Robert Creux (1929-1945), de Saint-Dizier (52), tombé à Sainte-Barbe.
Secteur de la 9e DIC
21e RIC - Cité Sainte-Barbe
1 h 15 : composé à l'origine de volontaires de Haute-Marne engagés en octobre 1944, le 1er bataillon (commandant Gilles Pâris de Bollardière) du 21e RIC quitte Mulhouse pour être à son tour lancé dans la bataille. Son objectif : la Cité Sainte-Barbe (dite également Théodore), commune de Wittenheim.
Capitaine Robert Vial, commandant la 1ère compagnie : "Renseignements franchement mauvais : l'ennemi va défendre avec acharnement la cité qui constitue sa dernière ligne de défense avant Ensisheim. Présence de chars probable."
Base de départ : le Jungholtz. Il a été nettoyé dans la nuit par deux sections du 23e RIC, les sections Nicolaï et Parcollet de la 6e compagnie du II/21e RIC, et la section de déminage de la CAC du 21e RIC. Nettoyage "sans résistance", note le capitaine Jean Surun, chef de la 6e compagnie.
5 h. Les hommes du I/21e RIC s'installent aux lisières Est du Jungholtz.
6 h. Des obus de 88 s'abattent sur le petit bois. Premières pertes. Caporal Jean Maire (1ère compagnie) : "Cela dure trois quarts d'heure. La terre tremble. Quand nous nous relevons, les trous apparaissent remplis d'eau glacée et nos vêtements sont complètement trempés sur le devant."
6 h 50. Préparation d'artillerie française, assurée par le I/RACM (Régiment d'artillerie coloniale du Maroc) et la CCI du 21e RIC. Cinq minutes après, alors que les tirs se poursuivent, les marsouins se lancent à l'assaut. La 1ère section (lieutenant Marcel Girardon) de la 2e compagnie (lieutenant Antoine Chabot) attaque en tête, avec pour objectif le centre de la localité. Elle parvient aux premiers jardins, non sans pertes. A la 3e section (sous-lieutenant Pierre Thiabaud) de la 3e compagnie (capitaine Jean Eon), qui attaque l'extrême-droite de la cité, la traversée du "glacis" séparant le Jungholtz de Sainte-Barbe coûte un tué (Joseph Ferrer) et trois blessés. Le caporal René Rihn et Marceau Feit (2e section de la "3") tombent également au moment de l'entrée dans le village. De son côté, la 1ère compagnie pénètre dans l'usine Théodore et l'enlève rapidement.
Dans la cité, la résistance allemande est vive. A la 1ère section (lieutenant Georges Bernard) de la 3e compagnie, le groupe du sergent Maurice Landivaux entreprend de traverser le terrain de football qui jouxte la salle des fêtes. Il est aussitôt pris sous le feu ennemi. Landivaux est tué d'une balle au front. "J'ai dû être blessé au troisième bond en avant ordonné par le caporal qui avait pris le commandement du groupe", précise le soldat Paul Rivault. 4 tués (Maurice Landivaux, Anicet Vanaquer, Roger Levallois, Raymond Rousset), 3 blessés, 3 hommes indemnes : le groupe a été décimé. Aux abords de la salle des fêtes, les projectiles d'une auto-mitrailleuse ennemie tuent François Roussille, tandis que le radio Joseph Decombe meurt victime d'une balle dans la tête. Fernand Billey, le sergent-chef Jean Vignole figurent également parmi les marsouins ayant perdu la vie au cours des combats.
Pendant ce temps, une contre-attaque ennemie reprend l'usine Théodore où la 3e section (sous-lieutenant Roignant) de la 1ère compagnie avait capturé une trentaine d'Allemands. L'assaut a été donné à 8 h par une cinquantaine de fantassins ennemis appuyés par trois blindés.
Dans la cité, la 2e compagnie est notamment bloquée devant l'église. Caporal Guy Seigle : "Roland Sanrey me dit vouloir lancer une grenade à fusil sur un tireur qu'il a repéré dans le clocher de l'église. Malheureusement, il n'aura pas le temps de tirer car, repéré lui aussi, il est tué d'une balle en plein front par ce tireur qui embête tout le monde." A la 3e section (lieutenant Georges Agniel), le fonctionnaire caporal Georges Ballu est "abattu d'une rafale de mitrailleuse en traversant la place entre l'église et l'école" (témoignage de son frère). Jean Collot : "Ballu, un camarade, tombe dans un jardin, aussitôt deux volontaires partent le chercher, quand le "Chleuh" d'en face, non content, tire sur les sauveteurs, et c'est un râle que l'on entend, car seul, Ballu est à nouveau touché, et arrivé près de nous, il meurt." Autres militaires de cette section, le caporal Louis Verson, le sergent Jean Roy, Bronislas Psznoack sont tués ou mortellement blessés.
Vers 9 h, un char Tiger - peut-être l'un de ceux qui appuieront la contre-attaque à l'usine - pose également des problèmes aux marsouins, qui font feu au rocket-gun. Mais il faudra faire appel aux TD du RCCC pour le museler.
A l'extrême-droite, secteur de la 3e compagnie, le benjamin du bataillon, Robert Creux, qui vient de fêter son 16e anniversaire, est tué dans une maison qui avait été signalée inoccupée. Le groupe du sergent-chef Michel Procot s'en empare, douze prisonniers sont faits dont un est abattu. "A 9 h 30, ma section borde les lisières Sud de la cité Sainte-Barbe", rapporte le sous-lieutenant Thiabaud qui a perdu 2 tués (Creux et Ferrer) et 7 blessés (dont Amédée Dominici qui meurt le 4 février 1945).
Les autres sections de la 3e compagnie souffrent - René Petitpas, tué, l'adjudant-chef Jean Gérin, le capitaine Eon, blessés, figurent parmi les victimes - mais parviennent à repousser l'auto-mitrailleuse - grâce aux tirs du rocket-gun servi par Gilbert Hinderschiett et Stanislas Rosanski - et à investir la salle des fêtes. Il est 10 h 30 lorsque le PC de la compagnie y est installé.
Malgré les mines, le RCCC parvient à rentrer dans Sainte-Barbe, où l'ennemi décroche. Canons de la CCI et des TD font feu sur les maisons encore occupées. Caporal Seigle : "Au bout d'un quart d'heure, il y a déjà beaucoup de dégâts, des maisons brûlent en dégageant de la fumée. D'un bond, nous quittons notre position, traversons la rue pour entrer l'école. Je vois des Allemands en tenue blanche s'enfuir. [...]" A 11 h 15, les hommes du lieutenant Chabot s'emparent du bâtiment, où se sont réfugiés environ 300 civils.
Alors que la 1ère compagnie reste bloquée devant l'usine, "la partie Nord de la cité est toujours fortement défendue et des mouvements d'engins blindés sont décelés aux lisières de l'usine et du bois de Ruelisheim", note le JMO du I/21e RIC. A ce moment, des tirs d'artillerie allemande s'abattent sur la cité. Dans la salle des fêtes, le lieutenant Edmond Thouvenot, adjoint au capitaine Eon, est blessé.
En début d'après-midi, la progression reprend en direction de la partie Nord de la cité. Il y aura encore des pertes. A la 3e compagnie : les tireurs FM Bernard Moginot et Louis Oudin sont blessés. A la 2e compagnie : vers 16 h, écrit Jean Collot, "nous sommes encore bloqués dans une maison. Emile Nottebaert essaie de mettre en batterie son FM, il prend une balle dans le front." Les TD parviennent à immobiliser un char allemand, et vers 16 h, la dernière résistance est réduite - une vingtaine de prisonniers. Sainte-Barbe est quasiment libérée.
Reste à reconquérir l'usine Théodore. L'opération est menée par la compagnie Vial appuyée par un peloton de Sherman du 2e RCA (1ère DB), et elle est rondement exécutée. Dernier événement de la journée : un tireur FM de la 2e compagnie abat les passagers d'un véhicule de reconnaissance fonçant sur la route de Ruelisheim. Mario Cappellaro sera décoré de la médaille militaire pour ce fait d'armes.
Le bilan est très lourd pour le I/21e RIC : 32 tués, 83 blessés (dont six décéderont dans les prochains jours) et 6 disparus. 18 engagés de Haute-Marne figurent parmi les morts. A elle seule, la 3e compagnie déplore 16 tués et 33 blessés. Côté ennemi, 145 prisonniers dont cinq officiers, et un nombre de tués et blessés non mentionné.
Autre élément du 21e RIC engagé dans ces opérations : le 2e bataillon du commandant Jean Whitehouse. Au moins 5 tués à la 7e compagnie. Le lieutenant-colonel Henri Delteil, adjoint au chef de corps, a été blessé dans la matinée. Le lieutenant Robert Ricour, du RCCC, et le médecin-auxiliaire Jean Avinier, du 25e bataillon médical, ont également perdu la vie.
6e RIC
Compte-rendu du lieutenant-colonel Dessert : "Le II/21 est remis à la disposition de son colonel pour faire une diversion par le sud [de Sainte-Barbe]. Devant la rapidité du déroulement de cette attaque dans les premières heures de la matinée, l'exploitation au moyen du CC1 agissant en direction d'Ensisheim est envisagée, et le II/6e reçoit l'ordre de se tenir prêt à renforcer l'action des blindés. Il est même prévu qu'une compagnie, la 7e, montera sur les chars. Mais l'ennemi, d'abord surpris, se ressaisit et Cité Sainte-Barbe ne tombera qu'à la nuit." Le II/6e RIC est alors mis à la disposition du colonel Gruss avec une section de la CAC et une section du génie de la compagnie 71/1.
23e RIC
Le II/23e RIC est relevé à Richwiller par le 2e bataillon de choc, et relève le III/23e RIC à Cité Fernand.
2e BZP
Pendant que les I et II/21e RIC se battaient à Cité Sainte-Barne, les zouaves portés du commandant Arfouilloux repartaient à l'assaut du hameau de Schoenensteibach. Ce sont les 1ère et 3e compagnies qui sont engagées, ainsi que l'escadron (à pied) Julien du 9e RCA. Dès le début de l'attaque, la préparation d'artillerie française (6 h 50) cause des pertes aux troupes amies. Mais le hameau est enfin conquis. Le 2e BZP déplore, en deux jours de combat, 35 tués et de nombreux blessés, dont Arfouilloux et le capitaine Holler.
Secteurs de la 2e DIM - 4e DMM
La 2e DIM atteint la route Wittenheim - Wittelsheim. Un officier du I/35e RI, le lieutenant Jean Cruez, est blessé par l'explosion d'une mine vers la Cité Amélie-II.
De son côté, le 5e BCP du commandant Stabler remonte en ligne. Il relève aux abords de Thann le II/1er RTA, du Grumbachkopf à La Roche-Albert, du Rosenbourg au col de Grumbach, et face à l'Erzebachkopf.
2e corps
Ce jour est celui de la libération - hautement symbolique - de Colmar par les troupes américaines et françaises. Le général de Lattre sent que les Allemands vont évacuer l'Alsace, non pas par le pont de Brisach, mais par celui de Chalampé.
Secteur des Vosges - 10e DI
Une patrouille du III/5e RI partie de la ferme Schaffert est victime d'un tir de barrage. Les pertes sont sensibles : le lieutenant Raymond Damour, les soldats Robert Mahieu, Armand Meritet, Robert Remigereau et Albert Robineau sont tués, sur le territoire de Wildenstein. C'est ce jour-là, également, qu'un jeune volontaire de 17 ans du Corps-franc Pommiès, Roger Vandenberghe, est blessé en sautant sur une mine - c'est le futur célèbre chef de commando en Indochine.
Dans la nuit, il y a des pertes au 24e RI, notamment en raison de tirs d'artillerie (Daniel Courant, Henri Ladam sont tués à Fellering et Willer-sur-Thur).
Sources complémentaires : Lionel Fontaine, "De la vallée de la Marne aux sources du Danube".
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