lundi 23 décembre 2024

La 10e division d'infanterie (1944-1945) - première partie


Des volontaires du 24e RI à Souppes-sur-Loing. Détail d'une photo de la collection de Patrick Vie.

C'est à un jeune général de brigade de 38 ans, lui-même fils d'un général d'armée mort en 1940, Pierre Billlotte, qu'a été confié le soin de former et commander une des nouvelles divisions d'infanterie métropolitaines mises sur pied à la Libération : la 10e division d'infanterie, créée par une note de service datée du 30 septembre 1944. Ce n'est pas la première division à avoir revu le jour : la 19e DI, dont la création a été prescrite dès le 16 août 1944, a commencé à s'organiser effectivement en Bretagne à partir du 6 septembre 1944. 

Venu de la 2e division blindée, Billotte a participé dès le 28 septembre 1944 à une réunion dans le bureau du gouverneur militaire de Paris (général Koenig) afin d'organiser une grande unité à partir des bataillons de la 22e région militaire. Pour ce rendez-vous, il est accompagné d'un autre officier de la division Leclerc qui sera son chef d'état-major : le lieutenant-colonel de spahis Nicolas Roumiantzoff. 

Précisions du journal des marches et des opérations de la division : "L'état-major sera constitué par des officiers prélevés sur l'état-major FFI d'Ile de France et sur l'état-major FFI de Paris. [...] Le commandement des unités restera confié à des officiers FFI actuellement titulaires de ce commandement. Dans le but d'obtenir un meilleur rendement, une centaine d'officiers provenant des divisions ex-FFL sera affectée à la 10e DI". 

Après s'être d'abord établi dans les locaux de l'Ecole supérieure de guerre, le quartier-général de la 10e DI gagne la Villa Hotchkiss à Nemours, le 6 novembre 1944. Entre-temps, les FFI franciliens se sont organisés en demi-brigades d'infanterie, donnant chacune naissance à un régiment d'infanterie.

Le 5e RI

Cinq bataillons d'origine FFI sont rassemblés dans la 5e demi-brigade d'infanterie qui, le 10 décembre 1944, se transforme en 5e RI.

Cantonné au lycée Janson-de-Sailly, le bataillon 2/22 - dit "de la 16e brigade blindée" - est créé le 14 septembre 1944 avec des volontaires du Ier arrondissement et d'Alfortville. Parti le 28 octobre 1944 pour Egreville (Seine-et-Marne), il donne naissance au bataillon de commandement (commandant Noblet) du nouveau régiment. Ainsi, la compagnie de commandement du capitaine Ricaud et la 1ère compagnie du lieutenant Sablot fusionnent pour former la compagnie hors-rang (CHR), confiée à Ricaud ; la 2e compagnie du capitaine Depoix devient compagnie de canons d'infanterie (CCI) ; les 3e et 4e compagnies donnent naissance à la compagnie anti-chars (CAC) du capitaine Lecomte puis du capitaine Chrétien, enfin du lieutenant Davranches. 

Commandant d'administration retraité de 58 ans, le lieutenant-colonel Prosper Boche (Rouget) est à la tête du bataillon 3/22. Fort de 803 hommes, il est mis sur pied le 2 septembre 1944 au Fort-Neuf de Vincennes, sous le nom de Bataillon Médéric. Ses hommes viennent du mouvement Ceux de Libération-Vengeance de Paris. Le capitaine Le Picard commande la compagnie de commandement, le capitaine Alphonse Villard la 3e compagnie. Le bataillon 3/22 se transforme en I/5e RI (lieutenant-colonel Huchet).

Caserné au Fort de Nogent, le bataillon 5/22 est notamment formé par le Bataillon Liberté (FTPF). Commandé par Tourot, il est versé pour partie au II/5e RI (deux compagnies), pour partie au III/5e RI.

Comprenant deux compagnies mises sur pied en septembre 1944 au Fort de l'Est (Saint-Denis) avec des FTPF, et une troisième issue des "corps-francs de la Résistance, groupe Libération", le bataillon 13/22 est également incorporé dans le III/5e RI (commandant R. Carlot). Il est sous les ordres du capitaine Louis Labri, un des défenseurs de l'hôtel de ville de Paris.

Enfin, le bataillon 24/22 est créé avec des FTPF du XVe arrondissement (Bataillon Roger), une compagnie du Bataillon Pierre-Semard (Vitry-sur-Seine) et le groupement du XIVe arrondissement. Il est intégré dans le II5e RI (commandant Marie Devillars).

Ces cinq bataillons partent pour Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne) entre le 20 et le 30 octobre 1944. Ancien légionnaire ayant servi comme officier durant la Première Guerre mondiale, le lieutenant-colonel Joseph Emblanc, 47 ans, prend le commandement du 5e RI, qui réunit 125 officiers, 515 sous-officiers et 2 860 hommes de troupe. Emblanc est assisté par les chefs de bataillon Henry Farret, commandant en second, Compagnon de la Libération venu du Régiment de marche du Tchad, et Picardat, chef d'état-major.

Le 24e RI

Parallèlement, la 24e demi-brigade devient 24e RI. Chef de corps : un jeune lieutenant-colonel de 39 ans, issu d'une famille d'officiers, Gabriel Bablon, venu de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère.

Le I/24e RI (capitaine Jean Lhuillier) provient du bataillon 6/22, lui aussi stationné à Janson-de-Sailly. Celui-ci est mis sur pied le 21 septembre 1944 à Vitry-sur-Seine par le commandant de Pirey. Une partie des hommes vient de la 8e division de francs-tireurs. Commandants de compagnies : le capitaine Chéron, les lieutenants Chappuy et Capeyron.

Le II/24e RI correspond au Bataillon Marianne (7/22) du commandant Albert Schweitzer (Lefèvre), formé à la caserne Guynemer de Rueil en incorporant notamment les hommes du capitaine Baillon - qui commandera la 5e compagnie - et du lieutenant Louis Guy. Fort initialement d'un millier d'hommes environ, dont une partie est passée au Bataillon Hoche à Versailles, il gagne par le train Château-Landon, le 21 octobre 1944.

Le III/24e RI, qui réunit 26 officiers, 98 sous-officiers et 655 hommes de troupe, est formé par le bataillon 8/22 du commandant Georges Deynoux. Ce bataillon est issu de la fusion des Bataillons Joseph-Bara et Hoche. "C'est à Brétigny qu'est rassemblé le bataillon FFI qui, par la suite, prendra le nom de Bataillon Bara, avec le commandant Deynoux, de Villeneuve-Saint-Georges, le capitaine Malterre (un instituteur)", se souvient Georges Andry. 

Créé le 2 septembre 1944 au lycée Janson-de-Sailly, le bataillon 14/22 (commandant Claveau) donne enfin naissance au bataillon de commandement du régiment, dont le commandant Philippe Desrobert est l'adjoint au chef de corps, et le jeune capitaine Jean-Pierre Sartin, 27 ans, le chef d'état-major. 

Le 46e RI et les autres corps

D'abord confié au lieutenant-colonel Georges Bertrand, le 46e RI est recréé également le 10 décembre 1944 en intégrant les bataillons 1/22 "La Marseillaise" (commandant Gomella, dit Dubois), 4/22 "Belleville-Vilette" (commandant Pierre Toulemont), 9/22 "Brie sans peur" (commandant Paul Cheutin) et 11/22 "Saint-Just" (commandant Liserin, dit Ferrer). 

Les autres bataillons de la 22e région militaire qui sont versés dans la division sont : le bataillon 15/22 (18e régiment de dragons du lieutenant-colonel Jacques Moissenet), les bataillons 16/22, 17/22, 18/22 et 19/22 (lieutenant-colonel Pagès), 23/22 (10e groupe de forces terrestres anti-aériennes du capitaine Guéry), 20/22 (84e bataillon du génie du commandant Victor Scarpazza), 27/22 (train divisionnaire), 28/22 (bataillon médical). L'ordre de bataille comprend également deux bataillons de renfort : le 22/22, et le 26/22 qui sera en réalité versé dans le 3e groupement de choc, ainsi qu'un bataillon de dépôt (24/22).

Moins de deux mois après sa formation, la 10e DI reçoit l'ordre de diriger des éléments pour les Ardennes, dans le cadre du Groupement de sécurité du Nord-Est mis sur pied après la contre-attaque allemande en Ardenne. Les premiers éléments font mouvement à partir des 26 et 28 décembre 1944, avec pour destination Auvillers-les-Forges et Signy-le-Petit, non loin de la frontière belge. (A suivre).

Sources principales : archives du 5e RI (GR 12 P 4, SHD, Vincennes), du 24e RI (GR 12 P 6, SHD), du 46e RI (GR 12 P 10, SHD), du Bataillon Marianne et du Bataillon Médéric (GR 13 P 82, SHD), de la 10e division d'infanterie (GR 11 P 164) ; archives personnelles de l'auteur.

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