Des soldats de la section Thiabaud, 3e compagnie. A gauche, Jean Paroissien et Mario Marchetti. (Collection M. Marchetti).
2 h 15.
Parti de Mulhouse où il cantonnait après avoir défendu pendant plusieurs semaines le point d'appui de L'Ile-Napoléon, le 1er bataillon (commandant Gilles Pâris de Bollardière) du 21e régiment d'infanterie coloniale gagne les environs de Cité Anna pour se porter sur sa base de départ : le Jungholtz, un petit bois situé à l'ouest de Cité Sainte-Barbe, son objectif. Les marsouins passent par le carrefour 236, théâtre de violents combats les jours précédents.
Caporal Jean Maire (5e groupe, 2e section, 1ère compagnie), de Poulangy (Haute-Marne) : "Nous distinguons une masse noire. C'est un half-track qui est immobilisé. Les pneus avant sont complètement cramés et il se dégage une forte odeur de brûlé. Sur le côté, un casque de tankiste semble recouvrir quelque chose de noir. A côté, un bras et la main complètement carbonisés. Et presque sous le véhicule, une masse noire qui est certainement le corps du malheureux conducteur."
Soldat Marcel Pesme (6e groupe, 2e section, 3e compagnie), de Laneuville-à-Bayard (Haute-Marne) : "Cela nous met tout de suite dans l'ambiance".
La Cité Sainte-Barbe et l'usine Théodore. (Collection Marcel Heckenroth).
6 h.
Des obus de 88 s'abattent sur le Jungholtz où le bataillon qui s'y est installé est repéré.
Caporal Guy Seigle (3e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Fronville (Haute-Marne) : "Un jeune, arrivé le 30 janvier à la caserne de Mulhouse et affecté dans mon groupe, est touché d'un éclat d'obus. Un obus de mortier dévié par des branches d'arbre tombe à côté de moi sans exploser. Nous sommes plaqués au sol. Nous nous faisons le plus petit possible. On entend des blessés appeler."
Soldat Abel Mangin (2e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Sommeville (Haute-Marne), incorporé le 30 janvier 1945 : "J'étais derrière une touffe de jeunes arbres, attendant la fin de cet enfer, quand Pierre Delaborde est venu me voir et m'a pris sous sa coupe. Nous nous sommes rendus près d'un soldat qui était allongé. Il l'a secoué mais il était mort. C'était mon caporal (1). [...] Jules Lamontagne servait dans mon groupe, il a été blessé sur la base dé départ, un éclat de mortier lui ayant sectionné le tendon d'une jambe. Lucien Martin, de Fontaines-sur-Marne, a été blessé lui aussi dans les mêmes conditions, un éclat dans l'abdomen. "
Soldat Pierre Delaborde (2e groupe, 2e section, 2e compagnie), de Roôcourt-la-Côte (Haute-Marne) : "René Picard, mon chargeur au FM, a été blessé par un éclat d'obus, alors qu'il était assis contre un arbre à mes côtés, avant l'attaque. [...] Guillot de Rolampont l'a remplacé."
Caporal Jean Maire (1ère compagnie) : "Cela dure trois quarts d'heure. La terre tremble. Quand nous nous relevons, les trous apparaissent remplis d'eau glacée et nos vêtements sont complètement trempés sur le devant. Durant le bombardement, nous n'avons rien senti."
6 h 50
Début de la préparation d'artillerie. A peine moins de cinq minutes se sont écoulées lorsque les marsouins s'élancent sur le long terrain découvert séparant le bois de la cité. La 2e compagnie (lieutenant Antoine Chabot) est en pointe.
Caporal Guy Seigle (2e section, 2e compagnie) : "Nous progressons par bonds en nous couchant le plus souvent dans la neige fondue. Arrivés aux premiers bosquets, des Allemands se montrent en levant les bras. [...] Certains obus tombent même sur mon groupe. [...] Des balles allemandes arrivent sur nous. Deux hommes tombent, l'un devant moi, l'autre à côté. [...] A l'approche des jardins, j'entends le commandant d'unité crier : "Baïonnette au canon !"."
Soldat Abel Mangin (2e section, 2e compagnie) : "Avec Delaborde, j'ai retrouvé le groupe, ou ce qui en restait, derrière un transformateur, devant des tranchées allemandes desquelles partaient des grenades à manche. Nous avons fait quelques prisonniers que j'ai conduits à l'arrière au PC du lieutenant Chabot. Je suis revenu le long d'un plan d'eau. J'y ai vu quelques blessés dont René Picard qui attendait les infirmiers. Les obus continuaient à tomber sur le plan d'eau et les environs."
Soldat Jean Collot (3e section, 2e compagnie), de Marnaval (Haute-Marne) : "A 7 h, en avant ! Nous progressons sur un terrain complètement nu et inondé, pataugeant dans cette sorte de grande mare, nous prenons par moment de bons bains, car les fossés sont invisibles. Il fait encore sombre, notre artillerie fait merveille, et c'est un splendide feu d'artifice sur les puits de potasse et sur la cité que nous offrent nos canons."
Soldat Jean Guillon (groupe de commandement, 3e section, 3e compagnie), de Doulcon (Meuse) : "Les environs, c'était marigots gelés et enneigés. En nous "étalant" sur la glace, arrive ce que nous redoutions, surtout avec nos charges d'obus de rocket : la glace céda. Et plouf pour nous quatre ou cinq jusqu'au cou ! Avec bien du mal, nous nous en sommes sortis et avons repris la progression, pour voir le capitaine Eon déjà aux premières maisons. Là, un civil alsacien donnait des directions et avait l'air de renseigner sur les positions "schleuhs"."
Soldat Marcel Pesme (2e section, 3e compagnie) : "Un violent tir de 88 nous a fait obliquer sur la gauche, traverser un fossé plein d'eau - car la neige fondait - et obliquer ensuite à droite pour entrer dans la cité. Là, nous avons été accueillis par le tir des Allemands. A ce moment-là, Marceau Feit a reçu la balle qui l'a tué."
Aspirant Pierre Thiabaud (3e section, 3e compagnie) : "Si mes souvenirs ne me trahissent pas, Pernoud et Vasseur ont été blessés dans le Jungholtz, en même temps que Gratessol, François et Leclerc, par le tir d'arrêt de l'artillerie allemande, avant le débouché sur la cité."
Soldat Paul Rivault (1ère section, 3e compagnie), de Rouillé (Vienne) : "Nous avons franchi rapidement la distance entre le bois et les habitations que nous avons atteint sans perte. Les gens terrés dans les caves nous ont prévenus que les Allemands étaient cachés dans presque chaque habitation. Alors que nous parlions à ces personnes, nous avons essuyé les premiers tirs, sans dégât."
A gauche du dispositif, la 1ère compagnie (capitaine Robert Vial) a pour objectif l'usine Théodore.
Caporal Jean Maire (2e section) : "Sur notre droite, nous pouvons assister à l'assaut de la 1ère section. Sur un fond de ciel rougeoyant, à moins de 100 mètres, nous distinguons de profil les nombreuses silhouettes sombres qui s'élancent, le fusil à la main, et nous entendons leurs cris de sauvage. Le spectacle est saisissant. [..] De toutes parts, les balles claquent, venant d'on ne sait où. [...] Derrière moi, j'entends un cri. C'est Grandperrin - un nouveau qui croit avoir été touché. Il a la manche de capote coupée à hauteur de poitrine, mais la balle a seulement égratigné son bras. [...] Il y a un petit terrain découvert que nous devons traverser en rampant. Au bout, nous franchissons une clôture en grillage dans laquelle notre chef de groupe a pratiqué une ouverture à l 'aide de sa pince coupante. [...]"
Caporal René Pitollet (2e groupe, 1ère section), de Saint-Michel (Haute-Marne) : "Riposte des Boches avec leurs canons à six tubes, dont le bruit ressemblait au beuglement d'une vache. Gilbert Lecomte est tué dès le départ ainsi que Jean-Baptiste Raspès qui faisaient partie de mon groupe."
7 h - 9 h, Cité Sainte-Barbe
Caporal Guy Seigle (2e compagnie) : "Nous repartons en franchissant une route. [...] Les haies des jardins se passent facilement. Nous avançons vers les premières maisons. Avec quelques hommes, je me dirige vers l'école en traversant la place sur laquelle se trouve un rond-point couvert de végétation. Les Allemands se retirent des maisons qu'ils occupaient avant notre arrivée pour nous précéder à l'école. Voyant cela, notre chef de section nous fait signe de bifurquer vers une maison à droite de l'école, mais celle-ci est sous le feu des Allemands embusqués et nous nous trouvons bloqués là. [...] Le reste de la compagnie se débat toujours dans les jardins des premières maisons du village. [...] Nous occupons seulement deux maisons : le chef de section est dans l'une et moi avec le sergent et le groupe FM dans l'autre. Nous formons ainsi une petite enclave de huit à dix hommes dans deux maisons."
Soldat Paul Rivault (3e compagnie) : "Nous avons franchi deux ou trois pâtés de maison avant d'arriver en bordure du terrain de foot. Nous devions le traverser pour atteindre les maisons en face où étaient embusqués les Allemands. Ils nous voyaient arriver et nous ont pris sous un tir nourri de fusil et de mitrailleuse. [...] J'ai dû être blessé au troisième bond en avant ordonné par le caporal [Régin] qui avait pris le commandement du groupe." (2)
Soldat Aimé Poirot (1ère section, 3e compagnie), de Saint-Dizier (Haute-Marne) : "Une auto-mitrailleuse allemande débouche et passe en trombe devant nous. Elle était sans doute surprise de tomber sur des Français. Nous aussi. On se jette à terre. La blindée n'ouvre pas le feu, elle écrase la palissade d'une maison, pénètre dans le jardin et se retranche derrière l'habitation. J'appelle François Roussille. C'était un garçon de Versailles, qui avait un différend avec son père, un docteur qui a fait 14-18, et il voulait à tout prix rentrer chez lui avec la Croix de guerre. Je dis à Roussille : "Viens avec moi, on va grimper dans la maison et on va tirer sur l'auto-mitrailleuse par le haut". Mais il ne m'écoute pas : il s'agenouille et il arme son fusil lance-grenades. Les Allemands le voient et lui envoient un obus dans la poitrine. Roussille est projeté au milieu de la route. [...]
Nous étions trois en tête : le caporal Blanchard à gauche, Billey au centre, devant, et moi à droite, légèrement en retrait. Une rafale est partie d'une cave sur la droite : les balles m'ont frôlé sans me toucher, mais Billey a été grièvement blessé dans le bas-ventre, et Blanchard a reçu une balle dans la cuisse, plus légèrement. [...] Nous voyons un canon de 37 mis en batterie. Depuis une maison, je tire au lance-grenades sur le canon, qui est mis hors d'usage. Un servant est tué d'un éclat au front, les trois autres se replient mais seront faits prisonniers. Pendant ce temps, l'auto-mitrailleuse s'est cachée derrière un garage. Elle tire sur nous. Une balle touche l'anneau-grenadière de mon fusil, un prisonnier près de moi reçoit des balles dans le bras et dans le pouce, Rondeau est blessé au genou."
8 h
La 3e section (sous-lieutenant Roignant) de la 1ère compagnie avait pris rapidement l'usine. Mais une contre-attaque allemande - une cinquantaine de fantassins appuyés par trois blindés - est rapidement lancée.
Caporal Jean Maire : "Voici que des hommes se replient : ce sont des blessés de la 3e section qui rejoignent le poste de secours. Le sergent Thomas, qui traîne sa jambe avec beaucoup de mal, nous apprend que plusieurs camarades sont tués, dont le caporal Roger Clément."
Capitaine Robert Vial : "Nous apercevons, par les perspectives des rues, un groupe compact ennemi qui se porte, au pas de gymnastique, du centre de la cité vers l'usine. [...] Très vite, la contre-attaque se développe : elle prend l'usine d'enfilade et parvient, en l'espace de quelques minutes, au contact de ma compagnie, qu'elle fusille du haut des fenêtres de grands bâtiments. [...] Il faut évacuer la baraque attenante à l'usine, où nous avons rassemblé les prisonniers. Mouvement périlleux que le chef de section exécute avec un sang-froid remarquable. [...]"
Devant l'école, avec la 2e compagnie
Soldat René Lambert (3e groupe, 2e section), Parisien engagé en Haute-Marne : "L'adjudant-chef Delattre m'a commandé d'aller, à travers les jardins, chercher des munitions pour le lance-grenades. A mon retour pour approvisionner les tireurs de la section, j'ai entendu un coup de feu. Et c'est un copain qui était en train de viser en direction des tireurs embusqués qui s'est fait tuer à mon passage. [...]"
Soldat Abel Mangin (2e groupe, 2e ection) : "L'adjudant-chef Delattre [...] a fait appel à [Roland Sanrey] qui faisait fonction de grenadier, celui-ci s'est mis en position à l'angle d'un bâtiment. Il n'a eu que le temps de s'agenouiller et ouvrir la culasse de son fusil, avant de s'affaisser, tué par une balle en pleine tête."
Caporal Seigle (3e groupe, 2e section) : "Roland Sanrey me dit vouloir lancer une grenade à fusil sur un tireur qu'il a repéré dans le clocher de l'église. Malheureusement, il n'aura pas le temps de tirer car, repéré lui aussi, il est tué d'une balle en plein front par ce tireur qui embête tout le monde. (3) [...] Notre chef de section, lui, a réussi à passer [la rue], mais le sergent-chef Jeanjean, qui arrive avec quelques hommes, est blessé en essayant lui aussi."
Soldat Jean Collot (3e groupe, 3e section) : "Ballu, un camarade, tombe dans un jardin, aussitôt deux volontaires partent le chercher, quand le "Chleuh" d'en face, non content, tire sur les sauveteurs, et c'est un râle que l'on entend, car seul, Ballu est à nouveau touché, et arrivé près de nous, il meurt. Il était l'aîné de onze enfants." (3)
Le fonctionnaire caporal Georges Ballu. (Collection familiale).
9 h.
Un char ennemi intervient dans le cente de Sainte-Barbe.
Soldat André Herdalot (section de commandement, 2e compagnie), de Veuxhaulles-sur-Aube (Côte-d'Or) : "Un de mes camarades et moi-même tirons dessus. Mais le char ouvre le feu sur nous avec son canon et ses mitrailleuses. Des camarades tombent. [...]"
Soldat Jean Collot (3e section) : "Le lieutenant Agniel qui nous commandait ce jour-là était derrière la maison, quand le caporal Verson lui demande sa carabine, afin d'en descendre un, dit-il. Il n'a pas le temps de tirer, une balle vient le frapper en plein ventre. [...] Ce pauvre gars râlera pendant plus d'une heure, demandant à boire près de nous."
JMO du I/21e RIC : "Le char allemand plusieurs fois pris à partie par nos rockets, est allé se poster au nord-est du village."
Avec la 3e compagnie, devant la salle des fêtes (théâtre) et à l'extrême-droite de la cité...
Aspirant Thiabaud (3e section) : "C'est en abordant une [maison] que Robert Creux (16 ans et demi) est fauché par une rafale de mitraillette tirée d'un soupirail. Une dizaine d'Allemands sort ensuite de cette cave où se trouvaient également des civils. C'est la raison pour laquelle nous évitions de grenader systématiquement les caves ou de tirer au rocket, de peur de tuer et blesser des civils."
Soldat Jean Guillon (3e section) : "Robert [Creux] a été tué dans la maison, à l'assaut de l'étage côte à côte avec Combre. Marchetti et moi étions au pied du perron. La rafale, les rafales devrais-je dire venaient du haut et non du larmier, nous étions assez bien placés pour en juger. Creux aurait reçu les deux rafales, la seconde dans sa chute, au cours de laquelle il a heurté le caporal à un bras. [...] Régnait alors pas mal de confusion puisque nous apprenions aussi la mort d'Amode Dominici. Roger Georges a vu les deux Allemands sauter d'une fenêtre du haut [...], sûrement ceux qui venaient d'abattre Creux. Il les a canardés sans succès."
Aspirant Thiabaud : "A 9 h 30, ma section borde les lisières Sud de la Cité Sainte-Barbe."
Près de la salle des fêtes, l'auto-mitrailleuse se montre toujours aussi redoutable par ses tirs.
Louis Oudin (5e groupe, 2e section), de Saint-Dizier : "René Petitpas a reçu une balle dans la région du coeur, et Hubert Marsault une balle dans la cuisse. "Ca y est, je suis touché", a crié Petitpas. Je lui ai dit : "Ne t'inquiète pas, attends, les infirmiers vont arriver !" Mais il a appelé sa mère, et il est mort."
Le sergent-chef Jean Vignole et des hommes de la section Bernard progressent dans une rue.
Soldat Jean Dorckel (1ère section), de Saint-Dizier : "Une fusillade est partie du larmier de la cave. Vignole a été tué, Krzemenski blessé."
Soldat Aimé Poirot (1ère section) : "Krzemenski était père de cinq ou six enfants. Il a été touché au bras et à l'épaule, et il me suppliait : "me laisse passe, Mémé !"
Soldat Dorckel : "On est parvenu à rentrer dans la maison, on a ouvert la trappe qui mène à la cave et là un Alsacien, en allemand, les a fait sortir. Ils étaient deux, ils n'avaient pas 20 ans. Auzimour, à travers le soupirail, donnait à un des deux un coup de Thompson à l'estomac. Il était fou de rage, il criait "c'était mon copain ! C'était mon copain !". Les deux Allemands disaient "Polski ! Polski !". Mais ils portaient la croix de fer, et ils avaient des mitraillettes russes."
Sergent André Héno (5e groupe, 2e section) : "[Ils] n'avaient plus d'armes et s'étaient rendus. Un officier les a rassemblés dans la cour du théâtre, leur a demandé de faire leur prière et, malgré mon intervention personnelle, les a bel et bien descendus sans autre forme de procès. Vignole était mon ami, nous venions tous deux d'Afrique du nord. Il avait laissé au cours de notre passage en Algérie en 1943 et 1944, une fiancée qui l'attendait à Lapasset en Oranie."
Gilbert Hinderschiett.
10 h 30.
La salle des fêtes est enfin occupée, le PC de la 3e compagnie s'y installe. Concomitamment, les blindés du Régiment colonial de chasseurs de chars (RCCC) parviennent enfin à pénétrer dans la cité pour appuyer les fantassins.
Adjudant Georges Chapron (SME, 3e compagnie), de Saint-Dizier : "Nous préférons que les chars nous fassent appui d'artillerie avec leurs pièces de 76. Quand nous avons repéré une fenêtre ou un ennemi qui est caché, nous leur indiquons et cela ne dure que l'espace d'un instant : ni bas de mur ni bonhomme ne restent".
Caporal Seigle (2e compagnie) : "Au bout d'un quart d'heure, il y a déjà beaucoup de dégâts, des maisons brûlent en dégageant de la fumée. D'un bond, nous quittons notre position, traversons la rue pour entrer dans l'école. Je vois des Allemands en tenue blanche s'enfuir, nous leur tirons dessus. Ils sont empêtrés dans les haies des jardins. Mon groupe FM reçoit l'ordre de pénétrer dans le sous-sol de l'école."
11 h 15.
JMO du bataillon : "Un assaut vigoureux de la 2e compagnie après tirs très efficaces des TD et de la CCI enlève l'école." Là, dans le sous-sol, sont réfugiés environ 300 civils.
Capitaine Vial : "Girardon, sans avoir bien compris ce qui lui arrive, est d'un seul coup saisi par les épaules, porté en triomphe dans la cave aux vastes dimensions."
Soldat Herdalot (2e compagnie) : "Nous demandons l'appui des TD qui tirent aussitôt sur l'école et l'église. Le char allemand se retire, nous tirons au rocket sur l'école, puis avec un groupe de la 1ère section [lieutenant Marcel Girardon], nous la prenons d'assaut (cinq prisonniers)."
Soldat Collot (2e compagnie) : "Le caporal Leca a le doigt coupé par une rafale, le sergent Roy a un petit éclat près de l'oeil, Psonack est défiguré et mourra. [...] Nous arrivons enfin à l'église, après avoir traversé un terrain entièrement nu, tout est dévasté, seul un autel avec la Vierge et Jésus, en bois, est intact."
Midi.
Devant l'usine Théodore, la situation de la 1ère compagnie, après son repli, reste délicate.
Caporal Maire : "Nous commençons à nous organiser un peu mieux. Quelques moellons qui traînent sur place servent à édifier un muret qui va nous protéger. [...] Lhotel, du 4e groupe, vient de prendre une balle dans le bras droit. Il a très mal. [...] A une centaine de mètres à notre gauche, au sommet du crassier, une mitrailleuse a été mise en batterie. Mais les servants ont du mal à utiliser leur arme car ils sont repérés et dès qu'ils font dépasser leurs têtes, ils sont ajustés avec précision. [...] Le caporal Jean Duport, notre chef de groupe, veut essayer d'observer. Il se met debout, laissant dépasser sa tête au-dessus du tas de bois qui le protège. Au bout de quelques secondes, nous le voyons tomber à la renverse. Son casque roule à côté de sa tête et en plein milieu de son front apparaît un trou d'où le sang commence à s'échapper. [...] Encore quelques minutes, un dernier râle, et c'est la fin."
Début d'après-midi.
2e et 3e compagnies reprennent leur progression en direction de la partie Nord de Sainte-Barbe, où l'ennemi est toujours retranché.
Capitaine Vial : "Atteint d'une balle au genou, le soldat Hennequin rampe sous les trajectoires tendues. Croulant de fatigue, il s'arrête au milieu d'une rue. Le sergent-chef Noguera, un excellent joueur de rugby, l'observe du coin de la maison voisine : il s'élance, le ramasse sous un feu d'enfer, le dépose à l'abri, plonge par-dessus la clôture d'un jardinet où il se retrouve au milieu du groupe de commandement, nez à nez avec le capitaine Chabot qui l'attrape... et le félicite."
Soldat Jean Dubreuil (tireur FM, 3e section, 2e compagnie), de Bricon (Haute-Marne) : "J'ai été blessé d'une balle de parabellum tirée d'une fenêtre de cave en traversant la rue. Mon premier chargeur, Emile Nottebaert, de Froncles, natif du Nord, a pris ma place au FM."
16 h.
Soldat Jean Collot (3e section, 2e compagnie) : "Nous sommes encore bloqués dans une maison. Emile Nottebaert essaie de mettre en batterie son FM, il prend une balle dans le front. [...] Un gars montre son nez à la porte, de l'autre côté de la rue, il s'enhardit, mais les Boches l'ont repéré, et il s'écroule, une balle dans la jambe. [...] Quelques-uns des nôtres traversent la rue, la maison où ils sont, aussitôt repérée, prend quelques obus. Le sergent Roy, s'aventurant derrière, est tué."
Soldat Abel Mangin (2e section, 2e compagnie) : "Je me suis rendu à l'église, j'ai remarqué de nombreux corps et parmi ceux-ci, j'ai reconnu la chevelure blonde du sergent Roy, que j'avais vu cinq minutes avant : il venait d'être tué par un Allemand qui était posté dans une descente de cave."
Soldat Bernard Moginot (tireur FM, 1ère section, 3e compagnie) : "Je n'avais plus de munitions. Je me suis levé, je me suis caché derrière le mur de la maison pour recharger le fusil-mitrailleur, et j'ai reçu une balle dans la cuisse. Je n'y croyais pas. En réalité, c'était une balle perdue qui a ricoché contre le volet. Si j'étais resté à genoux, je la prenais en pleine tête !"
Soldat André Herdalot (section de commandement, 2e compagnie) : "A 6 heures et quart du soir, les derniers Allemands se rendent, le char et une auto allemande brûlent. [...] Pendant cette journée, ma compagnie a perdu 46 hommes : 35 blessés et 11 tués."
Capitaine Vial : "Vers 16 h, descendu de son char pour mieux guider le tir de son canon contre un ennemi qui se camoufle adroitement, Ricour (4) est atteint, comme Turenne, d'un obus en pleine poitrine, qui le coupe en deux.La lueur de départ du coup qui l'a brisé, trahit son adversaire que le tank-destroyer détruit dans la seconde qui suit."
16 h.
La 1ère compagnie repart à l'assaut de l'usine Théodore, perdue dans la matinée. Elle est appuyée par un peloton du 2e régiment de chasseurs d'Afrique.
Caporal Maire : "Au cri "En avant !", tout le monde s'élance en gueulant. Les chars soutiennent notre progression par leurs tirs. [...] Derrière moi, j'entends crier "En avant ! Allez-y les gars". C'est notre capitaine Vial qui [...] avance lui aussi à grandes enjambées, le colt au poing, sans casque, et le sourire aux lèvres...."
Capitaine Vial (5) : "Une attaque grand style est montée pour l'enlever d'un seul coup. [...] Au moment même où tombe la nuit, l'usine est prise d'un seul élan : il ne reste plus qu'à réduire durant la nuit des résistances sporadiques qui se réveillent de temps en temps."
18 h.
Soldat Mario Marchetti (3e section, 3e compagnie), de Bar-le-Duc : "Nous n'avions pas dormi depuis 36 heures. Après une nuit dans les bois et une journée terrible, nous n'avions rien mangé depuis hier hier soir."
Sous-lieutenant Robert Bocquillon (2e section de mitrailleuses, compagnie d'accompagnement), de Chaumont : "A 2 h du matin, mort de fatigue, je m'affale sur une paillasse dans une baraque de jardin. [...] J'avais dormi seize ou 18 heures d''affilée..."
Pertes du bataillon : 32 tués, 83 blessés (dont six décèdent), six disparus. Au II/21e RIC (commandant Jean Whitehouse) qui a pris part également à la fin des combats, la 7e compagnie déplore cinq tués. Outre le lieutenant Ricour au RCCC, le médecin-auxiliaire Jean Avinier, du 25e bataillon médical, a été tué durant la journée, tandis que le lieutenant-colonel Henri Delteil, adjoint au chef de corps du 21e RIC, était blessé dans la matinée.
(Photo Lionel Fontaine).
Marsouins du I/21e RIC tués, blessés, prisonniers à Sainte-Barbe (liste non exhaustive)
1ère compagnie.
Tués : caporal Roger Clément, caporal Jean Duport, René Grime, Gilbert Lecomte, Henri Mielle, Jean-Baptiste Raspès. Blessés : sergent-chef Marcel Contestabile, André Guénot, Paul Letuppe (décédé), sergent-chef Laure, Lhotel, sergent Gilbert Thomas. Prisonniers : Charlier, Nadeau, Pignal.
2e compagnie.
Tués : Georges Ballu, Robert Doffin, Roger Drioux, caporal Guy Leroy, Pierre Mathis, Emile Nottebaert, sergent Jean Roy, Roland Sanrey, caporal Louis Verson, Blessés : André Delanne (décédé), Jean Dubreuil, Gilles Guichard, François Habermarcher, adjudant-chef Georges Holveck, sergent-chef Maurice Jeanjean, Roger Jouanne, Jules Lamontagne, caporal Jean Leca, Lucien Martin, René Nourdin, Jean Paleur, Eugène Patris, André Pernot, René Picard, Jean Prodhon, Bronislas Pszonack (décédé), Marius Ramillon, caporal Guy Seigle.
3e compagnie.
Tués : Fernand Billey, sergent Emile Crelerot, Robert Creux, Joseph Decombe, Marceau Feit, Joseph Ferrer, sergent Maurice Landivaux, Roger Levallois, René Petitpas, René Rihn, Raymond Rousset, François Roussille, Anicet Vanaquer, sergent-chef Jean Vignolle, Blessés : Michel Baretge, caporal Blanchard, Demoullin (décédé), Amode Dominici (décédé), capitaine Jean Eon, Robert François, adjudant-chef Jean Gérin, Grattesol, René Jubeau, Krzemenski, Raymond Leclerc, caporal Hubert Marsault, Lucien Minot, Bernard Moginot, Louis Oudin, Pernoud, Jean Renaud, Paul Rivault, Roger Rondeaux, (sergent ?) Rouzier, Stanislas Rosanski, lieutenant Edmond Thouvenot, Vasseur.
Compagnie d'accompagnement. Tué : Serge Hemonnot. Blessé : Maurice Delacroix.
Compagnie de commandement. Blessés. Jacques Lasdrat (décédé), René Nicard.
Unités non définies. Tués : Jacques Berthomeau, François Duigou, Adrien Houeix, Henri Osmenda, Lucien Pitre, Camille Vincent (2e compagnie ?), René Vivier (2e compagnie ?). Blessé : sergent Maurice Boudeville.
(1) Le caporal Guy Leroy.
(2) Il s'agit du groupe du sergent Maurice Landivaux qui perd quatre tués (sergent Landivaux, Roger Levallois, Raymond Rousset, Anicet Vanaquer), trois blessés (Lucien Minot, Jean-Louis Renaud, Paul Rivault), trois rescapés (Monso, caporal Jean Régin, Joseph Sguerra).
(3) Georges Ballu était originaire de la Mayenne.
(4) Lieutenant Robert Ricour, du RCCC.
(5) Le capitaine Robert Vial devait être grièvement blessé le lendemain par un éclat d'obus qui l'a rendu aveugle.
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