Les éléments de la 10e DI présentés au ministre Diéthelm. (photo ECPAD)
Plutôt que de rester positionnés dans les Ardennes, les éléments de la 10e DI sont dirigés sur la 1ère armée française. Un changement de destination qui s'explique par le repli des troupes américaines ordonné par le général Eisenhower à la suite d'une offensive allemande en Lorraine dans la nuit du 31 décembre 1944 au 1er janvier 1945. La 10e DI - du moins une partie non négligeable - a été appelée pour permettre à la 3e division d'infanterie algérienne d'aller défendre Strasbourg.
C'est en train que le 5e RI, qui était à Auvillers-les-Forges (Ardennes), est dirigé sur la région de Remiremont (Vosges). Il débarque les 6 et 7 janvier 1945 à Saint-Nabord, où le III/5e RI et les unités régimentaires, parties de Paris le 8 janvier 1945, vont le rejoindre.
Même parcours pour le 24e RI du lieutenant-colonel Bablon. Arrivé à Signy-le-Petit (Ardennes) le 30 décembre 1944, affecté à la recherche de parachutistes, le 3e bataillon du commandant Deynoux embarque dans les wagons le 3 janvier 1945 au soir. Terminus Saint-Nabord.
Rapidement, le 5e RI monte en ligne dans les Vosges, secteur dont le colonel Emblanc commandera le sous-secteur Nord. Le 9 janvier 1945, tandis que le sous-lieutenant Emile Caumont est mortellement blessé dans un accident de la route près de Nancy - le lieutenant Sablot et le sous-lieutenant de Margerie sont blessés -, le I/5e RI du lieutenant-colonel Hucher prend position au-dessus de Gérardmer. Trois sections de la 2e compagnie défendent le point d'appui de Balveurche, une autre est au Collet avec une section du 2e bataillon du 9e régiment de zouaves, la 3e compagnie est au PA du Grand Valtin, une section de la CA est à la maison forestière de Belbriette, la 1ère compagnie et la CA au barrage de Xonrupt, enfin le PC et la compagnie de commandement à Parigoutte. "Notre unité était la dernière en liaison avec le 21e corps américain", précise Jean Vantin, jeune volontaire de 17 ans de la CA 1 (capitaine Robert Thominet).
Le 13 janvier 1945, tandis que le capitaine Caillon (II/5e RI) rejoint le I/5e RI, le soldat Michaux (ou Michot), agent de liaison, est porté disparu entre le Grand Valtin et Xonrupt - il a été capturé.
Le lendemain, des tirs de mortiers s'abattent sur l'observatoire de Balveurche. Le sergent Viebranet est tué, l'adjudant Lebas et le soldat Jean-Baptiste Antonini, 17 ans, sont blessés (Antonini meurt de ses blessures à Gérardmer le 15 janvier 1945).
Dans la nuit du 13 au 14 janvier, c'est au tour du III/24e RI de monter en ligne, non pas dans les Vosges, mais en Alsace, dans le secteur d'Urbès où il relève le 1er bataillon du 1er régiment de tirailleurs marocains. Passées par le col de Bussang, les compagnies (lieutenant Thelliez, capitaine Albert Delarra, capitaine Alfred Wihlm, capitaine Pierre Malterre, capitaine René Thomas) s'installent à Fellering, Wesserling et Ranspach, sur la nationale 66 qui relie Le Thillot à Thann.
La même nuit, le II/24e RI du commandant Schweitzer remplace le bataillon de tirailleurs Chauveau, toujours dans la vallée de la Thur, dans la région d'Oderen et Fellering. Le 17 janvier 1945, l'aspirant Boete est blessé, et le 19, un soldat du bataillon Schweitzer est tué.
A noter que parmi les éléments de la 10e DI - renforcée par la 4e demi-brigade de chasseurs du commandant André Petit - débarqués dans les Vosges, figurent des hommes de la compagnie mixte de transmissions 10/84, parmi lesquels Claude Barbier.
La bataille de Colmar
Le 20 janvier 1945, la 1ère armée française lance la bataille pour réduire la Poche de Colmar. Les troupes du secteur des Vosges sont chargées pendant ces opérations d'empêcher les troupes allemandes en position sur les hauteurs de décrocher en direction de la plaine d'Alsace. Période qui n'est pas du tout repos, en témoigne cette chronologie.
Rappelons les emplacements des unités de la 10e DI, renforcées par le 1er Régiment de Franche-Comté, les I et II/51e RI, le Corps franc Pommiès, le 1er Régiment du Morvan : le I/5e RI (Hucher) entre Gérardmer et La Schlucht, le III/5e RI (Devillars) à Wildenstein, le III/24e RI (Deynoux) à Oderen et Fellering, les 1er et 5e BCP puis le I/24e RI (Lhuillier) à Willer-sur-Thur (Oberfeld).
20 janvier 1945. Trois blessés par mortier au III/24e RI.
21 janvier 1945. Dans la nuit du 21 au 22, le III/5e RI relève le 3e groupement de tabors marocains, vers les fermes Schaffert, Bramont et Kleinruntz (PC à Wildenstein). Le sergent Henri Parent est tué.
22 janvier 1945. Une patrouille du II/24e RI (Schweizer) est harcelée au pied de la cote 585. Elle se retire avec cinq blessés, laisse un mort et un blessé prisonnier.
24 janvier 1945. Un blessé par mortier au III/24e RI.
26 janvier 1945. "Deux tués et quatre blessés légers à la 3e compagnie au cours d'une patrouille", note le JMO du I/5e RI qui déplore la mort de Marcel Leclerc et Raymond Milon près du Valtin. En ce jour de tempête de neige, le I/24e RI (capitaine Lhuillier), débarqué deux jours plus tôt à Masevaux, commence à relever le 1er BCP à Willer-sur-Thur.
27 janvier 1945. Le II/5e RI relève le II/9e zouaves au Collet et au Chitelet (PC à l'usine électrique de Gérardmer). La 10e compagnie du III/24e RI occupe la maison Sieg (quatre blessés au régiment).
28 janvier 1945. Le capitaine Sockel, adjudant-major du I/5e RI, réalise la liaison avec les Américains au Thalet. Au II/5e RI, le point d'appui du carrefour du Chitelet, défendu par la section du lieutenant Geslin, est attaqué par des skieurs. Le soldat Louis Martin est tué d'une balle en plein front.
29 janvier 1945. Activité de patrouilles au 24e RI. L'aspirant Jacques Bergerot, du 2e bataillon, est tué sur une mine à la cote 831, il y a également quatre blessés. Au cours d'un accrochage impliquant la 10e compagnie du III/24e, le soldat Lucien Chignon est tué.
30 janvier 1945. Accrochage de nuit pour une patrouille du 5e RI : un tué (le soldat André Feugueur), trois disparus dont le sous-lieutenant Fernand Beurthe. Au I/24e RI, le lieutenant Capeyron, commandant la 3e compagnie, est blessé. Le 24e RI déplore également trois morts.
Lourdes pertes au II/24e RI
31 janvier 1945. Blessure accidentelle du commandant R. Carlot, chef du III/5e RI. Son adjoint, le capitaine Pery (ou Péri), lui succède. En réserve à Retournemer, la 6e compagnie (lieutenant Célestin Gauthier) du II/5e RI relève la 5e compagnie (capitaine Depoix) au Chaume du Haut-Chitelet.
La CA du II/24e RI effectue un coup de main à partir de 5 h sur les cotes 585 et 775, tandis que deux sections de la 7e compagnie réalisent une diversion sur la cote 684. JMO du 24e RI : "L'une des patrouilles fouille le bois de la cote 775 et par suite de la destruction d'un appareil de liaison, ne reçoit pas l'ordre de repli qui lui est donné à 5 h. Elle se fait prendre de flanc par des mitrailleuses et tirs de mortiers. Parvient à décrocher à 11 h. Les deux sections attaquant la cote 585 sont accrochées par des armes automatiques enterrées dans des bunkers. Elles décident de prendre la position en la tournant mais sont prises à partie par des armes automatiques qui se dévoilent. La fin du décrochage a lieu vers 19 h."
Les pertes sont lourdes au bataillon : huit morts, dont le sous-lieutenant André Lottin, et quinze blessés. Le JMO du 24e RI n'apporte pas plus de précisions sur ces pertes. Le journal de la 10e DI indique : "Ordre de décrocher à 7 h 50. Une section n'avait pas pu décrocher à 18 h". Le témoignage d'un vétéran du II/24e RI semble suggérer que les victimes appartiennent à la 2e section de la 7e compagnie, qui défendait une ferme près de Wildenstein attaquée par les Allemands. Les victimes : Pierre Archambaud, 18 ans, René Dhal, 20 ans, René Dropsit, 19 ans, Charles Lefebvre, 20 ans, Georges Pelouze, 19 ans, Gérard Warin, 17 ans. Autre victime du régiment : Georges Szczesny, 19 ans.
Pour sa part, le I/24e RI accroche une patrouille allemande vers 10 h 30 sur la cote 561,8, perdant un tué et le sous-lieutenant Jacques Goussu-Chantel blessé.
1er février 1945. Tandis qu'une patrouille du II/5e RI partie du PA du Collet pousse jusqu'à la ligne des crêtes, perdant quatre blessés (Crochard, Kaplansky, Besnard et caporal Bruant), au II/5e RI, dans la nuit du 1er au 2, une nouvelle attaque ennemie au Chitelet coûte un tué (soldat Roger Daoulas, de la 6e compagnie) et deux blessés. Le III/5e RI perd un tué (soldat René L'Hostis, 17 ans) à Wildenstein, victime d'un éclat d'obus.
- Au 24e RI, un tué à la CCI, deux blessés au 1er bataillon.
2 février 1945. Pertes sensibles dans une patrouille du III/5e RI partie vers 16 h de la ferme Schaffert : le lieutenant Raymond Damour, les soldats Robert Mahieu, Armand Meritet, Robert Remigereau et Albert Robineau sont tués sur le territoire de Wildenstein.
- l'artillerie allemande cible les positions du 24e RI, qui déplore la mort de Daniel Courant à Fellering et d'Henri Ladam à Willer-sur-Thur.
3 février 1945. Les soldats Francis Auffray, 17 ans, et Bruno Baro, 21 ans, du III/5e RI, sont tués par un tir d'artillerie à Wildenstein.
4 février 1945. L'ennemi ayant décroché en direction de la plaine d'Alsace, la 10e DI et les unités FFI qui lui sont rattachées sont parties vers l'avant. Le I/5e RI atteint le sommet du col de La Schlucht à 13 h 30, mais les mines causent onze blessés "dont quatre très graves". Parmi eux, Pierre Lefebvre (2e compagnie) décède à Gérardmer. Les autres blessés : Fontaine, Lucien Endis, Ridet, sergent Diseine, Dudoy, Kircheim, Pourveau, Youpelle, Berger, André Picotin.
- Au II/5e RI, la 7e compagnie ne parvient que le soir à prendre le Falimont. Ce contretemps empêche la 6e compagnie de se porter sur le Hohneck. Le sergent Brochard, de la 5e compagnie, a été tué, il y a deux blessés dont le sergent Flachon (CA 2)... qui ne se prénomme pas André mais Andrée car il s'agit d'une femme !
- Dans un autre secteur des Vosges, le 24e RI éprouve également des pertes à cause des mines : le soldat Joseph Cutulic est tué.
5 février 1945. Le 5e RI parvient à Mittlach puis à Munster, où la liaison est réalisée avec les zouaves à 10 h 30. La 11e compagnie du III/5e RI établit également la jonction avec les Américains à Gunsbach. Au 24e RI, le 3e bataillon parvient à midi au Markstein, la liaison est faite avec le 2e bataillon à l'auberge du lieu. Dans la nuit du 5 au 6, le régiment du lieutenant-colonel Bablon arrive également à Linthal qu'avait atteint le Corps franc Pommiès. Pour la division, les opérations dans les Vosges et en Alsace sont terminées. Elle aura perdu 32 tués. A lui seul le 24e RI déplore 18 morts, 64 blessés, deux disparus, 25 hommes victimes de gelures et 68 malades depuis son arrivée en Lorraine.
9 février 1945. Grande prise d'arme à Munster au cours de laquelle le général Billotte, notamment, est décoré.
10 février. Le 5e RI commence à quitter l'Est pour les Deux-Sèvres. Avec le 24e RI, il rejoint l'Ouest mais ces deux corps ne seront pas engagés dans les combats.
Les morts de la 10e DI dans les Vosges et en Alsace
5e RI
Sous-lieutenant Emile Caumont, lieutenant Raymond Damour
Sergent ou adjudant Viebranet, sergent Henri Parent
Soldats Jean-Baptiste Antonini, Roger Lebonnois, Marcel Leclerc, Raymond Milon, Louis Martin, André Feugheur, Roger Daoulas, René L'Hostis, Robert Mahieu, Armand Meritet, Robert Remigereau, Albert Robineau, Francis Auffray, Bruno Baro, René Gautier, Pierre Lefebvre, Guy Maulian.
24e RI
Sous-lieutenant André Lottin
Aspirant Jacques Bergerot
Soldats Denis Hamaury, Lucien Chignon, Claude Dubost, Georges Szczesny, Pierre Archambaud, René Dhal, René Dropsit, Charles Lefebvre, Georges Pelouze, Gérard Warin, Jean-Louis Khremer, Claude Bauer, Roger Cevaer, Daniel Courant, Henri Ladam, Marcel Guilpin, Joseph Cutulic, Maurice Desplaces.
Les poches de l'Atlantique
Troisième corps d'infanterie, le 46e régiment d'infanterie n'a pas été engagé dans l'Est. Il sera dirigé vers l'Ouest. Parti de Nemours (Seine-et-Marne), il arrive le 9 février 1945 à Parthenay (Deux-Sèvres). Le 46e RI, dont le chef, le lieutenant-colonel Georges Bertrand, est mort à son poste le 1er février 1945, relève le 131e RI devant La Rochelle dans la nuit du 27 au 28 mars et le 28 mars 1945. Le nouveau chef de corps du régiment, le lieutenant-colonel Pierre d'Esneval, a son PC à Chaillé-les-Marais. Le même jour, le 32e RA (lieutenant-colonel Pagès) de la 10e DI est mis à la disposition du Détachement d'armée de l'Atlantique.
C'est le III/46e RI (ex-Bataillon 9/22 dit Brie sans peur) du commandant Paul Cheutin qui enregistre le premier mort du régiment, dans la nuit du 4 au 5 avril 1945, lors d'une patrouille : le sergent Alain Jardin. Il y a également deux blessés (adjudant-chef Pilaud et caporal Trony), ainsi que huit disparus (caporal-chef Play, caporaux Arrigoni et Chevallier, soldats Roland Fouquet qui en réalité est mort, Revidon, Pierre, Ergo et Bajoux). Nouvelles pertes le 12 avril 1945, toujours en patrouille, à la 11e compagnie : le caporal-chef Félix Cousin est tué, le capitaine Guy Mausser, les soldats Lanaut et Planchet sont blessés, le lieutenant André Troubac est considéré comme disparu mais a été tué, le lieutenant Pelletier et six hommes sont capturés. Enfin, dans la nuit du 12 au 13 avril 1945, la 10e compagnie repousse des éléments allemands le long de la Sèvre niortaise, au prix de deux tués (Marcel Remy et Lucien Bohère) et deux blessés.
Durant toutes ces opérations, le 46e RI aura perdu 35 hommes.
L'ordre de bataille de la 10e DI
Général Pierre Billotte
Chef d'état-major : colonel Nicolas Roumiantzoff
Sous-chef d'état-major : lieutenant-colonel Gouraud
Infanterie : colonel Rousseau
Artillerie : colonel Hanneton
Transmissions : commandant Maurizi
Génie : lieutenant-colonel Hitier
Train : commandant Leparc
Santé : médecin-commandant Carrot
L'ordre de bataille du 5e RI
Chef de corps : colonel Emblanc
Etat-major : commandants Farret, Picardat
Bataillon de commandement : commandant Noblet
CHR : capitaine Ricaud
CAC : lieutenant d'Avranche
CCI : capitaine Castellan
1er bataillon : lieutenant-colonel Hucher
1ère compagnie : capitaine Couderc
2e compagnie : capitaine Le Picard
3e compagnie : capitaine Villard
CA : capitaine Thominet
CB : capitaine Minot
2e bataillon : commandant Marie Devillars
5e compagnie : capitaine Depoix
6e compagnie : lieutenant Célestin Gauthier
7e compagnie : capitaine Vaugouin puis lieutenant Damon
CA : lieutenant Sablot
3e bataillon : commandant Carlot puis capitaine Pery
9e compagnie : capitaine Verdez
10e compagnie : capitaine Laurent
11e compagnie :: capitaine Hernandez
CA : capitaine Lespinasse
CB : capitaine Jalabert
L'ordre de bataille du 24e RI
Chef de corps : lieutenant-colonel Bablon
Etat-major : commandant Philippe Desrobert
Bataillon de commandement : commandant Claveau
CHR : lieutenant Scellos
CCI : capitaine de Douville
CAC : capitaine Treich
1er bataillon : capitaine Jean Lhuillier
1ère compagnie : capitaine Chéron
2e compagnie : lieutenant René Chapey
3e compagnie : lieutenant Capeyron
CA : capitaine Vibert
2e bataillon : commandant Schweitzer
5e compagnie : capitaine Baillon
6e compagnie : capitaine Guillemot
7e compagnie : lieutenant Carrée
CA : capitaine Beurotte
CB : lieutenant Auzonne
3e bataillon : commandant Georges Deynoux
9e compagnie : lieutenant Thelliez
10e compagnie : capitaine Albert Delarra
11e compagnie : capitaine Alfred Wihlm
CA : capitaine René Thomas
CB : capitaine Pierre Malterre
46e RI : lieutenant-colonel Georges Bertrand puis lieutenant-colonel Pierre d'Esneval
1er bataillon : commandant Baylon
2e bataillon : commandant Gobillard
3e bataillon : commandant Cheutin
Bataillon de commandement : capitaine Vannier
32e RA : lieutenant-colonel Pagès
1er groupe : commandant Baumann
2e groupe : commandant Ruas
3e groupe : lieutenant-colonel Chevallier
4e groupe : commandant Haack
110e groupe de FTA : capitaine Guéry
18e régiment de dragons : lieutenant-colonel Moissenet
Escadron hors rang : capitaine Hamelin
1er escadron : capitaine Coupe
2e escadron : capitaine Paricot
3e escadron : capitaine Lyon
4e escadron : capitaine Cellier
84e bataillon du génie : commandant Scarpazza
10e bataillon médical : médecin-commandant Roque
Sources : archives des 5e, 24e et 46e RI, archives de la 10e DI, SHD, Vincennes.