Le lieutenant-colonel Marcel Colliou recevant le drapeau du 152e RI (ex-Régiment d'Auvergne).
Secteur de la 9e DIC
23e RIC
JMO du 23e RIC : "Au matin, la progression doit reprendre, mais se heurte à une résistance ennemie accrue. Au soir, Richwiller est pris, la ferme Grossacker est prise et Lutterbach est complètement nettoyé. L'action à l'ouest a été menée par le I/23, à l'est par le III/23, le II/23 achevant de nettoyer Lutterbach.
Bilan de l'opération : 32 prisonniers pris à Richwiller, dix prisonniers pris à Grossacker, 98 [ou 96] prisonniers pris à Lutterbach.
Pertes amies : II/23, cinq blessés dont un officier, sous-lieutenant [Léon Creze, décédé] ; III/23 : 17 tués dont un officier, sous-lieutenant [Maurice] Siro, 43 blessés ; I/23 : [6 tués ?], 18 blessés dont un officier, lieutenant Denis, trois disparus. Neige toute la journée. Nuit calme".
6e RIC
Compte-rendu du lieutenant-colonel Dessert : "Dès la pointe du jour l'ennemi lance sur Kingersheim un bataillon du 137e régiment de chasseurs alpins, unité venant du front de Finlande et nouvellement arrivée en Alsace. La contre-attaque est appuyée par cinq automoteurs. Nos tirs d'arrêt causent à l'adversaire de lourdes pertes sans cependant l'empêcher d'aborder le village et de prendre pied aux lisières Nord et Ouest. Mais la 7e compagnie tient bon, groupée au centre et au sud-est du village.
A 9 h, les chars et TD restés à Illzach sont envoyés à Kingersheim.
A 10 h, la 6e compagnie se porte à sont tour à Kingersheim où elle s'installe défensivement face au nord et à l'est. La défense de Kingersheim est confiée au capitaine Petit.
A 13 h, la contre-attaque est arrêtée, mais l'ennemi occupe toujours les lisières Nord et Ouest du village. En outre, pendant toute la matinée, des mouvements d'Allemands sont observés sur la rive Est de l'Ill et autour de Sausheim. Un groupe traverse l'Ill à hauteur d'Illzach, ce qui fait craindre une infiltration vers cette localité. Tous ces mouvements sont arrêtés par notre artillerie.
A 18 h et 21 h 30, des patrouilles envoyées vers l'est trouvent les gués de l'Ill aux mains de l'ennemi. Pendant toute l'après-midi du 21 et la nuit du 21 au 22, les villages d'Illzach et de Kingersheim subissent de violents tirs d'artillerie et de mortiers ennemis, et l'on se bat avec acharnement de maison en maison."
Secteur de la 2e DIM
3e groupement de choc
Dans la zone d'opérations de la 2e DIM, le 3e groupement de choc s'apprête à être lancé au combat dans la nuit du 20 au 21 janvier 1945. Sous les ordres du lieutenant-colonel Régis Bouvet, il est composé du 5e bataillon de choc (ex-Groupe de commandos d'Afrique) et du 6e bataillon de choc (ex-Groupe de commandos de Provence). Ce groupement avait été renforcé par le Bataillon Paris, issu du Bataillon du château de Madrid et du Bataillon du Mont-Valérien (26/22).
Compte-rendu du lieutenant-colonel Bouvet : "La mission initiale du 3e groupement de choc connue du lieutenant-colonel le 16 janvier était : s'emparer de Cernay et Uffholtz en débordant par l'est ces deux localités, dès que les unités de la 2e DIM lui livreraient les passages de la Thur [...] Forme désirable à donner à cette opération [...] : approche nocturne de la pointe du bois à la Thur, franchissement nocturne de la Thur par un premier échelon qui devait s'emparer des deux fabriques, dès la création de cette tête de pont exploitation sur Cernay et Uffholtz. L'opération devait être exécutée à la faveur de la nuit, l'attaque proprement dite sur Cernay et Uffholtz devant se déclencher à la pointe du jour. [...]"
Dans ce compte-rendu daté du 23 janvier 1945, Régis Bouvet émet un regret : que ses hommes soient contraints à marcher près de 40 km, et non en camions, de Giromagny à Burnhaupt-le-Haut, les 19 et 20 janvier, sous la neige et dans la nuit.
Le 20 janvier 1945, le lieutenant-colonel Bouvet apprend "vers 12 h que Lutzelhof n'était pas pris contrairement aux renseignements. Le détachement aux ordres du commandant [Fernand] Raux était déjà parti et vers 13 h le commandant Raux était blessé en traversant Schweighouse". Fernand Raux a été touché avec le sergent-chef Jean-Baptiste Luquet et le soldat Pierre Contessi.
En réalité, le 5e RTM a pris Lutzelhof et repris sa marche en avant. Bouvet espère avancer par la forêt mais le colonel Dewattre du 5e RTM lui a indiqué qu'il était impossible de cantonner à Schweighouse à cause des tirs ennemis. Pour exécuter cette opération, Régis Bouvet estime que "le fruit n'est pas mûr". Il a "la sensation que le 5e RTM n'a pas atteint la voie ferrée dans la région entre Spartvientel [sic] et la Cité Else [...]. Dans ces conditions, l'affaire prévue était à l'avance comprise [...]. On n'était pas aux passages de la Thur." Le chef du 3e groupement de choc est plutôt partisan d'une "action de force avec artillerie et chars". Mais le commandant Albert Ruyssen lui rapporte l'ordre de la 2e DIM de réaliser l'action "avant le lever du jour".
Le lieutenant-colonel envoie le capitaine Mollat avec un échelon précurseur à la ferme Lutzelhof, pour prendre contact avec le commandant du bataillon du 4e RTM, puis remet une note au commandant Paul Ducournau, chef du 5e bataillon de choc : "Méfiez-vous des renseignements concernant la voie ferrée. Je n'y crois pas. Ne lancez pas l'affaire si vous constatez réellement que le 4e RTM et le 5e RTM n'y sont pas."
JMO du groupement. "21 janvier [1945]. Venant à pied de Burnhaupt-le-Haut par Schweighouse, il [le 3e groupement de choc] avait pour mission de s'emparer de la fabrique royale et de la fabrique 500 m Est. Il devait partir à 6 h 30 d'une base de départ matérialisée par la voie ferrée au sud du Faubourg de Belfort.
Au lever du jour, le commandant Ducournau, dont les éléments ont été retardés à la suite de l'erreur d'un guide, se trouva avec la certitude que nos éléments ne tenaient pas la voie ferrée. Le débouché par ailleurs devenait impossible momentanément en raison du lever du jour. Le problème consistait seulement à atteindre la voie ferrée. L'horaire des tirs d'artillerie (tirs de harcèlement exclus qui avaient été maintenus) avait été décalé et les tirs de préparation avaient été décidés "à la demande". Or c'est précisément le moment où le commandant Ducournau faisait fouiller la maison située au nord-ouest du Spartviertel [sic] que l'ennemi choisit pour attaquer en force avec cinq chars et de l'artillerie.
Dès le début le combat est très violent. Les unités faisant mouvement avant le jour le long de la lisière en terrain découvert reçoivent l'ordre de s'abriter dans les bois. Un char (Jagdpanther) avance sur la Voie romaine, et à coups sûrs mitraille et tire au canon l'infanterie. Nos chars (en attente à Lutzelhof) ne peuvent démarrer facilement malgré la demande pressante du lieutenant-colonel Bouvet. Leur dispositif est le suivant : un peloton accompagné par de l'infanterie essaiera de soutenir la défense par la Voie romaine, un peloton en réserve constituera autour du point d'appui de Lutzelhof une ligne de patrouilles volantes destinée à empêcher les infiltrations ennemies et à protéger le PA. Malheureusement nos chars ne peuvent en aucun cas pénétrer sous-bois alors que les chars allemands le font sans difficultés. L'artillerie d'appui du commandant Ducournau entre en jeu avec célérité, mais la difficulté de circonscrire exactement la position de nos éléments sous bois gêne l'appréciation des tirs.
Les points d'appui du groupe d'Afrique [5e bataillon de choc] tiennent après la première surprise. Le lieutenant Chochon et le 1er commando encerclés en point d'appui à l'extrême Nord du Spartviertel se défendent avec acharnement mais hélas personne ne reviendra de ces points d'appui largement débordés à travers le bois et non appuyés à l'est puisque le 5e RTM (1er bataillon) se replie à toute allure.
Le lieutenant-colonel devant cette situation prescrit aux autres commandos, le commandant Ducournau étant blessé et évacué vers 8 h, de tenir solidement en arrière le carrefour 1 km NE de Lutzelhof et le carrefour 204.39.
Il prend sous son commandement le bataillon du 4e RTM et les éléments du Régiment de Bourgogne qui se trouvent à hauteur des carrières et du carrefour 1 km Nord de Lutzelhof et qui sont dûment malmenés par les chars. Il prescrit en outre au commandant de Courson de tenir fortement le bois de Rozengarten. Enfin il fait immédiatement rechercher la liaison avec le 5e RTM. Cette liaison est introuvable. Ce n'est que vers 10 h qu'il retrouve le PC du bataillon du 5e RTM à 600 m Sud de la ferme de Lutzelhof vers le carrefour 1 100 NE de Lutzelhof.
Les tirs d'artillerie font reculer les chars allemands. Vers midi, la situation est rétablie et un prisonnier arrive au PC [102e bataillon de chasseurs de montagne], donne au lieutenant-colonel la mission reçue : "Reprendre le terrain perdu la veille avec appui de chars." Le bataillon, frais, transporté en camions de Cernay dans la soirée avait fait mouvement entre la Thur et la lisière du bois (cagoules blanches, équipements...) et était sur la base de départ : la voie ferrée, au moment de l'incident de la maison. Son axe d'attaque était la Voie romaine. Son objectif initial, la ferme de Lutzelhof.
Une deuxième attaque eut lieu à la tombée de la nuit et exécutée par la même unité fut rejetée. Un autre prisonnier fait par le 2e commando et appartenant à la même unité confirma les dires du premier. [...]
Le groupe de commandos de Courson ne fut que très peu engagé, le lieutenant-colonel voulant surtout [...] leur laisser le temps de s'aguerrir aux réactions d'artillerie. Ils n'eurent que peu de pertes. Toutefois, l'émotion initiale passée pour les deuxièmes échelons, à part quelques cadres incapables, l'ensemble des unités tint correctement au moment de l'accrochage de la soirée [...]".
Sur 1 570 hommes, le compte-rendu adressé le 23 janvier 1945 à la 1ère armée donne le chiffre de 13 tués, 192 blessés, 176 disparus dont 101 du 1er commando. En réalité, il y eut, pour le moins, une cinquantaine de tués, dont les lieutenants Albéric Laurent, Jacques Chochon et Hocine Djaider. A noter qu'un officier du I/35e RI FFI, le lieutenant Jean Charlot, a été tué lors d'une reconnaissance dans ce même secteur.
En fin d'après-midi, "le groupe de commandos d'Afrique est relevé par les tirailleurs marocains et le Régiment de Bourgogne. Il se dirige vers Aspach-le-Bas où il arrive pour cantonner vers 22 h. On a laissé un commando en position suivant l'ordre du général Chappuis. Le PC du groupement s'installe à Aspach-le-Pont."
4e RTM
Rapport du 2e bataillon : "La mission [...] était de reconnaître les possibilités de progression sur l'axe La Croisière - Pont de Cernay et occuper les maisons de la cote 200,1 [...].
A 8 h 10, la 7e compagnie occupe la ferme (547,4 - 111,0). Le contact est maintenu à 200 mètres.
A 8 h 15, une section de la 6e compagnie atteint les premières maisons du faubourg en 458,3 - 110,8, fait un prisonnier. Les autres sections sont arrêtées devant 300,1 où elles sont prises à partie par des tirs d'artillerie et armes automatiques ennemis.
A 8 h 45, la 6e compagnie est contre-attaquée par infanterie appuyée par des chars. Pour éviter l'encerclement elle se replie et s'installe à la Croisière et le long de la route.
A 9 h 15, un tir d'artillerie placé au nord de la Croisière stoppe l'avance de l'infanterie ennemie.
A 10 h, la section Ferrand qui occupe la ferme que l'ennemi chercher à encercler reçoit l'ordre de se replier et vient occuper les habitations en 457,2 - 110,8.
A 15 h, la section Mansour qui était installée sur le bord de la route à hauteur de la Croisière est ramenée à l'asile en réserve.
A 17 h 45, la section Mansour part avec trois TD pour dégager la Croisière prise à partie par des chars appuyé d'infanterie. Affaire terminée à 18 h 30."
Pertes du bataillon : deux tués et onze blessés.
152e RI
Au groupement Colliou qui a échoué la veille à conquérir le couvent d'Oelenberg, le 152e RI a pour objectifs la sous-station électrique de Lutterbach et la fabrique de Reiningue. Le 1er bataillon du commandant Emile Mairal est chargé de l'action principale. Sa 2e compagnie est formée depuis le 14 décembre 1944 par les Lyonnais du Bataillon Robespierre du capitaine Laplace. Ce sera pour eux le baptême du feu.
Il est 7 h et il neige. Les volontaires auvergnats et rhodaniens s'installent derrière un bras au sud de la Doller. Vingt minutes plus tard, débute la préparation d'artillerie. Dix minutes après le tir des canons de 105 et 155, les têtes des 2e et 3e compagnies passent la rivière sur des passerelles ou en pénétrant dans l'eau. La neige, la rivière, les fossés remplis d'eau glacée rendent difficile la progression du I/152e RI.
Déjà, la compagnie Laplace est bloquée devant la fabrique et Lutterbach, le sous-lieutenant Yves Gayant est tué. Stoppée à 9 h 30 au sud de la route de Reiningue par un violent feu d'armes automatiques, la 3e compagnie du capitaine Vincent subit de lourdes pertes. Les sergents-chefs Roger Benel et Léopold Catty, les caporaux Charles Burgel et Roger Menegaux, les soldats Georges Chauvet, Jean-Marie Marc, Joseph Chossa, Alfred Todeschni et Pierre Poulon tombent, mortellement atteints. "Treize gradés et hommes sont également blessés au cours de cette tentative", précise le journal de marche de la compagnie Vincent, laquelle repasse le bras de la Doller.
Une nouvelle tentative sera faite après une seconde préparation d'artillerie - à 11 h 35 selon l'historique du bataillon, à 12 h 30 selon le JMO de la 3e compagnie. "Le tir est légèrement trop long, les défenses établies à l'extrême bras Nord de la Doller ne sont pas atteintes, constate-t-on à la compagnie Vincent. L'unité déplore à nouveau la perte des soldats Ponchoux [Achille Panchout], [Louis] Boy et Fournel Jean. L'adjudant Lacroix et deux hommes sont blessés. 13 h 30 : la 3e compagnie reçoit l'ordre de se replier aux lisières Nord du bois Goben."
Ayant commencé à faire mouvement à 11 h 30 le long de la rivière, la 1ère compagnie, si sa progression est lente, parvient de son côté à atteindre la voie ferrée. Officier de renseignements du bataillon, le sous-lieutenant André Dalseme saute sur une mine et meurt. Mais enfin la liaison est prise à Lutterbach avec le 23e RIC, et en fin d'après-midi, un peloton du 2e régiment de cuirassiers vient appuyer les Auvergnats. A 17 h, la fabrique est prise. Dix-hit prisonniers ont été faits. Mais l'attaque de la sous-station est reportée au lendemain. Le I/152e RI, qui s'installe dans des maisons à l'ouest de la station de Lutterbach, et que rejoint à 18 h le lieutenant-colonel Erulin, aura perdu durant la journée 23 tués et 40 blessés, contre 23 prisonniers. Il ne reste que 55 hommes valides à la 3e compagnie, placée en réserve de bataillon, 80 à la 2e, 82 à la 1ère, 120 à la CA.
Sources : archives du 3e groupement de choc (GR 12 P 96, SHD - Vincennes) ; archives du 152e RI (GR 12 P 25) ; Du Cantal au lac de Constance. Journal de marche du I/152. Juin 1944 - mai 1945.
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