la 3e compagnie par le lieutenant Jacques Valenty, la 4e par le lieutenant Eugène Gravil, la 5e par le capitaine Jacques Durrleman, la 6e par le lieutenant André Bertrand.

    Initialement, le passage du Rhin, programmé à 6 h, devait être d'une certaine ampleur. Mais la veille (23 avril 1945), le général Jean Valluy, commandant la 9e division d'infanterie coloniale, a estimé que "le franchissement [de] vive force semble inutile et dangereux. Opération devra donc se limiter à faire franchir [le] Rhin à 80e RI et groupement Guibert quand [les] CC 3 et groupement Landouzy auront atteint Haltingen".

24 avril 1945

    Journal de marche du I/80e RI :

    "A 5 h, le bataillon se porte sur les bords du Rhin en vue du franchissement. Le Rhin est franchi par le bataillon sans incident. Organisation et occupation de la rive droite. Aucune réaction de l'ennemi. Le dispositif du bataillon est le suivant : 2e et 5e compagnies à Eimeldingen (Allemagne), 4e et 1ère compagnies à Markt (Allemagne). Au cours de ce mouvement, le soldat Pesquet Frédéric est tué par balle à la poitrine le 24 avril 1945 à Eimeldingen. [...] Défilé et présentation du drapeau du régiment par le colonel à Eimeldingen. Au cours de cette journée il a été fait trois prisonniers."

    Le III/80e RI (ex-Bataillon Hérault-Lozère) du commandant Jean Boudet a suivi le mouvement du I/80. Ses hommes passent le fleuve sur des bateaux à moteur, par fractions d'une douzaine d'hommes. L'opération se déroule aisément, en raison d'une "absence de résistance réelle de l'ennemi", note le JMO du III/80e RI. Ce dernier occupe à 14 h le village d'Haltingen, une patrouille de la 13e compagnie (capitaine Astor Formichi) pénétrant dans Otlingen. Au total, le régiment fait 25 prisonniers, dont neuf à Otlingen, par l'aumônier Demard et le médecin-lieutenant Marsant.

    Parallèlement, la 14e compagnie du capitaine Henri Grandidier, avec le lieutenant Henri Exbrayat et huit hommes sur un bateau, réalise un passage "par surprise". Mais rien ne se passe comme prévu. D'abord, la mission est retardée jusqu'à 5 h 30. Puis le moteur ne fonctionne pas. L'embarcation dérive jusqu'à la Suisse, où des soldats helvétiques veulent désarmer cette poignée d'hommes. Ceux-ci se mettent à l'eau, tirant le bateau jusqu'à la rive française, puis embarquent cette fois sur une vedette du génie. Un deuxième groupe, sous les ordres de Grandidier, passe à son tour, débarque sur la rive allemande et fait neuf prisonniers. La 14e compagnie occupe ensuite Faidlingen, fait 19 prisonniers à Haltingen avant de capturer une compagnie de Volksturm. A 14 h, elle entre dans Lorrach.

    Le 25 avril, le I/80e RI, laissant la 1ère compagnie à Markt (jusqu'au 26 avril), traverse en sens inverse le Rhin, à 10 h, et rentre en France. Le régiment fera son retour le 30 avril, le III/80e RI faisant mouvement sur Pforzheim.


    Organisation du régiment (hors I/80e RI)


    II/80e RI, commandant Yves Testor

        CB, capitaine Henri Solanet

        6e compagnie, capitaine Sylvain Diet

        7e compagnie, capitaine Marius Olive

        8e compagnie, capitaine Pierre Monteil

        9e compagnie, capitaine René Costecalde

        10e compagnie, capitaine Dejean

    III/80e RI, commandant J. Boudet puis capitaine André Négrié

        11e compagnie, lieutenant Pierre Peyfaure

        12e compagnie, capitaine Jean Peres

        13e compagnie, capitaine A. Formichi

        14e compagnie, capitaine H. Grandidier

        15e compagnie, capitaine Roger Sylvestre


Sources : archives du 80e RI, GR 12 P 16, SHD ; journal de marche du I/BLL-80e RI, AD de l'Hérault.


lundi 28 avril 2025

Les 71e et 118e régiments d'infanterie (1944-1945)

 


Le III/118e RI, équipé à l'anglaise. Photo parue dans Militaria Magazine. 

71e régiment d'infanterie

Chef de corps : colonel Gaspard Languillaire, 50 ans

Créé le 10 octobre 1944 à Saint-Brieuc avec des volontaires des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Endivisionné dans la 19e division d'infanterie.

11 octobre 1944 : les deux premiers bataillons sont mis sur pied : les I et II/71e, formés par les 8e et 4e bataillons des Côtes-du-Nord. La CCI est mise sur pied avec la compagnie Dieulengar (de Loudéac) du 4e bataillon FFI.

31 octobre 1944 : les deux bataillons sont dirigés sur le front de Lorient. PC à Landévant.

11 novembre 1944 : parti le 1er novembre 1944 pour Coëtquidan et Lorient, le II/71e RI (commandant Georges Maffard, 36 ans), issu du maquis de Plésidy, monte en ligne à la tête de pont de Nostang. 

20 novembre 1944 : le chef de bataillon Pierre Hergault (ex-chef du 8e bataillon des Côtes-du-Nord) étant évacué pour raison médicale, le capitaine Albert Gortais prend le commandement du I/71e RI.

21 novembre 1944 : Alexis Jegat, 22 ans, du 71e RI, est tué par balle à Auray. 

1er décembre 1944 : relève d'éléments du 71e RI dans le quartier de Nostang par le II/4e RIA (FFI du Loir-et-Cher) ; le 9e bataillon FFI des Côtes-du-Nord (commandant Joseph Joly, dit Corsaire, 40 ans) devient III/71e RI. Joly conserve le commandement de ce bataillon. 

4 décembre 1944 :  à cette date, le II/71e tient le quartier de Lopriac, le II/4e RIA et le 13e bataillon des Côtes-du-Nord défendent le quartier de Nostang, les I et III/71e RI et le 16e bataillon sont en réserve.

5 décembre 1944 : le 13e bataillon est dissous par note de service, ses hommes sont versés au 71e RI et au 16e bataillon. 

17 décembre 1944 : le 71e RI relève le II/4e RIA. Le lendemain, au cours d'une reconnaissance, l'adjudant Jacques Diverres, 36 ans, est mortellement atteint (il meurt le surlendemain à Auray), le sous-lieutenant Glatre et trois hommes sont blessés.

29 décembre 1944 : Georges Deniaux, 22 ans, et Albert Ollivier, 20 ans, du 71e RI, sont tués à Nostang,

15 février 1945 : le corps-franc du II/71e RI (lieutenant Boulanger), parti reconnaître la route Locmaria-Bréhigair, est pris à partie à l'est de Locmaria par le feu de mitrailleuses allemandes. Le sergent Pierre Julou, 20 ans, est tué, le soldat Hyacinthe Brual, 20 ans, est mortellement blessé en se portant à son secours. Il faut l'intervention des mortiers et de l'artillerie américaine pour permettre le décrochage des fantassins. 

20 février 1945 :  le III/71e RI relève le II/71e dans le quartier de Lopriac.

9 avril 1945 : le 71e RI signale une intense activité d'artillerie d'ennemie (140 obus, dont plusieurs de 340). 

13 avril 1945 :  

- JMO du 71e RI : « Dans le quartier de Nostang, entre 9 h 15 et 9 h 45, après un violent bombardement ennemi sur le PC de Nostang, Saint-Ternan, Kergoch, et surtout sur la tête de pont (une centaine d'obus), quelques éléments d'infanterie appuyés par le feu de toutes armes automatiques (mitrailleuses légères et lourdes, canon de 20 mm et de 37) ont tenté de s'approcher de nos positions, en venant de Portanguen, de Pernel et des positions ennemies à l'est du moulin de Rodes. L'infanterie amie (III/71) a violemment riposté et les éléments ennemis se sont repliés. » Deux tués au régiment : le caporal Yves Masson, de la 6e compagnie, et le soldat Alexis Lame, 20 ans. Un blessé : le soldat Marcel Ferrier. 

- Le drapeau du 71e RI est présenté par le colonel Languillaire au I/71e et aux unités régimentaires, en présence du général Borgnis-Desbordes, commandant la 19e DI. 

- Décès du sergent Désiré Bouvrais, 28 ans, à Lorient de ses blessures. Ce sous-officier du I/71e RI avait été mortellement blessé le 28 mars 1945 et fait prisonnier. 

17 avril 1945 : le I/118e RIM relève le 14e bataillon rangers, le I/71e RI relève le III/71e RI dans le quartier de Nostang.

27 avril 1945 : le III/71e RI relève le II/71e dans le quartier de Lopriac (Kervignac). 

4 mai 1945 : Pierre Teffaine, 22 ans, du III/71e RI, est tué par éclats d'obus à Lopriac. Quelques jours plus tard, les garnisons allemandes de Lorient et Saint-Nazaire se rendent.


118e régiment d'infanterie 

Chef de corps : lieutenant-colonel Baptiste Faucher (Louis) puis lieutenant-colonel Georges Jouteau (6 novembre 1944).

Créé le 16 octobre 1944. Dit régiment d'infanterie du Morbihan ou RIM voire RIMB. Endivisionné dans la 19e DI. Il comprend initialement un bataillon de commandement sous les ordres du commandant Paul Le Pouleuf, capitaine en retraite, et deux bataillons mis sur le pied dans le Finistère : le 1er (capitaine Louis Le Cléac'h, dit Mercier, 30 ans), constitué à Châteaulin à partir des Bataillons Normandie et de Rosporden, et le 2e (commandant Maxime Rideau) avec des FFI de Quimper, du Bataillon de La Tour d'Auvergne et de Briec. Selon l'historique du bataillon, le I/118e RI est plutôt issu des Bataillons Gilloux (capitaine Yvinec), Normandie (capitaine Le Gall), La Tour d'Auvergne (capitaine Riou) et de Rosporden (capitaine Le Cléac'h).

3 novembre 1944 : le 118e RI commence à faire mouvement vers le front de Lorient. Mises à disposition du commandant Muller (7e bataillon du Morbihan), la 5e compagnie (capitaine Lautridou) et la 6e compagnie (capitaine Anselot) montent en ligne dans la région de Pont-Scorff, la première au sud de Grandchamp, la deuxième entre Marie-Guillo et la ferme de Tremolo. Le reste du bataillon Rideau arrive sur le front le 9 novembre. 

25 novembre 1944 : le 118e RIM reçoit pour mission de défendre le sous-secteur Lorient-Nord. Il y restera jusqu'à la capitulation de la garnison allemande. 

1er décembre 1944 : un 3e bataillon confié au commandant Jean Muller est mis sur pied, non pas avec des volontaires du Finistère comme pour les deux premiers bataillons, mais avec des hommes du Morbihan : le 7e bataillon du Morbihan, avec une compagnie du 3e bataillon et une compagnie du 2e bataillon.

10 décembre 1944 : c’est le 2e bataillon du commandant Maxime Rideau qui va connaître, le premier, le véritable choc d’une attaque ennemie, le 10 décembre 1944, près de Pont-Scorff, sur la rive droite du Scorff qui sert de limite entre les départements du Finistère et du Morbihan. 

 Journal de marche du II/118e RIM : « A 7 h, une patrouille de la 5e compagnie sort et rencontre devant [le poste] 116 (Brémelin) une patrouille ennemie de 25 à 30 hommes. Peu après, deuxième patrouille. Le sous-lieutenant Guéguen tire et tue deux Boches. Les Allemands se massent en avant de 116... » JMO du régiment : « A 8 h 25, l'infanterie ennemie a déclenché un violent tir d'armes automatiques placées au château du Verger et sur la croupe de Kergonet. Ces tirs sont dirigés sur le poste 115 H. Le caporal-chef Le Viol est tué d'une balle au front, à son FM le soldat Quiniou Jean est légèrement blessé. » 

 L'attaque du poste 116 par l'ennemi intervient à 8 h 35. « Un abri du poste est brûlé par des balles incendiaires, tandis que d'autres postes deviennent à peine tenables », précise le journal du régiment. « J'envoie une section de renfort, témoigne le rédacteur du journal du bataillon Rideau. L'assaut est enrayé, l'artillerie américaine tire et disperse l'ennemi qui bat en retraite. A 10 h, tout rentre dans l'ordre. La 5e compagnie sous les ordres du capitaine Lautridou s'est parfaitement comportée ainsi que la CA 2 (capitaine Le Gars). Nous avons trois morts et cinq blessés, l'ennemi 30 [sic] morts au moins, probablement davantage. Six prisonniers […], une mitrailleuse et une dizaine de fusils. » Au II/118e RIM, pour qui il s'agissait là du « premier contact sérieux » depuis son arrivée dans le quartier Est du sous-secteur de Lorient-Nord, le bilan de cette attaque est d’un tué, le caporal chef Jacques Le Viol (5e compagnie), 22 ans, et deux blessés.

20 décembre 1944 : fin du séjour en ligne de la 1ère compagnie du 2e bataillon du Morbihan, qui sert dans le secteur de Ploërmel depuis le 21 août 1944 et qui a été relevée par le 41e RI. « A ce moment la 1ère compagnie revient à l'arrière. La moitié de la compagnie environ passe au 3e bataillon du 118e RI et l'autre moitié au régiment de marche de la Marine »

24 décembre 1944 : le lieutenant François Baller, commandant la 3e compagnie du I/118e RIM, est blessé par l'éclatement d'une mine anti-personnel.

9 février 1945 : le I/118e RIM et le 14e bataillon rangers occupent Sainte-Marguerite, « dernière bourgade du Finistère non libérée » (journal de marche du régiment). « L'opération n'a pas été repérée par l'ennemi. Il semble d'ailleurs que les Allemands ne tiennent pas à s'accrocher avec nos éléments du quartier Ouest, à un endroit où le no man's land est le plus étendu » (historique du 118e RIM). 

27 février 1945 : le II/118e RIM relève le I/118e RIM dans le quartier Ouest du sous-secteur Lorient-Nord. Il est en liaison à droite avec le 19e dragons, à gauche avec le 14e bataillon rangers.

22 mars 1945 : une patrouille de la 10e compagnie du III/118e RIM est attaquée par environ 80 soldats allemands, dans le quartier Est du sous-secteur Lorient-Nord. « Un demi-groupe situé à Kerierne est encerclé par l'ennemi : un homme est tué, un autre blessé, un homme de liaison ne revient pas. » Les trois disparus sont Joseph Perez, Bernard Layer et Jean-Paul Fourre. Parmi eux, « le tireur au FM qui se voyant encerclé de toutes parts et n'ayant plus de munitions démonte son arme et la jette dans un brasier causé par le feu des armes ennemies ». Par ailleurs, le caporal Jean Raut, de la 7e compagnie du régiment, est tué ce jour-là.

26 mars 1945 : une patrouille de la compagnie de bataillon n°2 se dirige, à 6 h, vers Ristinec, aux confins du Morbihan et du Finistère, au sud-ouest de Quimperlé, sur la frange occidentale de la poche. L'aspirant Estrade commande cette patrouille avec l'aspirant Georges Quiniou. Il rend compte : « Nous nous sommes rendus jusqu'au village du Ristinec sans incidents… Vers 8 h, nous avons aperçu des Allemands à environ 300 m au sud-ouest du Ristinec. L'aspirant Quiniou est parti avec une patrouille composée de huit hommes en reconnaissance dans le village de [Croas Guen]… L'adjudant Bleuzen, le caporal-chef Marzin, le soldat Morel étaient déjà rendus dans le village quand l'aspirant Quiniou a été grièvement blessé à environ 30 m de ce village. Le caporal Le Du fut tué à ses côtés, à ce moment le soldat Christien François aperçut un Allemand à 10 m de lui et le tua d'un coup de fusil… Nous avons trouvé par la suite le corps du caporal-chef Marzin tué dans ce village. Les Allemands étaient déjà à l'affût avant notre arrivée, dans les arbres et les greniers des maisons... » 

Le docteur Salins se porte au secours de l'officier, sous le feu des Allemands qui ne l'atteignent pas mais touchent à nouveau grièvement Georges Quiniou. Le soldat Quéré parvient à s’approcher de l'aspirant qui, précise son camarade Estrade, « lui a remis à ce moment son ordre de mission... Sollicitée, l'artillerie américaine intervient, ce qui provoque le décrochage d'une demi-douzaine d'Allemands au pas de gymnastique. Le soldat Quéré et le caporal-chef Alain Penven peuvent alors chercher le corps de Quiniou, qu'ils transportent avec Morel « sous le feu ennemi », tandis que l'adjudant Bleuzen est resté près du caporal Jean Le Du, et qu'une section envoyée en renfort est allée rechercher celui du caporal-chef Jean Marzin. Le soldat Pierre Penven, touché par une balle au coude, et le sergent-chef Cosquer, de la 6e compagnie, atteint par un tir allemand, sont encore blessés, mais à 14 h 15, la patrouille est enfin de retour. Georges Quiniou est décédé le 27 mars 1945 des suites de ses blessures.

10 avril 1945 : chef d'état-major du régiment, le chef de bataillon Robert Geoffroy prend le commandement du II/118e RIM, à la place du commandant Rideau affecté à l'école des cadres de Belle-Ile-en Terre. 

5 mai 1945 : journal de marche du 118e RIM : « Une patrouille du 7e bataillon FFI dans la région de Rustuel tombe dans une embuscade ennemie : deux blessés (lieutenant Le Corre, sergent Le Corre), un tué (lieutenant Salles). » Selon Mémoire des hommes, le sous-lieutenant Joseph Sale, 38 ans, est décédé le 6 mai 1945. 

7 mai 1945 : les Forces françaises du Morbihan (FFMB) entrent dans la poche de Lorient au sein de quatre groupements confiés au lieutenant colonel Le Terrier, adjoint au chef de corps du 118e RIM, au capitaine de frégate Marchand, à un chef de bataillon du 71e RI et au commandant Biron. C'est la fin des opérations. Depuis le 25 novembre 1944, le 118e RIM aura perdu dix tués, 43 blessés, dix prisonniers dont un disparu. Il aura fait 27 prisonniers et recueilli 50 déserteurs. 

Sources : GR 12 P 14 et 12 P 21, 13 P 77? 10 P 447, SHD Vincennes.

lundi 14 avril 2025

Le 131e RI dans les opérations sur la façade Atlantique (avril-mai 1945)


Des volontaires aubois du 131e RI, coiffés du casque italien. (Photo Libération-Champagne).

 Créé à Troyes le 8 décembre 1944, le 131e régiment d'infanterie fait mouvement du 13 au 16 février 1945 vers l'Ouest. Placé sous les ordres du lieutenant-colonel Norbert Durand, il relève le IV/93e RI le 22 février 1945 dans les secteurs de Marans et Charron, devant La Rochelle. Le lendemain, le I/131e RI s'installe sur les positions du 125e RI. Chaillé-les-Marais accueille le PC du régiment, qui subit, le même jour, des pertes terribles en raison d'une explosion accidentelle à Nailliers en Vendée (onze tués dont quatre officiers). Cette période n'est pas de tout repos : le 1er mars 1945, la 2e compagnie (capitaine Albert Gérard) du I/131e RI participe à une contre-attaque menée dans le secteur de Saint-Jean-de-Liversay.

    Relevé à son tour par le 46e RI dans la nuit du 27 au 28 mars et le 28 mars 1945, le 131e RI va être scindé en plusieurs éléments pour participer, mi-avril 1945, à l'assaut des poches du Sud-Ouest. Le II/131e RI (commandant Jean Poirier), recruté dans l'Aube, opère ainsi au sein du groupement Nord de la Division Gironde devant Royan, enlevant Jaffe le 18 avril 1945. Les I et III/131e RI servent eux en renfort de la Brigade Carnot, engagée dans le Médoc. Le 1er bataillon du commandant Lucien Vel est composé de volontaires aubois, le 3e (commandant Raoul Raynaud) est issu du 1er bataillon d'Eure-et-Loir. Tous sont coiffés du casque italien !

    Acheminé vers le Médoc dès le 18 avril 1945, le III/131e RI a reçu pour mission d'attaquer sur l'axe voie ferrée - Le Verdon-sur-Mer, avec pour objectif la côte Est du Verdon. Sa base de départ : Le Goulet, qui serait aux mains du 154e régiment du génie d'assaut (ex-2e régiment d'infanterie du Lot, dit également 8e RI). Le renseignement est inexact, les volontaires d'Eure-et-Loire vont rapidement s'en rendre compte.

19 avril 1945

    A 0 h 30, dans la nuit du 18 au 19 avril 1945, les hommes du bataillon Raynaud, qui viennent de dépasser ceux du 154e RGA à environ un kilomètre au sud du Goulet, se heurtent "aussitôt aux éléments avancés de l'ennemi" (journal de marche du 131e RI). Couvertes par la section de l'aspirant Lavigne (11e compagnie), la 13e compagnie (sous-lieutenant Charles Jandin), qui avance sur la route Soulac - Le Verdon, et la 14e compagnie (lieutenant Didier), qui progresse dans les marais au sud du village des Huttes, sont au contact. 

    JMO du régiment : "Ces éléments ne réussissent pas à faire sauter de nuit le "bouchon" allemand et toute manoeuvre de débordement est rendue impossible : à l'ouest de la route, la forêt est en feu, et à l'est, les marais sont inondés. Les Allemands lancent d'innombrables fusées éclairantes et leurs armes automatiques balayent la route en tir rasant." 

    JMO du III/131e RI : "6 h 15 : nouvelle attaque en vue de s'emparer des Huttes mais les Allemands battent efficacement la route devant la 13e compagnie, et la 14e compagnie échoue dans son mouvement débordant par l'Est, en raison de la présence des marais où les hommes avancent avec de l'eau jusqu'à la poitrine"

    Une troisième attaque est nécessaire. C'est à 11 h qu'elle sera déclenchée, avec l'appui des tanks destroyers. La Maison de l'ingénieur, le sémaphore T et les Vissoules sont les objectifs du bataillon.

    JMO du 131e RI : "Les hommes réussissent à s'infiltrer jusqu'aux lisières Sud du village des Huttes, mais ils sont de nouveau arrêtés et la section du sous-lieutenant Dives qui avait atteint la lisière Nord-Est des Huttes par un mouvement tournant est soumise à des tirs d'armes automatiques et de mortiers qui l'obligent à se replier. La 13e compagnie en face de laquelle se trouvait la principale résistance allemande, a essuyé de fortes pertes ([le] sous-lieutenant Jandin qui est blessé au bras, se fait soigner et revient prendre le commandement de sa compagnie quelques instants après) et la 14e compagnie qui  opère dans les marais depuis le début de l'attaque est enterrée."

    A 11 h 45, c'est la 11e compagnie du sous-lieutenant Hurel qui est engagée à gauche de la "13" pour réduire au silence les armes automatiques qui barrent la route. Une relation de la compagnie Hurel précise : "La section de l'aspirant Lavigne progresse mais est arrêtée par un violent tir de mitrailleuses et de mortiers. Pertes : soldats Candrelier, évacué, sergent-chef Dubois, soldat Leloutre. L'aspirant Lavigne va chercher Dubois et Leloutre qui n'avaient pu être ramenés par suite du tir trop violent de l'ennemi. Le soldat Malabout est blessé au cours de cette opération." 

    Il faudra attendre 19 h pour qu'un ultime assaut soit lancé. Le JMO du 131e RI rend compte : "La 13e compagnie et la 14e compagnie fixent l'ennemi par le feu de leurs armes automatiques pendant que d'autres éléments effectuent un double mouvement de débordement à l'ouest et à l'est. A l'ouest, la 11e compagnie à laquelle se sont joints le commandant Nicolas [Léon Nicolas, chef d'état-major du régiment] et le sous-lieutenant Bleuse (EM du RI) progresse en liaison avec une unité espagnole, appuyée par un peloton de chars Somua. A l'est, le commandant Raynaud fait armer en voltigeurs une soixantaine d'hommes de la compagnie de mitrailleuses et engins dont il confie le commandement au capitaine Hulot. 

  L'objectif à atteindre est toujours le village des Huttes. Les ouvrages et différents blockhaus qui interdisaient le franchissement du Goulet finissent par céder sous ce nouvel assaut et tombent les uns après les autres." Il s'agit des ouvrages désignés sous les noms de code Y 09 et Y 33 par les Français, S 307 et S 307 A par les Allemands. Ils sont constitués de 22 blockhaus accueillant en particulier dix pièces de 20 à 164. Leurs feux avaient bloqué les hommes de la 3e compagnie du I/38e RI. 

    Mais enfin, à 20 h 30, l'appui des chars – un peloton de Somua qui a attaqué "par la crête l'ouvrage des Huttes, avec une compagnie du III/131" précise le rapport du lieutenant-colonel Durand -, conjugué à l'action du Bataillon étranger à l'ouest de la crête, a permis au bataillon Raynaud d'enlever le village des Huttes. 

    Ses pertes, selon le JMO du régiment : dix tués et 66 blessés. Arrivé dans la journée en soutien, mais maintenu en réserve, le 1er bataillon déplore pour sa part deux tués et six blessés. Côté ennemi, le bilan n'est pas négligeable : le 131e RI a fait 196 prisonniers, dont deux officiers. « Presque tous de la Kriegsmarine », précise le JMO. 

    Les archives du régiment citent les noms de l'adjudant chef Léopold Sudre, 32 ans, des sergents-chefs Roger Charpentier et Lucien Hue, du sergent René Monnier, 19 ans, du caporal André Morize, 21 ans, des soldats Roger Paulmier, 20 ans, et René Richard, 21 ans, comme ayant été tués durant ces opérations les 19 et 20 avril (1). 

  Parmi les blessés, elles mentionnent les noms des sous-lieutenants Raymond Gardebled, Robert Doléans et Charles Jandin, de l'aspirant Roger Basquin, de l'adjudant Eugène Germain, des sergents-chefs Jacques Dubois, Roland Gossant, Maurice Hamelin et Maurice Siriès, des sergents Jacques Morel, Gaston Soulage, Raymond Gaschet et Benoist Rapely ou encore, parmi les soldats, ceux de Jean Leloutre, Pierre Candrelier, Jean Malabout...

20 avril 1945

    La fin des combats dans le Médoc est proche. Ultimes objectifs : le Fort du Verdon et la Pointe de Grave. Pour les enlever, pas moins de trois régiments d'infanterie seront engagés : les 34e et 131e RI, le 154e RGA. Le 131e RI aura notamment pour objectif l'ouvrage dit du Sémaphore : celui du Verrier-Saint-Nicolas (Y 156/S 305). Tandis que le 34e obtient la reddition du colonel Prahl, commandant les troupes allemandes dans la poche, le I/131e RI (Vel) se heurte d'abord, dans sa progression, aux armes automatiques ennemies. Chef de section dans la 4e compagnie (capitaine Lucien Armanville), "le sous-lieutenant Bernard est grièvement blessé à l'épaule, rapporte le journal de marche du bataillon Vel. Après une marche sous-bois difficile et meurtrière, le bataillon est stoppé devant l'ouvrage Y 156", c'est-à-dire le sémaphore du Verrier-Saint-Nicolas. 

    Dans cet ouvrage, considéré comme "le plus important de la Pointe de Grave", la résistance est animée par le capitaine de corvette Birnbacher. "Les Allemands refusent de se rendre et abattent ceux des leurs qui désertent pour essayer de se constituer prisonniers", assure le JMO du 131e RI. 

     En fin d'après-midi, les TD du 13e régiment de dragons, qui ont franchi le fossé anti-chars, puis surtout, vers 18 h, l'aviation française intervenant en piqué attaquent l'ouvrage, qui sera également investi par le II/154e RGA. "Le groupe franc des transmissions pénètre le premier dans l'ouvrage qui est totalement occupé en moins d'une demi-heure, indique le JMO du bataillon Vel. On compte 140 prisonniers dont 20 officiers". Parmi eux : Birnbacher. Au III/131e, qui agissait à l'ouest de l'ouvrage, on parle pour sa part de 17 prisonniers. Pour cette journée, la dernière des combats, le régiment déplore deux morts et 18 blessés. « A 22 h, toute résistance allemande [a] cessé dans toute la Pointe de Grave », indique le JMO du 131e RI. Une nouvelle poche du Sud-Ouest vient de tomber.

22 avril 1945

    Prise d’armes au terrain d’aviation de Grayan en présence des généraux de Gaulle et de Larminat. Le soldat Robert Soyer (CB I/131e RI) est décoré de la Croix de guerre, le sergent-chef Tachet (13e compagnie du III/131e RI) de la médaille militaire. 

30 avril 1945

    Après s'être battus dans le Médoc en renfort de la Brigade Carnot, les Aubois et les Euréliens sont mis à la disposition de la Brigade Marchand qui a reçu pour mission de conquérir l'île d'Oléron. Le Jour J de cette opération de débarquement française est fixé au 30 avril 1945. Le 131e RI ne fait pas partie de la première vague qui prend pied sur le sol d'Oléron : celle-ci concerne les 50e et 158e RI, ainsi que le Bataillon de fusiliers-marins de Rochefort.

    Le JMO du 131e RI évoque sa participation aux opérations, après avoir débarqué : "Afin de reconnaître les possibilités d'exploiter en direction de Saint-Pierre-d'Oléron où se trouve le PC du commandement allemand, le lieutenant-colonel Durand donne au lieutenant de Fleurieu, commandant le peloton de six chenillettes du 18e chasseurs, la mission suivante : reconnaître si la Pointe d'Ors et le château sont occupés et dans quelles conditions, reconnaître si l'ennemi tient Dolus sur la route de Saint Pierre-d'Oléron." 

    Norbert Durand, qui avait pris le commandement de l'infanterie de la Division Marchand, accompagne les chasseurs à cheval qui font une trentaine de prisonniers en marchant sur le château, puis une douzaine d'autres à Dolus. JMO : "A La Dresserie, faubourg de Saint-Pierre, il rencontre une résistance organisée (mitrailleuses lourdes et quatre pièces de 77) et les chenillettes se replient sous le feu de l'artillerie ennemie. Un petit poste ennemi commandé par un officier est encore capturé." 

 A l'ouest, "la situation n'est malheureusement pas aussi favorable ; nos troupes sont sérieusement accrochées aux Allassins par des tirs de mortiers et de mitrailleuses ennemies. Les fusiliers-marins du capitaine Dupain [Dupin] de Saint-Cyr subissent des pertes, la fatigue se fait sentir et ils doivent se replier sur Grand-Village pour passer la nuit". Une nuit que les Allemands présents aux Allassins mettent à profit pour se replier, tandis qu'une section de la 1ère compagnie du I/131e arrive dans l'île à 23 h.

1er mai 1945

    C'est à 11 h, le lendemain, que devant l'absence de réaction ennemie, le II/131e RI et les chars sont lancés dans l'action. Ces éléments "dépassent le 50e RI pour attaquer Saint-Pierre par débordement, avant de pousser jusqu'à la pointe Nord de l'île en nettoyant la zone Ouest de la route nationale. L'ennemi réagit énergiquement à la ferme de la Clairière, à La Dresserie, mais à midi ces derniers îlots de résistance faiblissent. 

     A 14 h, un groupe de volontaires sous le commandement du capitaine Bourguignon attaque le garage allemand, puis la Kommandantur de Saint-Pierre-d'Oléron, faisant prisonniers 20 officiers et 30 sous-officiers. Le capitaine de corvette Graft von Schmitz, commandant l'île d'Oléron, est parmi les prisonniers". C'est sur l'ordre de celui-ci que les ouvrages des Boulassiers et du Douhet se rendront.              Tandis que le 158e RI prend les ouvrages de la région de Sauzelle-Boyardville, "le II/131 et les chars prennent à revers les défenses de la Thibaudière-Bonnemie, nettoient la région Ouest et dégagent les abords mêmes de Saint-Pierre-d'Oléron "

     A 19 h, le drapeau français flotte sur le fort de Chassiron. Une heure après, l'île était redevenue française. Selon le JMO du régiment, dont un homme, Ploton, du II/131e, sera décoré de la croix de guerre le lendemain par le général de Larminat, 1 700 prisonniers ont été faits. 

     Le 131e et le I/32e régiment d'artillerie resteront dans l'île comme troupes de garnison. Mais le régiment ne méritera pas de citation pour ces opérations. Le général René Marchand s'en expliquera dans une lettre : "Ce bataillon progressa rapidement, libéra le nord-ouest de l'île et ramassa de nombreux prisonniers, il atteignit le soir la partie Nord de l'île sans avoir rencontré de résistances organisées. Ce bataillon a donné toute satisfaction mais n'a guère eu l'occasion de montrer sa tenue au feu".

    (1) Parmi les hommes du 131e RI tués ou mortellement blessés devant Le Verdon ou Royan, citons également : Raymond Durand, 19 ans, Maurice Laine, 23 ans, Félix Satroka, 27 ans, Rémy Daubenton, 19 ans, Jacques Dietenbeck, 17 ans et six mois, Raymond Germain, 20 ans, Jean Payen, 19 ans, André Humbert, 20 ans, Louis Orlandi, 27 ans, André Ravise, 24 ans, Omar ben Mohamed, Pierre Dommange, 19 ans...

Sources : archives du 131e régiment d'infanterie, GR 12 P 23, SHD, Vincennes. 




dimanche 13 avril 2025

Le bataillon du Lot-et-Garonne (34e RI) au combat dans le Médoc, 14-20 avril 1945


Un combattant français de la Brigade Médoc. 

     Le Bataillon Atlantique (du Lot-et-Garonne) est arrivé sur le front du Médoc le 12 décembre 1944, et il est monté en ligne le 16 février 1945. Initialement, il était sous les ordres du commandant Maurice Baril. Puis le commandant Jean Barret, l'ancien chef du Bataillon Jasmin (et des Corps-francs de la Libération du Lot-et-Garonne) en a pris le commandement, y compris lorsque l'unité est devenue 3e bataillon du 34e régiment d'infanterie (III/34e RI) le 28 mars 1945.

    Les compagnies du bataillon lot-et-garonnais sont sous les ordres du lieutenant Le Merle (1ère puis 11e), du capitaine Rouseau (2e puis 12e), du capitaine Pierre Gadail (3e puis 13e), du capitaine Louis Abadie puis du lieutenant Michel (CA puis 14e), du capitaine André Huser (compagnie de choc puis 15e). 

    Le 14 avril 1945, la Brigade Médoc du lieutenant-colonel Jean de Milleret (Carnot) passe à l'offensive pour réduire la Poche dite du Verdon. Pour le 34e RI du lieutenant-colonel Léonce Dussarat et du commandant Jean Badie, engagé à l'est de la brigade, les opérations commencent avec la prise de Château Canau. Puis le régiment, également composé de Landais et de Girondins, progresse en direction du Chenal Neuf, dans la nuit du 14 au 15 avril. "Avance pénible sur terrain inondé", note le journal de marche de la compagnie de choc.

    Au matin du 15 avril 1945, le 34e RI arrive devant l'ouvrage UP 9. Il est 6 h 30 lorsque les Allemands ouvrent le feu à l'approche des fantassins. Riposte des Français, qui empêchent une tentative de sortie de la garnison. C'est le début d'une rude journée, marquée par des échanges de tirs d'artillerie et d'armes automatiques.  A 7 h 15, un tireur à la mitrailleuse, le soldat Joseph Bauer, 22 ans, "est tué à son poste de combat", précise le JMO de la 15e compagnie (Huser). Celle-ci déplore également deux blessés. Deux autres mitrailleurs puis deux brancardiers seront encore touchés dans la soirée. A 22 h, l'unité doit se résoudre à se replier sur la base de départ, le Marais des Pêcheries. Ce décrochage permettra à l'artillerie et l'aviation françaises d'entrer en action. Parmi les blessés d'une journée rendue difficile par un soleil "très chaud" (rapport du commandant Baril), la 14e compagnie (d'appui) du III/34e cite le sergent-chef Crosnier, le sergent David, les soldats Lépinotré, Villate et Michelot.

    Le 16 avril 1945, le I et III/34e RI reprennent leur marche en avant mais sont bloqués devant Port-Saint-Vivien et dans les marais devant le chenal de Saint-Vivien. C'est le II/34e qui débloque la situation en occupant le Château sans nom puis Port-Saint-Vivien, enfin la Pointe aux Oiseaux.

    Le 18 avril 1945, le II/34e du commandant Robert Duchez franchit le chenal de Talais et contourne un sérieux obstacle, le fossé anti-chars. Il prend contact avec le III/34e (Barret) qui, lui aussi, a subi de lourdes pertes. Le journal de marche de la compagnie de choc rapporte : "Midi : ordre d'attaquer des positions ennemis du fossé anti-chars ayant subi de violents bombardements par l'aviation. Franchissement du fossé côté Est au bord de la Gironde. [...] Subissons un violent tir d'artillerie ennemie. Cinq hommes commotionnés soufflés par une bombe fusée. Quarante prisonniers. L'ennemi devant nous fait sauter un pont sur la route départementale." Selon le JMO de la 14e compagnie (Michel), c'est à 14 h 25 qu'un tir d'artillerie a tué les soldats Léon Cégeski, 20 ans, et Ernest Prouvé, 21 ans, mortellement blessé les soldats Fernand Marrot, 17 ans et demi, et Gabriel Bonnet, 18 ans. Tous appartenaient à la 1ère section de mitrailleuses qui appuyait la 12e compagnie. Pour sa part, la 15e compagnie (de choc) enlève deux rampes de lance-fusées, faisant 35 prisonniers. Bientôt se présente l'ouvrage Y 23, qu'attaqueront de face la 12e compagnie - toujours accompagnée des mitrailleurs du lieutenant Michel - et par débordement la 15e. La résistance de la garnison oblige à un repli "dans les ouvrages ennemis sur le fossé anti-chars" (JMO de la 14e compagnie). Durant cette journée, le Bataillon Atlantique aura également à déplorer la mort du lieutenant Charles Kempeners et de René Bodey. 

    Le 19 avril 1945, le 34e RI, qui a obtenu dans la nuit la reddition du blockhaus de La Longue, reprend sa marche en avant, avec pour objectif Le Verdon. Le III/34e RI progresse en direction de la Grande-Sarretière et du Môle du Verdon. La compagnie Huser franchit le chenal, réduit des nids de mitrailleuses, entre dans Le Verdon, tout comme le II/34e. Le journal de la 15e compagnie rend compte : "Combats de rues. L'ennemi paraît désorganisé. Certains Allemands se replient vers la Pointe de Grave, d'autres  vers le Môle. Quarante-cinq prisonniers. Attaquons le centre de la ville. Le commandant de la place se rend sans combat." L'opération permet au 34e RI, qui réalisera la liaison avec le 131e RI, de libérer des prisonniers français. A midi, le capitaine André Huser hisse le drapeau français sur le château d'eau du môle d'escale. 

    Les combats ne sont pas terminés. Dans la soirée, le III/34e RI qui suit la voie ferrée Le Verdon - Soulac-sur-Mer progresse en direction de la Pointe de Grave. Il passe la nuit sur place.

    Le 20 avril 1945, une ultime manoeuvre de la Brigade Médoc permet d'enlever le Fort du Verdon et la Pointe de Grave. La poche a enfin été réduite. Le 34e RI aura perdu au moins 27 tués identifiés durant ces sept jours de combat.

Sources : archives du 34e RI, GR 12 P 8, SHD.

mercredi 9 avril 2025

Les 33e et 34e régiments d'infanterie (1944-1945)


Le lieutenant-colonel Dussarat présente le drapeau du 34e RI au général de Gaulle. 
Photo parue dans l'ouvrage "Le front du Médoc. Une brigade FFI au combat".


33e régiment d'infanterie

Chef de corps : colonel Léon Gros.

Recréé le 15 janvier 1945 sur ordre du général Deligne, commandant la 1ère région militaire (Lille), avec des bataillons mis sur pied entre le 16 septembre et le 30 octobre 1944. Porte également l'appellation de 33e RINE (régiment d'infanterie non endivisionné).

Organisation : état-major à Valenciennes. 1er bataillon (Arras) : commandant Heduy. 2e bataillon (Lille) : commandant Gauthier Sainte-Marie, mis sur pied comme I/43e RI. 3e bataillon (Saint-Omer) : commandant Léon Pecqueur puis capitaine Helme-Guizon, créé comme IV/110e RI. Le régiment est équipé à l'anglaise. A noter qu'il existait également un V/33e RI (bataillon de marche de Cambrai) du capitaine Henri Roger, versé au 1er RI.

Opérations 

7 avril 1945 : le II/33e RI fait mouvement vers la Poche de Dunkerque. Installé à Bourbourg, Looberghe, Craywick, à la distillerie du Grand-Millebrugghe.

10 avril 1945 : action offensive allemande contre les positions du II/51e RI. Le II/33e RI reçoit l'ordre de réoccuper Vanherseck, Stevenoo et le pont de Spcyker qui étaient perdus. La ferme Vanherseck ne peut être reprise par la 6e compagnie que le capitaine Galland, commandant la compagnie de commandement, reprend en main.

11 avril 1945 : reprise de l'attaque à 17 h 30. "La 9e compagnie parvient à Stevenoo mais est prise sous un violent tir de barrages qui lui inflige des pertes sévères" (historique du 33e RINE). L'opération est un nouvel échec, les hommes se replient à minuit. Le II/33e RI a perdu quatre morts, huit disparus et 40 blessés dont le lieutenant Verwickt (9e compagnie) et le sous-lieutenant Isnard, commandants de compagnies. Il a fait cinq prisonniers.

12 avril 1945 : le I/33e RI parti d'Arras arrive sur le front de Dunkerque, à Bourbourg, et monte en ligne derrière le II/33e RI.

15 avril 1945 : la section du sous-lieutenant Roger Callewaert (8e compagnie) appuie une attaque de la brigade tchèque sur le pont de Spycker, Stevenoo et la filature. C'est encore un échec, qui lui coûte quatre tués dont le sous-lieutenant Callewaert et huit blessés.

16 avril 1945 : nouvelle action offensive allemande. Le II/33e RI plie mais ne rompt pas. Il fait cinq prisonniers. Dans la nuit du 16 au 17, le I/33e RI relève le 51e RI sur ses positions.

17 avril 1945 : une trêve permet le retour de six prisonniers du II/33e RI.

1er mai 1945 : le sous-lieutenant Agulhon du II/33e RI est blessé à mort en piégeant sa position.

2 mai 1945 : le capitaine Basseux (8e compagnie), les sous-lieutenants Sauvage et Guittard sont blessés par l'explosion d'une grenade.

5 mai 1945 : ultime accrochage impliquant le 33e RI. A la reddition de Dunkerque, il aura perdu seize tués et 81 blessés. 

Sources : archives du 33e RI, GR 12 P 8, SHD.


34e régiment d'infanterie

Chef de corps : lieutenant-colonel Léonce Dussarat (Léon des Landes).

Recréé le 21 décembre 1944 (officiellement le 1er janvier 1945) sur le front du Médoc. Une note de service du colonel Jean de Milleret, commandant la Brigade Carnot et datée du 8 décembre 1944, avait prescrit la création du II/34e RI par fusion du Bataillon Aturin (dit d'Aire-sur-Adour) et du Bataillon Doussy.

Organisation : Chef d'état-major : commandant François Badie. 1er bataillon (commandant Louis Claverie) : issu des Bataillons Nord-landais et Georges. 2e bataillon (commandant Tramond puis commandant Robert Duchez) : issu du bataillon Aturin (commandant Tramond puis capitaine Baradat), du Bataillon d'Arcachon (Duchez) et de la Compagnie Doussy. 3e bataillon (commandant Jean Barret) : 

15 janvier 1945 : le II/34e RI relève le II/7e RIC (et le I/7e RIC le 17 janvier). Son PC est à Dignac.

31 janvier 1945 : deux tués au régiment.

15 février 1945 : une patrouille du I/34e RI perd six prisonniers dans un accrochage sur la route La Hourcade - Saint-Vivien.

17 mars 1945 : le lieutenant Graille de la 3e compagnie est blessé.

28 mars 1945 : le Bataillon Atlantique du Lot-et-Garonne (commandant Maurice Baril puis commandant J. Barret), arrivé le 12 décembre 1944 dans le Médoc et présent en ligne depuis le 16 février 1945, est rattaché au 34e RI dont il forme le 3e bataillon.

14 avril 1945 : offensive de la Brigade Carnot contre la Poche du Médoc. Le 34e RI occupe Château-Canau.

15 avril 1945 : progression "pénible sur terrain inondé". Le régiment est accroché devant l'ouvrage UP9. La journée est rude, le soldat Joseph Bauer, notamment, est tué. A 22 h, repli sur le Marais des Pêcheries, la base de départ.

16 avril 1945 : parti de Saint-Vivien, le II/34e RI prend Port-Saint-Vivien et prend les défenses de la Pointe des Oiseaux.

18 avril 1945 : le régiment a pour objectif Neyran. Le chenal de Talais est franchi, le fossé anti-chars atteint, et la coupure franchie par la plage. Les pertes sont très lourdes : à la 10e compagnie du II/34e (lieutenant Lalanne), les soldats Jean Duviella et Julien Laffitte sont tués ; la 6e compagnie (lieutenant Frisou) déplore cinq morts ; le III/34e (Lot-et-Garonne) est également éprouvé : le lieutenant Charles Kempeners, Léon Cégeski et Ernest Prouvé ont été tués, Fernand Marrot et Gabriel Bonnet mortellement blessés... Au moins treize soldats du 34e RI ont perdu la vie ce jour-là.

19 avril 1945 : après la reddition du blockhaus de La Longue, le régiment participe à la progression sur Le Verdon (II et III/34e RI). Ses hommes entrent dans la matinée dans la localité, où le II/34e libère des camarades capturés à Saint-Vivien ainsi que des prisonniers du 154e régiment du génie d'assaut (2e régiment d'infanterie du Lot). Puis le drapeau français est hissé sur le château d'eau du môle d'escale par le capitaine André Huser, commandant la compagnie de choc du III/34e RI (15e compagnie). Direction ensuite la Pointe de Grave. Le sous-lieutenant Martin, de la 10e compagnie, est blessé, mais à 22 h, la liaison est réalisée avec le 131e RI.

20 avril 1945 : le capitaine Jean L'Huillier, du I/34e RI, obtient la reddition du colonel Prahl, commandant la forteresse Médoc. Les combats s'achèvent avec la prise de l'ouvrage Y 156.

22 avril 1945 : le commandant Badie, qui avait le commandement opérationnel du régiment pour ces opérations, est fait chevalier de la Légion d'honneur, et le soldat Octave (9e compagnie) reçoit la Croix de guerre lors d'une cérémonie à Grayan.

6 mai 1945 : décès à Villenave-d'Ornon de Guy Géraud, 16 ans, des suites de ses blessures.

Sources : archives du 34e RI, GR 12 P 8, SHD.


Le 32e régiment d'infanterie (1944-1945)


Le lieutenant-colonel Costantini défile à Tours à la tête de la 32e demi-brigade.
Photo parue dans le livre de Jean Druart, Le Maquis d'Epernon.

Chef de corps : lieutenant-colonel René Costantini, 41 ans, puis lieutenant-colonel Langlet (5 avril 1945).

Créé le 15 octobre 1944 par changement d'appellation de la 32e demi-brigade (groupement d'Epernon de la Brigade Charles-Martel jusqu'au 25 août 1944). Recruté dans l'Indre-et-Loire. Organisation : 1er bataillon du commandant Louis-Raoul Vialle, 2e bataillon du commandant Gabriel Robillard.

11 novembre 1944 : dirigé sur la Poche de Saint-Nazaire.

13 novembre 1944 : le II/32e RI relève le 6e bataillon de Loire-Inférieure (capitaine Jean Raux dit Lassere) à Saint-Etienne-de-Montluc (PC à Saint-Thomas). Le I/32e arrive dans la même localité le lendemain. Un bataillon tiendra le quartier du Temple-de-Bretagne, l'autre s'installera à La Haie-Meriais. Le lieutenant-colonel Costantini commande le sous-secteur de Saint-Etienne-de-Montluc.

27 novembre 1944 : première victime sur le front, le caporal Gabriel Aviron (I/32) est mortellement blessé. Il décède le lendemain à Nantes.

18 décembre 1944 : le bataillon VII/4 est versé dans le I/32e RI. Ce bataillon, dit Dominique, a été recruté en Indre-et-Loire. Il avait accueilli la 1ère compagnie de la Mayenne du capitaine Léon Bodin. Sous les ordres du commandant Wilfried Libot (Dominique), il est au front dans la partie Sud de la Poche de Saint-Nazaire depuis septembre 1944, ayant notamment perdu trois officiers tués. Le commandant Desteaux de ce bataillon devient adjoint au lieutenant-colonel Costantini.

17 janvier 1945 : le sergent-chef Charles Dorigny (I/32e RI) est tué à Cordemais.

16 février 1945 : la compagnie Maréchalle du groupe d'escadrons de Rochecouste (FFI du Maine-et-Loire) devient 4e compagnie du II/32e RI.

18 février 1945 : le 8e bataillon de la Sarthe prend l'écusson du III/32e RI (il devient officiellement ce bataillon le 1er mars 1945). Ce bataillon sous les ordres du capitaine André Demenois correspond à l'ancien bataillon III/4.

2 mars 1945 : les sous-lieutenants René Monnier et Guy Berset de Veaufleury du I/32e RI exécutent une patrouille à La Croix Marzelle. "Le lieutenant Monnier qui est en tête de la colonne se prend dans un fil de fer de mine, cette dernière explose" (journal de marche du 32e RI). Les deux officiers sont tués.

17 mars 1945 : toute la CA (lieutenant Viguié) du I/32e RI est "habillée en tenue anglaise".

1er avril 1945 : création de la 25e division d'infanterie (général Raymond Chomel) à laquelle le 32e RI est affecté.

Avril 1945 : le 32e RI incorpore des volontaires d'unités dissoutes : le 5e bataillon de Loire-Inférieure du capitaine René Karrière, le 6e bataillon de Loire-Inférieure, la compagnie du capitaine Guy Vigière d'Anval du 7e bataillon de Loire-Inférieure (elle devient la 5e compagnie du II/32e RI), etc. 

19-20 avril 1945 : le régiment perd deux morts et six blessés.

21 avril 1945 : le II/32e RI déplore trois tués à cause de tirs d'artillerie.

5 mai 1945 : Jules Fouillet et Marcel Croisnier sont portés disparus lors d'une reconnaissance. Ils sont déclarés morts pour la France.

9 mai 1945 : dans un ordre du jour, le lieutenant-colonel Langlet écrit : "Les hostilités cessent à partir de minuit. Trêve jusqu'à cette heure. Vive le 32e". La capitulation de la Poche de Saint-Nazaire a été signée à Cordemais.

Durant les opérations de Saint-Nazaire, le 32e RI (Brigade Charles-Martel et 8e bataillon de la Sarthe) aura déploré la mort de 43 hommes, dont le sous-lieutenant Maurice Fuzellier, décédé le 30 mai 1945 à Nantes.

Sources : archives du 32e RI, GR 12 P 7, SHD ; archives des bataillons de Loire-Inférieure, GR 13 P 81, SHD ; colonel Jean DRUART, Le Maquis d'Epernon, éditions Hérault, 1991.