lundi 23 décembre 2024

La bataille de Colmar : 3 février 1945


Le capitaine Robert Vial, commandant la 1ère compagnie du I/21e RIC,
grièvement blessé le 3 février 1945. (Photo parue dans l'ouvrage "Robert Vial. 
Souvenirs et témoignages". 1994).

 Secteur de la 9e DIC

21e RIC

    Le I/21e RIC, qui perd le soldat Armand Cochet tué dans la journée, achève le nettoyage de Sainte-Barbe. Dès le début du jour, la 2e compagnie occupe la pointe Nord de la cité. A proximité, le commando - c'est le terme utilisé - du régiment fouille le bois à l'est de la localité. Pour sa part, la 3e compagnie confiée au lieutenant Georges Bernard fait une dizaine de prisonniers. 

    "En fin d'après-midi, un peloton d'autos mitrailleuses, qui a poussé jusqu'à Ruelisheim, rend compte que ce village n'est plus occupé" (JMO du I/21e RIC). Deux sections de la 3e compagnie et un groupe de la 2e section de mitrailleuses de la CA s'y installent. 

    Vers 16 h, un tir de 88 s'abat sur l'usine Théodore. Caporal Paul Henry : "J'ai entendu le capitaine [Vial] m'appeler en me demandant s'il y avait des pertes parmi nous. Je lui répondis : "Un blessé, mon capitaine, sans gravité". Et seulement à cet instant, il m'a demandé son paquet de pansements de secours car il me disait être blessé. Quelle ne fut pas ma stupeur de voir la gravité de sa blessure..." Sérieusement atteint au visage, le capitaine Robert Vial est conduit jusqu'au poste de secours, puis évacué sur l'hôpital de Montbéliard. Il survivra mais perdra la vue. "Nous avons perdu un chef irremplaçable, témoigne le caporal Jean Maire. C'est la consternation". Le lieutenant Auvigne prend le commandement de l'unité.

    En fin de matinée, le II/21e RIC nettoie le bois de Ruelishem et libère aisément la "Cité sans nom".

23e RIC

    JMO du 23e RIC : "La compagnie du II/23 tenant Meyer-Hof est relevée par des éléments du 2e bataillon de choc pour midi.

    Le régiment a pour mission de s'emparer de Pulversheim. L'opération est menée par le III/23 qui dispose des moyens supplémentaires suivants : une section [anti-char] de la CAC, un groupement blindé aux ordres du capitaine Lambilly comprenant deux pelotons de chars moyens, un peloton de TD, deux sections du génie de la 71/2. Feux des mortiers du I/23.

    Cette opération est encadrée à l'ouest par une action de la 2e DIM visant à s'emparer de Wittelsheim, de la Cité de la gare et de Cité Rossalemend, pendant qu'une autre action à l'est est menée par le 21e RIC et le CC3 sur les axes suivants : Cité Sainte-Barbe, Cité de Pulversheim et Cité Sainte-Brbe, Cité Sainte-Thérèse."

    Historique du 23e RIC : "A 7 h, les unités sont en place. La 9e et la 11e compagnies se dirigent vers la véritable base de départ qui est la route de Rossallemend-Pulversheim [...]" Un petit ruisseau, le Widematterbach, doit être franchi. "Ce matin, il a 50 cm d'eau et 4 m de large. C'est un coup de dégel. Les Fritz en ont tiré parti : quelques tireurs d'élite et surtout quelques armes automatiques bien placées en interdisant les accès. La section J... de la 11e compagnie réussit cependant à s'infiltrer homme par homme vers le carrefour 241. Elle y est presque lorsqu'elle est prise sous un violent bombardement. [...] Heureusement le tir d'artillerie cesse. J. regroupe son monde et repart. Il arrive au carrefour et s'y installe. Il est déjà 11 h 30.

    La 10e compagnie démarre aussitôt. [...] L'itinéraire qui, à travers le bois, doit conduire à Pulversheim est reconnu. Le chemin n'est pas miné, mais pour traverser le bois, il faudra venir jusqu'aux lisières mêmes de la Cité Rossallemend encore tenue par l'ennemi."

    Malgré les tirs, la compagnie progresse. "On commence à entendre une forte mitraillade dans Rossallemend ; nos voisins attaquent enfin [...]" Un tir de 10 minutes supplémentaires sur Pulversheim est demandé. "Vers 14 h 40, au moment où le tir cesse, la compagnie est prête ; le village est à 200 m. On voit déjà sortir les ennemis des abris, des maisons. Un de nos chars distingue un PAK 75 avec ses servants qui accourent. Il fonce sur lui avec les petits gars qui l'entourent, et c'est la bagarre à la grenade, rapide, fructueuse. La section G... occupe immédiatement les pâtés de maisons Nord-Ouest du village ; des prisonniers dont un capitaine qui, surpris, esquisse un geste de défense aussitôt interrompu par une rafale de mitraillette.

    Il est 15 h. On entend une forte mitraillade vers la droite, c'est la 9e compagnie [Tournier] qui pénètre dans le village par le sud avec son peloton de chars. [...] Notre victoire est assurée, les Boches sont complètement "soufflés", beaucoup essaient de s'enfuir vers le nord. On les mitraille. Un camion Nebelwerfer à six tubes réussit à disparaître dans les bois.

    A 16 h, tout le village est occupé, complètement nettoyé et organisé. Liaison est prise avec la 9e compagnie. Le nombre de prisonniers s'élève pour la 10e à 97, dont le capitaine grièvement blessé."

    JMO du 23e RIC : "Le stationnement du régiment en fin de soirée est le suivant : PC régiment : avant Cité Anna, arrière Pfastatt - I/23 : Hohrvenderhubel [sic] et Schoenensteinbach - II/23 : Cité Fernand - III/23 : Pulvesheim. [...]

    Bilan de la journée : 7 tués, 25 blessés au III/23 - 120 prisonniers (dont un capitaine) - un PAK 75 en état."

6e RIC, 3e BZP

    JMO du 3e BZP : "Mission du groupement : atteindre Ensisheim en liaison avec le CC3 agissant sur Pulversheim. [...]"

    Lieutenant-colonel Dessert : " [...] Le groupement Vallin (cinq chars moyens, un peloton de chars légers, deux compagnies de [fusiliers-voltigeurs] et CA du 3e zouaves, une section du génie) progresse sur l'axe : voie ferrée 227,4 - Cité Sainte-Thérèse. Le groupement Durosoy ([...] chars moyens, une compagnie de FV du 3e zouaves, une section du génie) progresse sur l'axe : route Cité Sainte-Barbe - [Ensisheim]. Le II/6e RIC est en réserve et marche derrière le groupement Vallin.

    Vers 8 h, liaison est prise avec le commandant Vallin.

    O1 (bois 1 200 m au nord des lisières Nord de Cité Sainte-Barbe) étant atteint à 9 h 30 par le groupement Vallin, le II/6e RIC s'y porte à 10 h 25. Les deux compagnies de zouaves progressent vers Cité Sainte-Thérèse, suivies des 6e et 7e compagnies du 2e bataillon.

    A 13 h 30, nos éléments de tête sont mêlés aux unités du 3e zouaves arrêtées dans le bois 500 m NE de 226,7. [...]"

    JMO du 3e BZP : "La progression sur O2 est difficile en raison de la forte résistance ennemie (infanterie, artillerie, et auto-moteur). Le capitaine Guinard est blessé, le sous-lieutenant Lott tué, l'aspirant Gaillard blessé. Le lieutenant Bousquet prend le commandement de la 2e compagnie. [...]"

      Lieutenant-colonel Dessert : "Le II/6e reçoit comme objectif la partie gauche de la lisière Nord du bois Allemand, les zouaves, la corne NE. Il est 15 h, le mouvement s'exécute vers ces objectifs qui sont rapidement atteints par la 6e compagnie à l'ouest, la 7e compagnie à l'est.

    A 16 h 30, le commandant Revol [commandant le II/6e RIC] donne ses ordres pour l'attaque de Cité Sainte-Thérèse. [...] L'heure H est fixée à 17 h 40 après une préparation d'artillerie de dix minutes.

    La 7e compagnie débouche en tête, accompagnée de six Sherman suivie de la 6e compagnie. La réaction de l'ennemi est très forte.

    A 18 h 15, la 7e compagnie prise vivement à partie par des feux d'armes automatiques et de canons [anti-char] provenant des habitations pousse une section sur l'usine, où les Allemands surpris se rendent, et se jettent dans la partie Nord du village. 

    Pendant ce temps, la 6e compagnie a pénétré dans le village et progresse maison par maison vers son objectif qu'elle atteint vers 19 h 30. [...]"

Secteur des Vosges

    La libération de Colmar la veille a des conséquences. Le 3 février 1945, les Américains descendus des Vosges entrent dans Turckeim. La 2e DIM atteint enfin vers 11 h 30 le centre de résistance de Wittelsheim, vers lequel se porte le II/35e RI, et la Cité de la Gare. Dans le secteur de la 4e DMM, le harcèlement permanent au mortier coûte cinq blessés au 5e BCP, dont l'aspirant Ramon, chef de section de la 2e compagnie. "Toute activité semble indiquer un décrochage prochain", note l'historique du bataillon.

    Il est 16 h lorsque le général Pierre Billotte, commandant la 10e DI et le secteur des Vosges, a annoncé à son commandant d'armée que les Allemands, devant lui, quittent leurs positions en direction de la plaine d'Alsace, ainsi que l'observation aérienne l'avait supposé. 

    Au III/24e RI (ex-Bataillon 8/22) du commandant Georges Deynoux, on avait pressenti ce retrait dès le 2 février 1945. "On a l'impression d'une manoeuvre de décrochage", écrit le JMO du régiment, avant que des patrouilles révèlent que l'ennemi était toujours là. Pourtant, note l'historique de la 10e DI pour cette même journée, à 18 h, l'adversaire paraît "particulièrement nerveux sur l'ensemble du front : tirs désordonnés, bruits, lumières, tout signale une agitation fébrile"

    Voilà pourquoi, dès le 3 février au matin, "l'ordre est donné de suivre l'ennemi au plus près et, au besoin, de bousculer les quelques résistances qu'il nous oppose". L'intention du colonel Pierre Rousseau, commandant l'infanterie divisionnaire (ID) de la 10e DI et le groupement Nord, est "de bloquer au plus vite l'ennemi entre la grande route La Schlucht - Munster et Mittlach, Metzeral, Munster. Malgré les avions et la tempête, par une couche de neige qui atteint par endroit 1,50 m, en dépit d'une résistance particulièrement vive devant le 5e RI (sous-secteur B, centre), au sud de Valtin, à La Schlucht et au Collet, la progression se développe"

    Premier signe de décrochage : à la tête d'une patrouille de la 5e compagnie du 2e bataillon partie à l'aube, le lieutenant Robbe, du 1er Régiment de Franche-Comté, trouve d'abord la Ferme sans nom abandonnée. Elle est occupée à 10 h par la 6e compagnie, qui parvient aussi à 11 h à Breitzhousen, puis vers 13 h reconnaît par des patrouilles les crêtes à l'est de la source de la Moselotte et sur le Kastelberg. Au même moment, avec les skieurs de la 5e compagnie, le lieutenant Graber pousse en direction de Mittlach mais doit décrocher en raison des résistances rencontrées. Le chaume de Ferschmuss est toujours tenu par les Allemands, et il apparaît impossible de l'attaquer à cause d'une tempête de neige.

    A droite de Franche-Comté, des patrouilles du 1er bataillon de l'Aveyron (II/51e RI FFI) atteignent la route des Crêtes. "Le Rainkopf à son tour est atteint et l'auberge du Rothenbach, première étape, est occupée aussi", précise l'historique du bataillon. Au cours d'une patrouille, le jeune sergent Robert Naves, 18 ans, est mortellement blessé. De son côté, le I/51e RI parvient au Rothenachkopf.

    Pour sa part, le III/5e RI (capitaine Péry) perd deux tués à cause d'un tir d'artillerie à Wildenstein (Francis Auffray, 17 ans, et Bruno Baro), mais durant la journée, les hommes du colonel Rousseau ont donc pu occuper successivement La Ferme sans nom, le Rothenbachkopf, le Rainkopf.

    Plus au nord, "en fin de soirée, le sous-secteur A avait atteint Le Talet, Gazon du Faing, les Hautes Huttes, le Sombrevoir [près d'Orbey], les Basses Huttes [par une patrouille du 3e bataillon du 9e régiment de zouaves], la Mossure... En somme, le sous-secteur Sud a atteint la route des crêtes."

Sources complémentaires : archives du 1er bataillon de l'Aveyron, GR 13 P 82, SHD ; archives du III/24e RI, GR 13 P 82, SHD.

Sources déjà citées : archives du 6e RIC, du 23e RIC, du 3e BZP, de la 10e DI.

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