La conquête de Loechlé, au bord du Rhin, préfigure les combats qui seront menés du 20 janvier au 9 février 1945 dans la Poche de Colmar par le 6e régiment d'infanterie coloniale. Il s'agissait de réduire, maison par maison, la garnison allemande retranchée dans la localité.
L'opération - Loechlé et la centrale électrique - est exécutée par les 2e et 3e bataillons du 6e RIC. C'est un détachement du III/6e RIC, confié au capitaine Hervet, qui est chargé de l'attaque du village. En voici les principales péripéties, sur la base d'une relation conservée dans les archives du régiment.
"A 6 h 45, la préparation d'artillerie se déclenche. Deux groupes de 105, un groupe de 155, la CCI [compagnie de canons d'infanterie] pilonnent le village et l'usine (5 000 coups sont tirés en 30 minutes).
7 h 15 : le capitaine Hervet est blessé, le capitaine [Francis] Bourriquen prend le commandement du détachement.
7 h 20 : [...] Un soldat [du] groupe de mitrailleuses [blessé] rend compte que le groupe [a été] à peu près détruit à 150 m de la lisière par notre tir d'artillerie trop court. Le sergent-chef Gevaer est immédiatement envoyé à ce groupe et avec les trois hommes valides réussit à se mettre en batterie à la lisière pour appuyer le débouché de la section Martin. [...]
7 h 30 : débouché de l'attaque. La section [de l'aspirant Jean Chelveder] s'est portée en liaison avec un TD et un GM [groupe de mitrailleuses] qui appuieront son débouché. [...] Les trois groupes bondissent simultanément sur leurs objectifs, sous le feu de deux mitrailleuses ennemies. Deux soldats sont tués. Les maisons sont prises d'assaut. Quelques éléments réussissent à traverser la route. Onze prisonniers tombent entre nos mains. Quelques maisons résistent qui sont nettoyées à coups de grenades à fusil. L'aspirant Chelveder et le sergent Benhamou sont tués côte à côte par balles. Le sergent-chef Martinez prend le commandement de la section."
De son côté, la section du sous-lieutenant Martin, rejoint par un groupe de la section de l'adjudant Le Quellec, "prend pied dans la partie Ouest du village au sud de la route. [...] Le sous-lieutenant Martin est blessé à la jambe par balle en abordant les premières maisons. Une à une, les maisons sont réduites et la progression est très difficile. [...]" C'est l'adjudant Jean Tafanelli qui prend le commandement de la section Martin.
Le détachement a désormais face à lui plusieurs résistances dont "une [à] l'école avec une arme automatique qui bat la route".
"9 h 15. Le commandant du groupement donne l'ordre à l'adjudant Le Quellec de réduire [un] nid de résistance. Un groupe de l'adjudant Tafanelli avec son FM, un rocket et deux lance-grenades de la CA neutraliseront les mitrailleuses pendant le mouvement. [...]
9 h 30. Le nid de résistance est réduit. L'adjudant Tafanelli reçoit l'ordre de se porter dans les maisons Sud-Ouest de l'école avec un groupe. Le deuxième groupe se portera dans la partie Sud de l'objectif de la section et tachera de reprendre la liaison avec la section Chelveder. [...]
La grosse résistance ennemie se retranche dans l'école. Pendant une heure on se mitraille de part et d'autre de la route. L'adjudant Tafanelli en utilisant les boyaux creusés par l'ennemi réussit à atteindre les maisons Sud du carrefour à l'ouest de la route."
Il est alors fait appel aux tank-destroyers qui, à 11, détruisent l'école. "Un officier et 22 défenseurs se rendent". Reste la résistance à l'église au cimetière, le détachement - dont le capitaine Langlais, adjudant-major du III/6e RIC, a pris le commandement - étant renforcé par la section Pavard.
Renforcé par deux groupes de l'adjudant Le Quellec, l'adjudant Tabone "reçoit l'ordre de s'emparer de l'église en partant du cimetière. On lui adjoint une équipe de rocket des TD. Son action sera préparée par un tir nourri des mortiers de la CA sur l'église et les résistances repérées à l'est du cimetière.
11 h 30. Tir des mortiers : le groupement Tabone démarre. Il s'empare de l'église, du presbytère et des maisons avoisinantes et fait douze prisonniers. [...] Toute résistance a cessé dans le village."
La nuit sera calme, mais le lendemain, Loechlé subit des tirs de harcèlement. "L'adjudant Tafanelli, le sergent-chef Monot et deux soldats de la 11e compagnie sont grièvement blessés par un obus qui défonce la cave où ils étaient abrités. L'adjudant Tafanelli meurt à son arrivée au poste de secours."
La conquête de Loechlé défendu par "deux compagnies" aura permis au III/6e RIC - dont les derniers éléments sont relevés le 12 décembre 1944 par un peloton du Régiment d'infanterie coloniale du Maroc - de faire 50 prisonniers dont deux officiers, de prendre notamment quinze mitrailleuses et un canon de PAK de 75. Le détachement a perdu 19 tués dont l'aspirant Chelveder, l'adjudant Tafanelli et les sergents Benhamou et Georges Janin, et 34 blessés dont le capitaine Hervet, le sous-lieutenant Martin, l'adjudant Le Quellec, les sergents Medori, Hartz et François.
Source : compte-rendu du colonel Dessert du 4 janvier 1945, archives du 6e RIC, GR 12 P 253, SHD,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire